Le soleil s'était depuis longtemps levé lorsque Risako interrompit ses exercices pour marquer une pause bien méritée. Laissant son fils se débrouiller comme il se devait, elle ne se tenait pas moins attentives à ses moindres faits et gestes et gardait ses conseils pour elle dans l'espoir que Bankichi devienne rapidement autonome et puisse remarquer et corriger ses défauts sans aucune aide extérieure.

Surveillant avec soin son fils qui s'entrainait un peu plus loin, elle était donc agenouillée au bord du tatami d'un des dojos de la ville quand un émissaire du palais surgit au travers de la porte, son ombre étendue se détachant nettement sur le sol. Risako parut brièvement surprise avant d'inciter son fils à continuer d'un signe de la tête, de se lever et de rejoindre l'envoyé dehors.
Il lui dit alors qu'il n'y avait rien de vraiment grave, mais que le seigneur voulait s'entretenir avec elle au palais dans les plus brefs délais. Il ajouta que c'était de la plus haute importance avant qu'elle ne le congédie et alerte son fils qu'il devra finir seul ses exercices du jour.

Jugeant qu'elle ne pouvait se montrer trempée de sueur devant son seigneur, elle s'empressa de rentrer chez elle pour se rincer, se nettoyer un peu et se revêtir d'un kimono au pourpre terne, d'un hakama gris et d'un haori portant le kamon Nezumide au niveau de la poitrine. Tous étaient propres, soigneusement tenus et assortis avec gout sans pour autant arborer de quelconques fioritures. Avant de filer comme le vent au palais, elle vérifia si ça tenue était correcte, ignorant tout de même si le pourpre de son haut n'était pas trop terne ou trop soutenu. Elle en corrigea le col avec empressement afin qu'il ne révèle les bandes de tissus qui maintenaient sa lourde poitrine, puis courut enfin.

Alors qu'elle se trouvait presque essoufflée d'avoir tant couru, une servante vint se présenter à elle et la mena vers la salle où le seigneur Aoi l'attendait. Dans les couloirs, la trentenaire se recoiffa en hâte, planquant les plus longues de ses mèches écarlates et celles gênant sa vue derrière ses oreilles tandis que son coeur commençait à battre de plus en plus fort. La servante fit glisser la porte coulissante, et Risako comprit soudain qu'elle était la dernière à arriver.

Honteuse mais tout de même très droite, la capitaine s'avança de quelques pas dans la vaste salle puis s'inclina jusqu'à toucher le sol avec son front. Elle sentit alors que ses joues s'empourpraient et espérait que cela ne se voyait guère. Après quoi, elle se redressa et d'une voix qu'elle voulait claire et respectueuse, s'exclama:
"Takahara Risako, pour vous servir, Seigneur."

C'était la première fois qu'elle le voyait d'aussi près. Elle était curieuse de savoir à quoi ressemblait vraiment celui à qui tous les Nezumides dédiaient leurs vies, et bien qu'elle gardait les yeux le plus souvent baissés, Risako put brosser son portrait grâce à un coup d'oeil discret et vif comme l'éclair. Ainsi, il avait des yeux d'acier -que beaucoup devaient lui envier- dont un était caché par une soyeuse mèche d'ébène. Cette image se gravait dans son esprit tandis qu'elle se tenait là, immobile, attendant avec patience que leur seigneur leur adresse la parole, à Shuhei et à elle.

Par chance, et bien que Risako put sentir son agacement, le seigneur ne fit pas un cas de son retard. Telle une souris, elle alla donc s’installer sur un des coussins, en face de Shuhei et devant une grande table de bois, celle-ci les tenant à distance raisonnable du daimyo. A sa place, Risako sentit son rythme cardiaque recouvrer un peu de sérénité tandis qu’elle adoptait une attitude sérieuse en vue de la réunion. Peu après, elle entendit le meneur souffler, croisa son regard l’espace d’une demie seconde avant qu’il ne prenne la parole.

Elle but ses dires, immobile et droite. Tous ses sens étaient alors tournés vers l’être le plus puissant du clan où elle était née et où elle avait vécu. Ce jeune homme leur annonça qu’une assemblée entre seigneurs de l’Est avait eu lieu et qu’un conflit _ qu’une guerre, même _ s’annonçait imminente.
De ces mots ne découla aucune surprise.

Il n’y avait pas longtemps, une rumeur semblable avait fuité des hautes sphères et les quelques oreilles indiscrètes savaient très bien qu’une réunion entre seigneurs suscitait un évènement à l’échelle de l’Hinomoto. Comment ne pas penser alors à la vague de batailles qui avait changé plus ou moins récemment le destin de tous les clans ? Comment faire l’impasse sur les alliances, les rapports de force qui sévissaient encore, et les dominations si lourdes à porter pour les dominés ?

La préparation d’une nouvelle guerre était un évènement terrible aux yeux de Risako, mais tellement prévisible. Depuis qu’elle avait pris des yokais pour des troupes sans distinctions menaçant Nezumi, il y avait quelques mois et qu‘elle en avait parlé à Mitsuko, l’ombre de la guerre la hantait. Et voilà que celle-ci pointait le bout de son museau !
Un mélange de colère et d’appréhensions s’empara de son cœur. Elle présageait ses insomnies et les cernes grises qui viendraient , bientôt et à coups sûrs, creuser le dessous de ses yeux.

Il fallait dire que Risako n’avait pas oublié Nezumi assiégée, son premier combat, sa première défaite et la perte brutale de son père. Les disparitions de sa mère et de sa sœur sous les flots d’ennemis portant l’emblème Suigyuuku. Et la terrible solitude qui s’en suivit. Non, elle n’avait pas oublié. Ses doigts s’en crispaient encore de frustration tandis que ses traits s’étiraient en un rictus de dégout contre la vanité des hommes et leur besoin insatiable de supériorité.

Pourtant, la sage tigresse ne détestait pas les Suigyuuku comme certains dans le clan aimaient l’assurer. Bien sûr, Risako aurait du mal à sympathiser avec un des ainés du buffle, les plus jeunes n‘ayant, pour elle, rien à voir avec le conflit passé. Mais, d’un autre côté, elle savait que les Nezumides s’apprêtaient à commettre les mêmes erreurs, qu’ils ne valaient pas mieux qu’eux et que, par déduction, elle était prête à montrer autant de brutalité que ce qu‘elle avait subi auparavant. Ainsi, la guerrière laissait faire les revanchards afin que Nezumi puisse ,un beau jour, briser ses chaînes et crier sur les toits que la liberté venait s’ajouter à l‘autonomie que la ville avait su garder si longtemps.
Cependant, il y avait un hic. Risako était mère, et comme toutes les mères de cette époque, elle s’inquiétait pour son fils au point de vouloir éviter la guerre pour lui épargner un traumatisme certain.

En d’autres termes, la mère et la capitaine étaient perdues. Elles n’avaient d’autres choix que de suivre l’avis des hommes en faisant le maximum pour protéger au mieux leur progéniture. Ce dernier objectif, bien que connu de tous ceux qui avaient croisée Risako, était devenu strictement personnel.

Pour le moment, la Tigresse écoutait impassiblement les ordres de son seigneur. Dans les autres clans, des troupes prêtes au combat avaient été méticuleusement placées, et bientôt, elles seront rejointes par les Nezumides, selon les paroles de leur seigneur. Mais pour le moment, il s’agirait de ne pas s’attirer de méfiance de la part des clans étrangers et de rester attentifs autant aux espions qu'au train de vie populaire sous la protection de Tachigami. Il fallait aussi la jouer fine et s‘endurcir, avertir les soldats de la guerre se préparant sans alarmer la population, glisser quelques rumeurs infondées par ci par là, mentir pour tromper, tromper et embrouiller…
En sommes, des tâches ingrates et difficiles, qui, si elles ne sont pas exécutées par quatre mains expertes, ne feraient que discréditer les deux capitaines aux yeux de leurs soldats. Si cela arriverait un jour, alors Aoi n’aurait pas à bouger le petit doigt. Incapables de tenir leurs propres hommes, ils ne pourront que s‘ôter la vie dans un ultime espoir d‘honneur.

Au coup d’œil du seigneur, Risako répondit d’un signe de tête résolu. Un capitaine n’avait pas à discuter les ordres, un capitaine ne devait qu’obéir. Nezumide Aoi demanda tout de même si ses deux subalternes avaient des questions, ce à quoi Shuhei répliqua qu‘il désirait connaître l’avis du seigneur sur les réactions des clans quand les Nezumide se retourneront contre les Suigyuuku. C’était une très bonne question, mais il semblait à Risako qu’on en était pas encore là, et qu’on en était même très loin. Néanmoins, elle garda son avis pour elle et attendit avec un certain intérêt la réaction de son Daimyo.

Risako était alors bien loin de se douter de l’enchainement des évènements qui allait suivre.

Bien que Risako faisait pleinement confiance à son collègue, elle fut assez surprise d’entendre que les Nezumide étaient tant pressés d’en découdre avec les Suigyuuku alors qu‘une guerre se déclarait sous leurs yeux et qu‘il fallait avant tout préserver l‘image du clan et le clan lui-même. Heureusement, les quelques termes vagues et surtout les conseils du seigneur rappela Shuhei à l’ordre du jour avec douceur, ce qui fit sourire Risako. Ce sourire n’était en rien moqueur, il s’agissait plutôt d’un sourire amical qui montrait le contentement de la trentenaire quand Shuhei exprima au seigneur sa compréhension.

Le seigneur allait conclure lorsque tous les regards se tournèrent vers la source d’un puissant vacarme. Risako avait sursauté et porter sa main vers la garde de son katana avec une précaution peu assurée. Elle avait réagi un peu vite, et se dit après coup qu’un ninja n’aurait pas fait autant de boucan tandis que ses yeux commençaient à détailler la petite silhouette étalée sur le paravent…
Sapristi, il s’agissait de son fils !

Risako déglutit péniblement. Plus rouge encore que d’habitude, elle se trouvait assaillie de questions et tentait de se calmer de son mieux. Elle eut alors une réaction assez puérile car elle ferma les yeux en soufflant fort afin d’apaiser son pauvre cœur choqué. En vain. Que faisait son fils ici ? Pourquoi avait-il suivi sa mère ? Comment avait-il fait pour s’insinuer derrière le paravent ? Par la fenêtre ?! Mais il aurait pu se tuer !

De telles bêtises, stupides et par-dessus tout dangereuses, étaient devenues une habitude pour un enfant aussi impulsif, curieux et insouciant que le jeune Bankichi. Risako espérait secrètement qu’il tienne ce tempérament de son père, ou bien d’un des prédécesseurs de son mari. Et il était vrai qu’elle avait maintes fois fait des pieds et des mains pour le sortir de toutes les situations abracadabrantes dans lesquelles il s’était fourré. Vraiment, c’était à se demander comment le cœur de Risako n’avait pas subi d’attaque jusque là. Mais jamais, ô grand jamais, elle ne se fut imaginée que son fils s’introduirait ainsi dans les appartements du membre le plus important du clan Nezumide.
La couvrir ainsi de honte ! Quel petit idiot !Si le seigneur ne tuerait pas son garçon _et à condition qu’elle soit encore en vie _ c’est elle qui le ferait !

D’ailleurs, le Daimyo avait frappé du poing sur la table ce qui la fit une fois de plus tressaillir, puis s‘était très vite avancé vers le garçon avant de le prendre sans ménagement par le col et de le soulever de terre. Assistant avec peine à la scène, Risako se fit violence pour ne pas céder à la nervosité et porter l‘intérieur de son index vers ses lèvres pour le mordre. Son pauvre petit Bankichi devait être terrifié, lui aussi. Un garde alla à la fenêtre jeter un coup d’œil. Elle nota que Aoi suspectait le garçon d’espionnage mais ne se sentit pas la force de bouger. Bien évidement, il n’eut aucune trace d’un éventuel complice.

« Sortez ! »

A cet ordre ferme et fort, les gardes s’exécutèrent immédiatement, ce qui enchérit le stresse de Risako. Elle fut toutefois soulagée de voir que le regard du seigneur sur son fils n’était pas si menaçant qu’il était autoritaire.

« Alors on s’introduit illégalement dans les quartiers du Seigneur ? Depuis quand es-tu ici ? »

Sur ces mots, le Daimyo porta son regard sur les deux capitaines et Risako prit ceci comme une provocation. Elle serrait les dents. Son cœur battait à tout rompre. Elle se sentait mal, redoutant ce que pourrait alors penser son maître d’elle. Peu rassurée, la mère était tout de même prête à se lever et à prendre la parole. Quand Aoi, après l’avoir détaillé, dégaina un chokutô, elle dirigea machinalement sa main vers son katana mais l’empêcha de s’en saisir. La suite fut un choc. Risako ne voulait pas voir son fils en danger pour une de ses bêtises. Quand la glace traîtresse alla pour s‘emparer de son cou blanc et fragile, elle n‘y tint plus.

« ARRÊTEZ ! »

La Tigresse bondit, traversant la salle, balayant les coussins d’une démarche puissante et effrénée. Elle dégagea avec précaution pour elle ,mais sans ménagement pour son seigneur, le chokutô représentant toute la violence du monde. Puis, se baissant pour prendre son garçon dans ses bras, elle porta la main sur sa nuque pour la débarrasser de son léger carcan de glace. Il lui semblait alors que si Aoi n’était pas son seigneur, elle l’aurait tué.

S’efforçant de ne pas lui adressé un regard plein de haine, s’endurcissant pour ne pas que sa voix reflète la colère noire et glacée qu’abritait son cœur, elle rétorqua à son seigneur:

« Majesté…Il s’agit de mon fils, Takahara Bankichi. Veuillez l‘excuser, et plutôt que le punir lui, punissez sa mère qui n’a pas su retenir la trop grande curiosité de son petit. »

Ce n'était pas par masochisme que Risako avait demandé au seigneur de la punir à la place de son fils, mais bien parce qu'elle se sentait coupable de sa bêtise et qu'elle était, jusqu'à là, bien incapable de contenir les élans de son jeune galopin.
Aussi, malgré les douze années de Bankichi et le fait qu'il pouvait depuis longtemps réfléchir par lui-même, un parent demeurait à jamais responsable des actes de son enfant. Car l'être était formé à partir de ce que lui donnait ses paires. Ainsi, Risako ne pouvait s'empêcher de croire que les stupidités de son fils arrivaient à cause d'une défaillance dans l'éducation qu'elle lui donnait.

Or, elle ne fut pas surprise de le voir s'agenouiller devant son seigneur et lui avouer la raison, plutôt douteuse, de sa venue. Risako ne dit rien. Mais encore pleine de ressentiments, elle demandait intérieurement à son fils de ne pas montrer de soumission devant un homme qui l'aurait torturé sans pitié. Et le fait que ce tortionnaire soit seigneur, leur seigneur, attisait le feu de sa colère. Elle trouvait ses actions des plus déloyales et déshonorantes.

Risako le regarda un instant sans rien montrer des sentiments instantanés qu'elle lui portait. Bien qu'il le dissimulait derrière un sérieux indéniable, la guerrière perçut que les propos de son fils amusaient son seigneur. Elle ne savait pourquoi, mais elle trouva cela détestable.
Il se tourna subitement vers elle et Risako baissa avec précipitation son regard. Elle était alors aussi rouge qu'une pivoine en un mélange de gêne et de rage. A travers le regard glacé du meneur, elle sentit bien son reproche mais n'en fit rien, se contentant de fermer les yeux de dépits.

Néanmoins, la capitaine écouta attentivement ce que disait le seigneur à son fils. Il était évident qu'elle ne lui faisait plus confiance, qu'elle épiait ses moindres faits et gestes. Pour elle, le seigneur était devenu un serpent prêt à ne faire qu'une bouchée de son petit rat trop fragile pour se défendre.
Enfin, Nezumide Aoi leur signala avec froideur qu'il n'avait pas l'intention de passer outre et qu'il allait les punir, que ce qu'ils avaient fait ne pourraient se reproduire.

Il ne tarda pas à enfoncer Risako à propos de l'absence d'homme dans sa demeure, ce qui ne calma pas sa colère, bien au contraire. Il lui semblait que Aoi ne montrait absolument aucune pitié, et que même s'il était au courant de sa souffrance, il la rabaisserait ainsi. Elle avait de plus en plus de mal à se contenir et le petit regard de son seigneur vers Shuhei la fit frémir de frustration.
Elle avait beau être entourée d'hommes charmants, jamais elle ne regarderait un autre que son mari ! Peu importe qu'il ait disparu depuis dix ans ou un siècle, qu'il était même mort, elle était encore mariée à Takahara Kidô, liée à lui pour l'éternité. Son coeur n'était plus à prendre depuis longtemps et ne le sera sans doute plus jamais.Si Shuhei venait à chercher un signe sur sa silhouette aux courbes généreuses, il ne trouverait rien car il avait déjà son amitié et cela suffisait.

Les mâchoires serrées par ce qu'elle avait enduré jusque là, Risako écouta sans bouger le sort que Aoi, content de sa position, réservait à son fils. Il allait donc en faire son kohai ! Il ne serait d'abord qu'un simple serviteur puis il lui apprendrait à se battre. Elle ne le verrait quasiment plus, mais au moins, aura-t-il l'occasion de réaliser son rêve. Cependant la mère ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il lui volait son enfant ! C'était là la pire punition qu'elle pouvait imaginer.
Risako, désespérée, sentit sa gorge se serrer et la picoter. Elle s'enferma dans sa bulle pour ne pas révéler sa condition de faible femme à son fils, à Shuhei et surtout à son seigneur, qui, elle le savait, saurait comment en profiter un jour ou l'autre.

Qu'il était dur, parfois, d'obéir à son supérieur ! Son coeur ne cessait de l'assomer de mille défauts. Elle n'avait jamais voulu que cela se passe comme ça. Son fils était trop jeune. D'accord, les autres partaient à l'école militaire plus jeune encore, mais lui, il demeurait trop doux, trop gentil, trop sensible pour travailler déjà ! Surtout entre les mains d'un homme aussi terrifiant que le seigneur Nezumide Aoi.

Risako sentit ses yeux s'humidifier, et elle tomba à genoux devant son seigneur, front contre terre, dans une prosternation plus protectrice que soumise, attendant impatiemment qu'il les congédie.

Quand le seigneur le leur ordonna, Risako se releva de mauvaise grâce et vit son fils la suivre. Il leur annonça ensuite qu’ils allaient sans tarder, son fils et elle, déménager au château et qu‘ils le feront avec toute l‘aide nécessaire. Un immense soulagement balaya la tristesse de la mère, elle put enfin souffler. Finalement, elle ne serait pas séparée de son fils !

Tandis qu’Aoi donnait des ordres à ses gardes et à ses serviteurs, Risako considéra brièvement son seigneur, un sourire perplexe aux lèvres. Elle se demandait si elle ne l’avait pas mal jugé. Après tout, il allait prendre son fils comme élève. C’était un immense privilège, bien que cela bouscule tout ce qu‘elle avait prévu pour son garçon. D’ailleurs, ce dernier aurait, elle le savait, plusieurs fois l’occasion de jouer les héros et ainsi de réaliser son rêve. La mère ne pouvait attendre mieux pour lui.
Bien sûr, le petit allait dans un premier temps s'occuper de tâches plus ou moins ingrates, mais si le seigneur lui donnerait l’occasion de s’illustrer en cuisine un jour, il serait charmé par son immense potentiel, elle en avait la conviction.

Mais sur ce magnifique tableau, un point noir résidait. Risako ne pouvait oublier comment il s’était attaqué à son fils en la visant elle. Il fallait le dire, depuis leur premier regard, elle avait eu peur de la puissance de son seigneur, et bien qu‘il se révélait attentionné, de sa violence. Si Bankichi commettait une seule faute, qu’adviendrait-il de lui ? Et puis, avec l’impulsivité et la curiosité naturelle de son petit…
Elle ne pouvait décemment trainer sur ses pas pour surveiller le regard de son seigneur vis-à-vis de lui. Il faudrait qu’elle réfléchisse au plus vite à un moyen de les surveiller tout deux en restant la plus discrète possible pour ne surtout pas les gêner.

En plus de leur donner un appartement et toute l’aide nécessaire, le daimyo Nezumide leur accorda aussi un serviteur. Bien qu’elle ne fut jamais pour ce genre de pratique, ayant grandit sans, Risako était soulagée d’avoir à disposition quelqu’un qui puisse s’occuper avec elle de ses nouveaux quartiers. Bankichi serait sans doute occuper toute la journée ,et elle pourrait sans remords se dédier à son poste de capitaine comme elle l'avait depuis longtemps rêver.

En fait, avec ce déménagement, tout allait bien dans le meilleur des mondes. Sa sérénité reprit la place qu'elle avait choisi dans son cœur, bien qu'elle soit encore un peu menacée par l'appréhension d'un avenir proche. Risako s’inclina devant son seigneur avec application pour lui signifier sa gratitude, que son geste ne serait pas oublié, sans toutefois l’importuner. La mère voulait aussi s’excuser auprès de lui pour son trop grand emportement , mais le fera plus tard car déjà, le seigneur les congédiait d’un geste de la main.

Ils allaient partir tous trois quand le daimyo leur rappela leur mission. Après Shuhei, Risako exprima son obéissance et sa soumission par un « Hai, Nezumide-sama ! » clair et fort, qui montrait sa volonté de le servir au mieux. Elle le salua ensuite avant de faire de même avec Shuhei en appuyant tout de même un peu moins sa courbette. Enfin, la jeune femme disparut dans les couloirs, son fils sur les talons.