Le soleil commençait à se coucher quand la jeune femme remarqua un moine lui laissant une impression étrange de déjà vu. Ce dernier discutait tranquillement avec un marchand et ce qui semblait être un membre du clan Nezumide. Les trois semblaient débattre puis soudainement venir à une conversation beaucoup plus amusante pour revenir enfin à un sujet beaucoup plus sérieux. En tendant légèrement l’oreille, la jeune femme pouvait entendre des brides intéressantes tout en restant à l’abri.

Une chance pour elle.

‘‘Je ne devrais pas vraiment en parler mais il est vrai que nous accueillons des invités de marque au château ses derniers temps. L’activité y est vraiment intense et les cuisines ont du mal à tenir le rythme. Ont à même du mal à trouver des aliments de choix à cause des fêtes.
- Ils pourraient participer aux festins organisés dans la ville.
- Non, ils ne désirent pas rester, ils sont toujours très pressés.
- Voilà qui est dommage. Ce n’est pas souvent qu’on voit la ville en fleur.
- Mais le pire, c’est que nous manquons de serviteurs. La plupart sont beaucoup trop fatigués et font des erreurs, j’ai vu des bushi décapiter des serviteurs de bonne valeur pour une simple erreur protocolaire ! A croire qu’ils pensent que les bons serviteurs se trouvent sur les arbres ! J’ai du recruter beaucoup de personne mais ils ne font pas tous l’affaire.’’

Le moine sourit, réajustant son chapeau qui cachait une grande partie de son visage.

‘‘Au moins, cela fait beaucoup de nouvelle tête au château.
- Un vrai casse tête pour les gardes. Et je ne vous parle même pas de ceux qui passent leur temps dans le quartier des geishas ! Il arrive que ces idiots n’écoutent pas les conseils de nos capitaines. Ils font leur réunion parfois dans ces maisons de thé et ne se rendent pas compte combien il devient difficile de protéger et le palais et leurs conversations !
- Vous êtes un bon serviteur. Votre seigneur reconnaitra vos mérites.
- En espérant qu’il ne se passe rien durant les prochains jours. J’ai hâte que cette période d’effervescence touche à sa fin.’’

Comble du bonheur, voilà que le moine semblait donner sa bénédiction aux gardes des portes de la ville qui se précipitait pour acheter des portes bonheurs. La sécurité venait d’en prendre un coup dans l’aile mais il fallait se dépêcher tout en restant discrète ! Si elle se faisait repérer, sa quête toucherait prématurément à sa fin et la mission serait un échec…Les informations lui serviraient à rien si Nezumide était au courant que Toragi les avaient percé à jour.

Il y avait donc deux solutions : Infiltrer le château ou infiltrer le quartier des plaisirs…

L'oreille attentive, Kaori ne perdait pas une miette de la conversation entre un moine, étrange comme il lui rappelait quelqu'un.. mais qui.., le marchand et un homme dont la préstence signifiait sans nul doute une certaine importance à Nezumi. Faisant mine de choisir une fleur auprès d'un vendeur qui ne devait pas avoir plus d'une dizaine d'années, elle pinça doucement les lèvres.. " Mais le pire, c’est que nous manquons de serviteurs.. ".. La rousse adressa un sourire au garçon et porta la fleur à sa narine.. " Et je ne vous parle même pas de ceux qui passent leur temps dans le quartier des geishas ! Il arrive que ces idiots n’écoutent pas les conseils de nos capitaines.." Kaori sortit de sa poche un koban et le posa dans la main du jeune vendeur. Elle profita du rassemblement autour du moine qui donnait sa bénédiction aux objets du marchand attirant pour le coup une floppée de gardes, et se faufila, la fleur à la main à l'intérieur des remparts sans aucun soucis.

Beaucoup d'effervescence oui... rien de plus idéal pour passer inaperçue qu'une foule.. Maintenant que faire.. Elle avait deux choix possible.. Le palais plus haut ou l'ikoya sur sa gauche. La shinobi n'avait guère de temps devant elle. Elle passerait surement mieux pour une geisha plutot que pour une servante.. Elle prit sur la gauche, et chercha la porte de derrière. Car y a toujours une porte de derrière, même si celle-ci est protégée par un jardin entouré de panneaux de bambous. Un coup d'oeil en arrière puis sur les côtés, personne ne lui prêtait attention, elle pénetra dans la ruelle et grimpa le long du mur végétal et sauta de l'autre côté après être assurée qu'il n'y ait personne. La nuit était tombée et pour l'instant tout était facile. Sa fine silhouette traversa le jardin puis elle se colla au mur entre la porte et la fenêtre de l'ikoya.Kaori porta un regard à l'intérieur, elle esquissa un sourire et poussa le panneau coulissant.

Devant elle un long couloir bordé de shojis fermés.. Au fond une porte de bois scupltée.. Un fin soupir silencieux plus tard la shinobi prit sa décision.. Elle traversa le couloir et tendit l'oreille qu'elle colla contre le bois. Kaori tourna la poignée doucement et jeta un oeil.. Quelle chance, surement la salle de préparation des filles. Elle referma derrière elle et s'avança vers une armoire. Bien qualque chose de seyant.. du vert pâle oui.. Un Obi jaune.. très bien..

Elle s'installa devant une coiffeuse et s'empara d'une brosse à cheveux et coiffa sa longue crinière rousse en un chignon haut bien serré. Devant elle tout un tas de produits. Kaori plongea les doigts dans une crème épaisse blanche et l'étala sur son visage à l'aide du pinceau en bambou. Après avoir maquillés ses yeux de charbon noir en des traits fins, elle tamponna de la poudre blanche pour unifier le tout et finit par étaler du rouge vif sur ses lèvres. Elle recula un instant pour juger du résultat. Ainsi elle ressemblait à n'importe quelle geisha. Kaori se leva, se débarrassa de sa tenue qu'elle cacha au dessus de l'armoire et enfila le kimono choisit plus tôt. A peine était-elle en train de nouer l'obi autour de sa taille que la porte s'ouvrit. Kaori redressa la tête sans un mot. Une jeune femme venait d'entrer en pleurs.

- Je n'y arriverais jamais.. La patronne va me licencier.. Par tous les kamis s'en est fini de moi..

Il ne fallut à Kaori que quelques secondes pour sauter sur l'occasion.

- Ne t'inquiètes pas.. Je te remplace.. La patronne n'y verra que du feu..

Elle s'approcha de la geisha sans sourire et posa la main sur la sienne. Elles échangèrent un bref regard, puis la jeune fille hocha la tête.

- Tu me sauves la vie.. Je n'ai pas encore servi le thé.. C'est la première porte à gauche.. Mais.. pourquoi veux tu m'aider ?.. Et qui es tu, tu es nouvelle ?

" Tu me sauves la vie.". Tu n'en as pas idée ma belle... Tu auras refusé tu ne serais déjà plus de ce monde.. Pensa la rouquine.

- Mmh je suis.. Sayuri je suis venue prêter main forte pour ce soir.. Ne t'inquiètes pas.. ça restera entre nous.. faut bien s'entraider ici.. Mais le mieux pour toi est de te faire.. discrète.. je prends ta place, toi tu ne sors que quand je reviens.. Sinon tu risques le bâton ou pire..

Comme c'était facile... Elle attendit que la jeune geisha acquiesce puis enfila les maikos de bois à ses pieds. Kaori s'inclina doucement face à elle et sortit dans le couloir, tête baissée. Aguerrie à la cérémonie du thé, elle n'aurait aucun mal à passer pour une vraie geisha. Kaori tendit l'oreille et chercha la salle réservée au clan Nezumide. Une fois trouvée, elle tira le shoji et s'inclina face au petit groupe..

L’infiltration c’était plutôt bien passé car là aussi, la fête battait son plein. De ce que la rouquine pouvait comprendre, l’endroit ne semblait jamais désemplir de jour comme de nuit si bien qu’il devenait rapidement difficile de tenir le rythme. Les serviteurs courraient dans tout les sens pour fournir boisson, nourriture et toutes les demandes un peu extravagantes qu’il pouvait y avoir.

Car effectivement, il y avait de tout dans l’Okiya…Des marchants, des officiers, des nobles de rangs…La période de fête faisait battre son plein à la ville et attirait des gens de tout les horizons. Certains obi étaient marqués d’une héraldique de clan proche comme les Hitsujides ou les Suigyuukus . Mais rien qui l’intéressait pour le moment car une minute passée à leur table lui fit comprendre qu’ils étaient trop bas dans l’échelle pour savoir quoique ce soit. Toujours les mêmes histoires de soldats, des informations sur les échanges commerciaux ou encore des nobles en quête de reconnaissance et d’un peu d’affection de la part d’une Geisha.

D’ailleurs la plupart d’entres elles cherchaient désespérément à bien se faire voir. Dans le même temps, aucune n’étaient particulièrement belle bien qu’elles possèdent toute un charme particulier. Mais aucune n’arrivait à la cheville de la jeune femme il fallait l’avouer. Une faiblesse compensée par une technicité particulièrement élevée dans les arts ou l’art de tenir une conversation qui risquait à terme d’exposer Kaori et qui faisait certainement la réputation de l’établissement.

D’ailleurs l’une d’entre elle ne tarda pas à venir la voir.

‘‘J’ai besoin d’aide avec la pièce d’a côté. Je suis demandée ailleurs en même temps, je ne peux pas être à deux endroits en même temps. Tu pourrais t’en occuper ?’’

Un nouveau choix venait de s’imposer à la jeune femme !

Elle pouvait sauter sur cette occasion pour faire parler d’elle dans l’établissement en espérant que les grands pontes de la soirée entendent parler d’elle et finisse par entre parler d’elle…D’un autre côté, c’était beaucoup s’exposer et risquer d’attirer l’attention sur elle. Ce qui voulait dire des questions embarrassantes et griller sa couverture

D’un autre côté, l’autre choix consistait à continuer de voguer discrètement de table en table jusqu’à espérer arriver à une conversation qui l’intéressait. Mais a force de fouiner et de mettre son nez partout, ne risquait elle pas d’attirer là aussi l’attention des gens chargés de faire la sécurité ?

Alors ? Sauter sur l’occasion pour se montrer ou se faire discrète ?

Elle déambula dans la pièce, la traversant à petits pas rapprochés, voguant de son déhanché entre les tables. Certains regards se posaient sur son visage fardé de blanc, certains descendaient le long de son corps, d'autres l'ignoraient. Un groupe bruyant attira son attention un bref instant mais à peine les obi effleurés de ses yeux perses, elle retint un soupir. Un bruissement d'étoffe la fit se tourner doucement. Une geisha de toute beauté s'inclina et lui glissa à l'oreille.

‘‘J’ai besoin d’aide avec la pièce d’a côté. Je suis demandée
ailleurs en même temps, je ne peux pas être à deux endroits en même
temps. Tu pourrais t’en occuper ?’’

Kaori inclina la tête à son tour.. Son esprit fonctionnait à grande vitesse. Accepter ou non ? La tâche était plus ardue qu'elle ne l'avait pensé. Jusqu'à présent aucune discussion ne l'avait servi dans sa mission. Peut-être qu'il s'agissait là d'une opportunité à ne pas rater.. Elle prit sa décision et hocha la tête, faisant cliqueter la cascade fleurie de la broche accrochée au chignon.

" Je m'y rends à l'instant.."

... Elle fit glisser le panneau coulissant puis le referma derrière elle. La main gauche lissant la soie du kimono, Kaori songea un instant à récupérer au moins ses kunais restés dans le boudoir... Puis haussant les épaules, elle fit quelques pas jusqu'à la pièce indiquée par la geisha. Pas d'arme iié.. Seuls son physique lui permettraient de s'en sortir.. Son physique et sa capacité de se sortir des situations les plus inextricables.. Kaori s'était forgée un corps souple et musclé, un mental à toute épreuve..

Ses yeux se posèrent sur le groupe installé autour du foyer, elle s'avança et s'inclina. Elle visionna en un battement de cils une possibilité de fuir.. mais surtout les obi à la signature plus que reconnaissable pour elle." Nezumide me voilà.." Songea la jeune shinobi. Un léger sourire aux lèvres, elle avisa la théière posée sur le foyer, la table vide de tout chawan et de pâtisseries délicates.

" Konban wa.. Je suis Sayuri.. pour vous servir ce soir.. "

Le brouhaha se fit silencieux et les regards se posèrent sur elle. Kaori alla jusqu'à la petite table où étaient posés Chawan et pot à thé ainsi que plats couverts d'une cloche. La shinobi se saisit du pot aux saveurs odorantes, y plongea une cuillère d'argent à l'intérieur et versa son contenu dans l'eau frémissante.Puis elle déposa devant chaque homme un chawan de porcelaine fine et les servit dos bien droit et tête baissée. Une fois le plateau de friandises au centre de la table, Kaori s'inclina et attendit qu'on l'invite à s'asseoir. La conversation reprit bien vite, au début, rien ne lui parut bien important. La jeune femme tenait son rôle avec soin, si bien que les hommes du clan Nezumide l'acceptèrent comme tel.

Le thé au jasmin laissa place au saké bien vite. Kaori changea les bols et versa le liquide tiède. Un homme lui en servit un en faisant un clin d'oeil à ses compères. Cela amusait Kaori.. Tout l'art était de leur délier la langue en restant sobre.. Agenouillée entre deux guerriers, elle se laissait complimenter, rougissante sous son fard lui donnant cet air ingénu qui plaisait tant aux clients des Ikoya.. Tout un travail d'acteur de Nô.. La conversation reprit cette fois, sur la situation du clan.. Elle tendit l'oreille tout en remplissant de nouveau les bols..

Il n’y avait pas a dire, quand il s’agissait d’attirer l’attention avec grâce et intelligence, notre petite shinobi savait y faire. Un subtil mélange d’humilité, de charmes appétissants, de mots particulièrement bien choisit, un geste discret de temps à autre…Voilà que la demoiselle brillait lentement dans le petit domaine de la maison de thé. Quand les autres Geisha jouaient et faisait preuve d’érudition pour tenter de reprendre le contrôle de la situation, il suffisait à Kaori d’un regard un peu appuyé et l’attention des hommes revenaient inlassablement vers elle.

Mais l’inconvénient avec ce que l’on souhaitait…C’est que parfois vos vœux étaient exhaussés. En voulant devenir le centre de l’attention, la Mama-San arriva rapidement pour tenter de découvrir ce qui ce passait et pourquoi on délaissait quelques unes de ses filles alors que la fête atteignait son paroxysme pour la soirée ! Une chose inconcevable pour laquelle elle voulait une réponse.

Et elle ne tarda pas à rencontrer le regard de Kaori

Inutile de dire que le déguisement de la jeune femme ne tint pas une seconde face aux yeux acérés de la vieille chouette. Un instant d’éternité coula entre les deux femmes. Un instant qui ne dura pas plus d’une seconde ou deux et qui pourtant faisait monter la tension. Kaori était certainement découverte mais à sa décharge, la vieille femme n’avait aucune idée de qui pouvait être la jeune femme assise au milieu de ses clients. Ni même ce qu’elle faisait là.

C’est pourquoi elle ne dit rien sur le moment. Un tacite accord entre elle et la Shinobi venait de tomber et cette dernière n’avait aucune idée de ce qu’on allait exiger d’elle. A moins que Mama-San ne cherche a la faire fuir avec diplomatie ? Car elle demanda à l’un des nouveaux clients qui venait d’entrer de venir prendre place au près de Sayori. Un groupe de Samouraï particulièrement bruyant qui préférait, a en croire leurs odeurs, le saké au thé.

Pire encore, l’homme le plus bedonnant s’installa à côté d’elle, lui jetant un grand regard concupiscant qui en était presque révulsant. Kaori devait se sentir presque violé par un tel regard qui semblait la déshabiller alors que l’homme essayait déjà de la ploter sans ménagement.

Il n’y avait pas beaucoup de solution pour se tirer de là.

Soit elle trouvait le moyen d’exécuter rapidement et sans bavure Mama-San voir son encombrant client en espérant que personne ne découvrirait les cadavres.

Soit elle suivait la doctrine des Shinobi et endurerait ce petit tracas le temps qu’il faudrait. En espérant que Mama-San ne pense qu’elle ne soit qu’une fille de joie essayant de se faire passer pour une grande dame et lui montrer sa valeur. Eventuellement, on pourrait aussi essayer de détourner l’attention de son pervers sur une autre demoiselle.

Que va-t-il se passer ?

Que va penser son chef bien aimé si elle faisait une erreur maintenant alors que tout c’était si bien passé jusque là ?

Vous le saurez au prochain épisode…