Au détour d'un temple...

Les éclats de lumières s’étiraient mollement sous les ombres rafraichissantes du temple. Allongé de tout son long sur le parquet de bois, ces reflets ne tardèrent pas à écraser son visage de chaleur, signe que l’après midi était déjà bien avancé. Un grognement se fraya un chemin dans sa gorge, se retournant pour ne pas avoir à affronter le jour qui s’annonçait et encore profiter un peu de la fraicheur de cette partie du temple…Ou de manière plus pragmatique, essayer de récupérer de la nuit dernière. La dernière lubie du seigneur avait été de vouloir rencontrer des Youkaï au milieu de la forêt, emportant pour seule escorte un Koto et plusieurs fiasques de Saké. De mémoire de guerrier, on n’avait probablement jamais vu une garde ayant plus fière allure. Tenzo n’était rentré qu’au matin, bredouille mais plusieurs bouteilles vides pour compenser le temps perdu dans les bois environnants du temple.

Temps vraiment perdu ?

On était en droit de ce poser la question quand les gardes contemplèrent Tenzo s’élever l’air de rien pour venir aux portes du petit temple. Il n’avait pas l’air d’être particulièrement marqué par sa nuit…A se demander s’il tenait bien l’alcool ou s’il en avait vraiment bu une seule goutte. Mais ce n’était pas la seule chose intrigante, du jour au lendemain, il avait décidé de venir ici, a Terayama…Sous prétexte que des fermiers avaient vu des Youkai dont l’un deux ressemblait de loin au Kami protecteur des Hitsujide. Des rumeurs qui demandaient aux prêtres de s’appesantir sur la question mais aussi une occasion pour le jeune seigneur de faire un pèlerinage. Il avait répondu aux mines sombres de ses conseillers et a leurs reproches muets… ‘‘C’est peut être un signe des Kami nous enjoignant à nous rapprocher de nos voisins ? Qui sommes nous pour juger des volontés célestes ?...Surtout si on trouve de jolies prêtresses !’’

Le visage du capitaine de sa garde lui revint en mémoire. Il aurait encore préféré qu’on le jette du haut de ces chutes plutôt que de laisser son seigneur avec une garde plus que réduite…Pas les plus braves et les plus zélés qui soit. Cependant, comment aurait il pu aussi s’opposer à lui aussi ouvertement ? S’il savait que c’était Tenzo qui c’était arrangé pour que ces rumeurs circules, qu’il avait déjà tout arrangé avec quelques Shinobis pour sécuriser le temple et ses voies d’accès et que par voie de conséquence, qu’il était mieux préparé qu’il n’y paraissait et qu’il n’avait rien laissé au Hasard. Ou si peu…Il se mit à rire doucement. La véritable raison de tout ceci ?

Tenzo avait besoin de ne pas se trouver au château pour retarder un problème qui ne tarderait pas à ce manifester…Des dissensions internes parmi les familles nobles qui l’obligerait bientôt à prendre parti, provoquant rancune et velléité sur son passage quoiqu’il fasse…En partant avant qu’ils ne ce manifeste de manière plus officiel, il allait pouvoir régler ce soucis de manière beaucoup plus discrète….Et avec plus de doigté que certains conseillers qui n’auraient pas rechigné à employer la diplomatie du poignard. Cela ne posait aucun problème moral à Tenzo, cependant, il pensait que c’était du gâchis de se débarrasser de manière aussi pragmatique d’un problème. Non, le jeune seigneur voulait trouver une manière plus subtile d’utiliser ses nobles, ses pions pour ainsi dire. Mieux valaient les manipuler, leur faire perdre la face, jouer avec leur sens de l’honneur pour abattre leurs fiertés et leurs honneurs et les obliger à servir corps et âme.

Son regard changea l’espace d’un moment. Se faisant plus froid et à la fois plus amusé qu’il ne l’était jusque là. Cela ne dura une longue seconde. Une seconde qu’il avait employé à imaginer tous les pantins de la cour munie de petites ficelles qu’il tirait à son gré.

Cet éloignement providentiel cachait ses intentions tout en lui offrant un alibi. Qu’il était sage de ce faire passer pour plus indolent qu’on était. Qui a dit que le vice n’était pas une vertu ? Il s’étira tout de même de tous ces membres, si bien qu’il aurait presque fait penser à un chat. Les yeux mi clos par la fatigue, il déambula dans les annexes du temple à la recherche d’un mauvais tour à jouer histoire de tuer le temps. Quelle bonne surprise ce fut de tomber sur l’une de ces fameuses prêtresse qu’il avait utilisé comme excuse. Une divine jeune fille dans la cour essayait de rattraper un foulard qui sous une brise légère c’était prit dans les branches d’un arbre trop grand pour elle. Le jeune seigneur se posa sur la rambarde, regardant les formes de la prêtresse plus loin...

‘’Une jeune vierge…Neh ?’’

Certainement plus pour très longtemps s’il avait son mot à dire. Gloussant d’impatience, il se glissa dans son sillage, se tendant sur ses orteils pour glisser quelques mots osés à l’oreille de la jeune femme qui, totalement concentré sur sa charge, ne l’avait pas vu venir. En conséquence de quoi, Tenzo regarda avec un franc sourire la jeune novice essayer de garder l’équilibre quand tout était contre elle. A voir le rouge lui monter aux joues, elle n’avait vraisemblablement pas l’habitude d’attirer l’attention du sexe opposé.

Il est vrai que cela ne faisait pas grand seigneur. Mais il se promit de la réconforter et de ne pas lui apporter de soucis. Tenzo fut néanmoins tiré des charmes de la prêtresse quand un bruit lui fit tressaillir l’oreille. Détournant la tête une minute, il entraperçu une présence armée qui ne ressemblait pas visiblement pas à l’un de ces gardes…

Les saisons défilaient. Le temps s'était d'ailleurs bien refroidi. Le matin était d'une fraîcheur sans pareille et il fallait mieux sortir quelque peu vêtu. L'automne est là, l'été s'en va... L'été qui parait déjà si loin. Cet instant épique de la vie où le jeune Uroko Shiro eut été promu samouraï et avait pour quête semi-personnelle de présenter ses respects aux seigneurs - le plus possible pour ainsi dire. Mais, il fallait le dire, le jeunôt de dix-neuf automnes maintenant ; et il supportait de moins en moins de faire ce qu'on lui disait. Et puis son maître lui avait toujours appris à suivre des voies sinueuses, à s'aventurer hors des sentiers battus... Une façon parmi tant d'autres de s'accomplir spirituellement, allez savoir. Toujours est-il qu'elle paraissait efficace. Ainsi Uroko Shiro émergea de son someil, ensevelit sous son solide manteau, dos contre un arbre. Il avait passé la nuit dehors. Une autre habitude. Et puis un samouraï - même s'il a les paupières lourdes et la gorge pâteuse - ne doit pas se plaindre ainsi. Ainsi le jeune garçon se redressa d'un coup, comme s'il était agressé. Il se tenait, en l'espace d'une fraction de seconde, sur ses jambes frêles. Il secoua la tête, manquant de jurer à cause de la douleur occasionnée par le froid. Parfois il était content de marcher sur la route, sans but précis, quand la météo était favorable aux petites épopées tranquilles... Il s'imaginait la dernière fois où il marchait, seul, dans une plaine avec des rizières à perte de vue... Et pas un son aux alentours si ce n'était le chant des oiseaux. Le rêve...

Il se gifla. Tout n'était pas tout beau tout rond, après tout. Dans un élan de lucidité, il regagna un chemin non loin pour le continuer, naturellement. Ce fameux temple dont il avait ouï quelque notoriété, réputé pour être des plus tranquilles et des plus reposants - aussi bien pour le corps que pour l'esprit - ne devait plus être bien loin. Le fameux temple de Terayama. A ses pronostics, l'humain arriverait en début d'après-midi à destination. Peu importe le temps de voyage, quel mal y avait-il vraiment à voir du pays... On se répète. On se répète. Alors que lui, l'enfant, il marche, luttant contre la douleur. Mais ça lui passera, il suffit juste d'un peu de temps pour l'éveiller totalement. Probablement que ses hemisphère cerebraux communiquent intensément pour déchiffrer les images qu'il avait observées dans quelque rêve. Non, rien de marquant cette nuit-là. Alors il marcha, encore et encore. Parfois il escaladait des terrains pentus. Parfois c'était pratiquable sans effort. Et il finit par apercevoir une importante construction au milieu de cette nature luxuriante. Il ne put s'empêcher de décrocher un sourire en coin, l'estomac gargouillant. Il pressa le pas en direction de l'entrée du temple et s'empressa d'adopter une démarche plus noble au fur et à mesure qu'il se rapprochait de l'entrée. Il avait presque l'air d'un zombie à cause de la fatigue, mais l'on ne pouvait deviner pour autant quelque malintention. Il profita de la température plus agréable qu'au dehors, bifurquant calmement çà et là dans les enceintes. Il adorait ce calme légendaire, ses gens disciplinés plutôt que le nombre d'imbéciles malfrats qu'il avait croisés. Après tout, qui ne préférait pas ça, hein !

Il émergea de nouveau au dehors, mais dans la cour du temple. Les jardins étaient fort bien entretenus. Entre temps, il profita de l'absence d'individus aux alentours pour trouver un petit point d'eau et s'asperger abondamment le visage. Double effet de fraîcheur : l'eau le revitalisait et, de surcroit, le vent refroidissait alors qu'il séchait le visage du garçon. Mais il y avait encore ce problème d'être rassasié. Et cet homme à qui il n'avait pas fait attention, occupé avec une jeune demoiselle. Il avait tout vu. Oh, et puis, ce n'est pas comme si Shiro allait être obligé de se seppuku pour une simple histoire... d'eau. Il s'approcha à démarche normale de l'individu et d'une possible prêtresse en perte d'équilibre, et demanda à haute et intelligible voix.

« Excusez-moi... s'en suivit un salut respectueux dans le doute, les collations, ça existe, par ici ? Je ne suis pas en manque d'argent mais en manque de nourriture, alors si quelqu'un voudrait bien me guider... J'ai de quoi offrir un pourboire pour la visite... eh... »

Il passa une main derrière sa tête, un peu gêné. La faim lui faisait perdre bien des manières, on dirait. Après tout, pour quelqu'un qui voyage aussi léger, il fallait bien se permettre quelques moments de faiblesse... Ou pas ? Entre temps, il sentit un petit gémissement féminin, la prêtresse avait complètement perdu l'équilibre. Un plateau glissait. Aussitôt Shiro, qui se tenait à distance plutôt raisonnable, joua de sa souplesse pour arriver en un temps réduit à réequilibrer ledit objet d'une paire de doigts. Tout était contrôlé maintenant. Il ne restait plus que ce morceau de soie suspendu dans les airs auquel il ne fit attention qu'un bref instant. Il toisa l'homme du regard qui le toisait à sa manière en retour. Shiro comprit le pétrin dans lequel il s'était mis. Quelqu'un d'aussi bien vêtu ne pouvait être qu'un seigneur. Il réagit trop tard, des gardes s'étaient déjà hâtés en direction du trio pour saisir indélicatement le jeune garçon qui ne prit même pas la peine de se débattre, comprenant ses torts.

* Shiro-baka, ta bonté te perdra... * pensa-t-il presque tout haut.

Qu’il était étrange de ne pas savoir quoi faire dans ce genre de situation. A vrai dire, le jeune seigneur des Hitsujide était plutôt mitigé quand à ses sentiments. Il avait regardé sans un mot le Bushi profiter de la source et plus encore, le priver de son amusement de la journée. A vrai dire, quand il avait prit soudainement de la vitesse, la main du seigneur c’était détendu par réflexe, prête à faire jaillir la lame d’acier de son fourreau. Ses yeux cherchant la meilleure trajectoire possible par des milliers d’heures passés à méditer ainsi qu’à pratiquer son art.

Même si cela n’avait pas forcement été perçu, Tenzo se sentait légèrement embarrassé de ses réflexes de combattant. De penser qu’il pouvait s’agir d’une ruse pour l’approcher puis de le trancher était…Particulièrement idiot. Il y avait de bien meilleure méthode que de s’avancer bêtement devant lui, surtout quand il avait une prêtresse entre lui et un éventuel assassin. Il soupira en voyant les gardes se saisirent du malheureux. Si lui pouvait mettre cela sur ses réflexes, on ne pouvait en dire de même sur ces derniers. Mais il était vrai qu’ils ne pouvaient pas non plus rester les bras ballants après cette démonstration de leur manque de réaction. Il s’agissait moins de cacher leurs manques de réflexes que de ne pas perdre la face devant leur seigneur.

Maintenant, Tenzo se retrouvait désagréablement prit dans une prise de décision peu agréable sur une personne qu’il ne connaissait pas. Le manquement à l’étiquette était punissable de mort mais Tenzo détestait gâcher une vie. Surtout s’il avait de bonne connaissance dans ses amis, ce qui rendait un seppuku embarrassant, ou s’il avait de grande qualité. L’impétuosité et la générosité dont il semblait faire preuve pouvait entrer dans ce contexte. Et puis il n’avait aucune envie de faire verser le sang dans une enceinte sacrée et encore moins celui d’un samurai dont il ne connaissait rien.

Il agita la main à l’adresse de ses gardes dans une parodie de sourire.

« Yare Yare…Est-ce que vous pensez par hasard que je ne suis pas capable de me défendre face à un homme seul et mort de faim ? Je pourrais m’en sentir insulté. »

Le sourire de façade contrastait sans mal avec le regard noir du seigneur. Les gardes lâchèrent le malheureux, reculant de plusieurs pas, laissant tout le loisir a Tenzo de toiser une nouvelle fois l’homme d’un regard plus doux, presque paternel, en se demandant comment résoudre ce problème de manière diplomatique, douce et sans provoquer plus de remous. Il soupira une nouvelle fois avant de s’incliner légèrement.

« Je suis désolé de la manière dont ces hommes vous ont traité. Ils ne pensaient qu’à accomplir promptement leur devoir. Permettez-moi de me présenter. Je suis Hitsujide Tenzo, Seigneur des terres du Sud. »

Faire preuve de bonté et de générosité était beaucoup plus efficace à son sens que la crainte et la terreur que l’on pouvait inspirer. Et puis, il n’était pas aussi attaché que cela à l’étiquette et l’honneur…Du moins pas quand elle dictait de mettre à mort un homme rompu par la fatigue et la faim. C’était totalement idiot et Tenzo avait assez de pouvoir désormais pour se permettre de faire comme il l’entendait.

« Je m’en voudrais de laisser un honorable guerrier mourir de faim. Pourquoi ne pas discuter de tout cela à l’intérieur devant une quelconque collation ? »

Il tourna son visage vers la prêtresse, le visage rougit par l’annonce avant de soudainement sursauter pour se précipiter à l’intérieur. Les yeux du jeune seigneur la suivirent un moment, regrettant déjà son petit plaisir de la journée. Rien que pour cela, il aurait du prononcer une sentence de mort. Il manqua une nouvelle fois de soupirer. Ce n’était pas en suivant ses désirs qu’on était un bon chef de clan. Son père et ses ancêtres l’avaient prouvé bien avant lui. S’il était resté engoncé dans ces traditions, il ne serait même pas sortit des murs du château et ne jouirait pas de la puissance qu’il possédait aujourd’hui.

Sans un regard en arrière, il pénétra dans le temple sans même se retourner, son esprit se demandant s’il aurait la chance de trouver une meilleure distraction chez le guerrier…

Bien que le corps du samouraï était presque souffrant à cause de la faim ou de la fatigue, les sens du jeune homme étaient au moins au triple de leurs capacités habituelles. Il attendait sans nécessairement se débattre mais redoutait la moindre agression, prêt à se défaire de l'emprise des deux hommes si, par exemple, une arme blanche menacerait de transpercer sa chair... Il se contenta, à la place, de fixer le seigneur avec des yeux ardents, comme s'il était sous un état secondaire de panique. Jamais il n'avait offensé un seigneur. Jamais il ne s'était retrouvé dans cette situation aussi piteusement. Jamais il n'avait commis telle erreur aussi facilement. Mais lorsqu'il vit ce seigneur-même agiter sa main d'un geste serein, la pression tomba, et les sens du garçon revinrent à leur capacité initiale : c'est-à-dire médiocre.

« Yare Yare…Est-ce que vous pensez par hasard que je ne suis pas capable de me défendre face à un homme seul et mort de faim ? Je pourrais m’en sentir insulté. »

Les hommes lachèrent Shiro qui ne put s'empêcher de faire quelques pas en arrière et de regarder le seigneur dans les yeux. Il put remarquer cette note de bienveillance qu'il avait semblé apercevoir chez son maître depuis toujours, bien que jamais il n'avait vu le visage de celui-ci. Cette même bienveillance qui ne le trompait pas. Instinctivement, il s'agenouilla à terre et s'inclina, front au sol, pour demander pardon à cet homme.

« Je suis désolé de la manière dont ces hommes vous ont traité. Ils ne pensaient qu’à accomplir promptement leur devoir. Permettez-moi de me présenter. Je suis Hitsujide Tenzo, Seigneur des terres du Sud. »

A ces paroles, Uroko se releva lentement, toujours le dos quelque peu courbé pour signifier davantage de désolement par rapport à ce léger incident.

« Uroko Shiro... Simple itinérant découvrant du pays et... Samouraï. »

Bien qu'il aurait aimé ne pas faire étalage de son statut, l'évidence était frappante : il possédait son sabre sur son côté droit, et il aurait mieux fallut s'annoncer samouraï qu'autre chose. Un gargouillement se fit entendre. Et quel gargouillement. Le jeune Shiro était là, sur sa faim...

« Je m’en voudrais de laisser un honorable guerrier mourir de faim. Pourquoi ne pas discuter de tout cela à l’intérieur devant une quelconque collation ? »

Alors que le seigneur tourna son visage vers la demoiselle qui attirait - il faut le dire - davantage son attention que, citons, "l'honorable guerrier", celui-ci ne put d'ailleurs s'empêcher de retenir un vif haussement de sourcil sur le coup de l'étonnement. Jamais on ne lui eut attribué pareille appelation, accordé pareil honneur. Honneur auquel il venait de faillir lâchement à se raffraichir impoliment et à s'approcher si près d'une personnalité aussi importante. Il passa discrètement une main derrière sa tête, puis finit finalement par recoiffer son espèce de chignon remonté. Voyant que le seigneur s'éloignait en direction des intérieurs, il le suivit sans se poser davantage de questions, faisant doublement garde à son attitude cette fois. Il prit soin de quitter ses sandales avant d'entrer dans une pièce plutôt calme ; où la pretresse, qui réclamait tout à l'heure son morceau de soie perdu sur une frêle brindille suspendue, déposait mets et autre nourriture généreuse. Trop généreuse pour une simple collation. Décidément, il y avait de bons avantages à être apprécié d'un seigneur. On pouvait manger à sa faim... Et plus qu'à sa faim, en fait. Mais le samouraï tentait de rester patient, imitait faits et gestes de son hôte, quelque peu gêné de se retenir devant un tel festin. Puis il observa l'air quelque peu blasé de son partenaire. Le samouraï comprit alors qu'il avait vraisemblablement intérêt à le distraire puisqu'il semblait avoir gâché un certain moment plaisant avec ladite prêtresse. Raison de plus pour se dépêcher de se remplir la panse, aussi se jeta-t-il subitement sur le petit bol de riz de son plateau, armé de deux baguettes, et se mit à manger sans même prendre attention au seigneur, le temps de reprendre des forces et de retrouver un esprit... Lucide. Satisfait, il reposa son bol, puis se saisit de la gourde de saké sur le côté pour se dégager les trachées, faute d'avoir engloutit un peu précipitemment.

« Maintenant, Hitsujide-sama, j'aimerais que nous oublions tout ce qui a pu se passer dernièrement. Ma forme est complète, aussi j'aimerais vous dire que je suis honoré de faire la connaissance d'une personnalité si importante alors que je suis venu ici sans intention particulière. Quelle est ma surprise ! Quel est le motif de la vôtre ? »

Le jeune seigneur posa ses lèvres sur le récipient de porcelaine pour en recueillir le précieux contenu avec toute la grâce et la prestance qu’on pouvait attendre de lui. Ce qui ne l’empêcha pas de détourner le regard du spectacle que lui donnait son invité semblant engloutir la nourriture comme si sa vie en dépendait. Bien que Tenzo appréciait une certaine franchise et un franc parler dans les discutions, la vue du riz qui volait dans tous les sens d’un homme qu’il ne connaissait pas avait quelque chose de…Peu appétissant.

Ayant subitement perdu l’appétit, il préféra jeter son dévolu sur du thé jaune. Une variété qu’il n’avait pas souvent le plaisir de goûter et qui ce faisait trop rare dans ses confins. Dans un coin de son esprit, il nota l’opportunité de s’intéresser au commerce et de le développer. C’était un moyen d’action indirect qui pouvait se révéler très utile dans les temps futur. Cependant son attention revint très vite sur son bruyant interlocuteur…A vrai dire, Tenzo commençait à douter de l’identité de son invité. Etait il un homme important pour montrer si peu de retenu devant un seigneur ?

Un léger sourire s’épanouit sur son visage. Ce n’était pas non plus comme s’il ne comprenait pas qu’un homme mort de faim avait besoin de manger. De toute façon, l’opportunité de lui faire une remontrance à ce sujet ne lui appartenait pas et cela aurait bien peu d’incidence…Sauf sur son appétit.

‘‘Yare Yare…Je finirais par croire que ce pays est au bord de la famine à vous voir vous restaurer Teruo-San. La situation est elle si difficile à Ryuu ?’’

Une question anodine dont la réponse ne l’intéressait pas vraiment. Il avait déjà tout les rapports dont il avait besoin…Mais cela faisait toujours du bien de connaitre l’avis de la population locale. Néanmoins la question du bushi ne manqua pas d’étonner le seigneur qui haussa un sourcil.

‘‘J’ignorais que je devais avoir une raison particulière pour aller où bon me semble ou que je devais encore m’en justifier.’’

Il est vrai que la situation ne manquait pas d’ironie, ce qui ne manqua pas de l’amuser légèrement. Ce n’était pas qu’il en prenait ombrage mais il est vrai que ce n’était pas tout les jours qu’un humble servant lui posait une question pareille. Tenzo était assez détaché pour comprendre qu’il ne s’agissait là que d’une tentative pour reprendre la conversation. Il finit par hausser les épaules et de n’y attacher aucune forme d’importance.

‘‘J’avais simplement envie de prendre un peu l’air et de me balader. On m’a vanté les beautés de ce temple et il aurait été dommage de ne pas en profiter. J’aurais tant voulu rencontrer l’une de ces Kitsune mais je crains de ne pas pouvoir avoir cette chance’’

La prêtresse était le parfait exemple de cette beauté dont on lui avait parlé…Quand aux Kitsune, il était vrai que Tenzo n’aurait pas détesté l’idée d’en apprivoiser une. Cette pensée lui décocha un sourire entendu sur les fameuses vertus de ce lieu.

‘‘Mais si vous cherchez une raison officiel à ma présence ici, on vous répondra que je suis en pèlerinage très certainement. Il est dit qu’on voit des Youkai très particulier, certain ressemblant au Kami de mon clan. Jusqu’à présent, j’avoue n’en n’avoir vu aucune trace à mon plus grand regret. Je crains de devoir à terme écouter mon séjour ici’’

Mais pas avant d’avoir réglé les quelques soucis de politique interne. Du moins une solution qui ne le contraindrait pas à verser le sang inutilement. Travail confié à quelques Shinobi dont il attendait le rapport pour prendre enfin une décision. Mais de cela, il n’allait certainement pas en discuter avec un samurai errant. De même que ces projets tout aussi secrets. Tout ce qu’il avait à faire, c’était continuer de sourire et passer pour un indolent. Exercice auquel il était rompu encore que…

‘‘J’avoue que la présence des rares femmes présentes ne comble pas mes besoins de bonne compagnie. De la même façon, je trouve que le Saké de bonne qualité vient aussi à manquer. Une chose terrible n’est il pas ?’’

Agir comme un seigneur décadent n’était pas si difficile et cela apportait un avantage non négligeable…

« Yare Yare... Je finirais par croire que ce pays est au bord de la famine à vous voir vous restaurer Teruo-San. La situation est elle si difficile à Ryuu ? »

Uroko resta silencieux, fronçant très légèrement les sourcils et plantant son regard dans celui de Hitsujide-sama. D'une, il l'avait confondu avec son supérieur hierarchique ; de deux, il avait dit d'un ton si certain que le jeune homme venait de Ryuu. Une telle confiance en soi, c'en était troublant. Pour le Teruo-san, peut-être avait-il été confus, toujours est-il que Teruo-sempai avait quelque lien hierarchique avec le jeune Shiro. Il serra légèrement le poing, comme mal à l'aise. Pour se détendre, il finit par bêtement amasser le peu de grains de riz qu'il avait laissés s'échapper en se remplissant la panse. Tandis qu'il l'écoutait parler, il perdait son regard sur le sol pour ne pas se laisser distraire par son interlocuteur, jusqu'à ce que celui-ci finisse par émettre le terme de "Youkai". Rien de mieux pour mettre la puce à l'oreille du Samouraï. Il lui était arrivé d'en rencontrer à l'époque où il recevait les enseignements de son maître. Un épisode de sa vie où la mort semblait si proche. Ce seigneur était bien bavard, peut-être avait-il des choses à cacher. Mais quel intérêt pour lui de mettre le Samouraï en appétit ? Difficile de jouer à cache-cache quand on a le hoquet...

« J'avoue que la présence des rares femmes présentes ne comble pas mes besoins de bonne compagnie. De la même façon, je trouve que le Saké de bonne qualité vient aussi à manquer. Une chose terrible n’est il pas ? »

Le samouraï se rendit à l'évidence : il ennuyait déjà le seigneur. Un seigneur qui était bien dépressif, il fallait croire. Et qui n'avait qu'une envie : ressentir quelque plaisir charnel avec l'une des belles prêtresses aux environs. Le jeune homme avait horreur d'être considéré tel un obstacle contre sa volonté. Il se redressa, fixant de nouveau son partenaire droit dans ses yeux. Les mains calmement posées sur les genoux, il se mit à réguler sa respiration tandis que ses iris se dilatèrent.

* Je ne douterai jamais de la loyauté d'un confrère samouraï, mais rien n'interdit à un Seigneur d'être vicieux. *

A ces pensées, une espèce d'aura dégagea subitement de l'esprit du guerrier, résonnant dans toute la pièce tel un bruit sourd :

La réponse de l'esprit combattif du seigneur provoqua une douleur cranniène intense mais brève chez le garçon. Il avait engagé les hostilités, peut-être avait-il manqué à son honneur, peut-être risquait-il de mourir sur l'heure. Il ne chercha même pas à s'armer de son sabre. Il avait prit soin de se positionner en cas de réponse offensive du seigneur. Il continuait même de le fixer avec la même expression faciale dépourvue d'agressivité. Il avait essayé, il avait échoué. Par conséquent, il ne connaitrait pas les intentions de son interlocuteur... A moins que celui-ci se permette de pardonner trop facilement le jeune samouraï. Non, il devait se tenir prêt à quelque répressaille, son propre comportement n'ayant été aucunement bienveillant et prêt à répondre de son offensive.

« Vous pourrez tout dire sauf le fait que vous vous ennuyiez, là, maintenant, Hitsujide-sama. »

Les paupières du Maître Hitsujide papillonnèrent une première fois…puis une seconde. Regarda à gauche puis à droite avant de pencher la tête sur le côté dans une incompréhension particulièrement sincère. Bien qu’il ce plaisait à penser qu’il était capable d’une grande perspicacité, il devait bien avouer que cette situation l’avait particulièrement prit au dépourvu au point que cela le laissait sans voix.

Par tout les Kamis ! Par quel cheminement tortueux était passé ces paroles pourtant innocente pour finir par être interprété de cette manière totalement…Absurde ? Non, plutôt sans rapport. A moins que Tenzo n’avait pas comprit une chose essentielle ? Oui…cela pouvait prendre éventuellement un sens si les Ryuuji ne supportait pas que les conversations tournent autour des femmes et de l’alcool. Ryuuji devait être un pays bien strict désormais. A moins que leurs goûts n’aient subitement évolué vers les hommes plutôt que les femmes ? Tendance générale ou seulement de l’individu en face de lui ? A moins que les récents évènements aient particulièrement affectés la population et plus particulièrement les guerriers qui devaient ce sentir blessés dans leur honneur ?

Dans un cas, c’était intéressant de savoir qu’il y avait tant de femme délaissée mais de l’autre, Tenzo commençait à ce demander si le Samurai en face de lui c’était pas subitement levé…enfin…Pour ce mettre en avant…Enfin lui proposer des choses. Devant cette déclaration si passionnée, essayant de lui dicter sa conduite au passage, ce doute ce transformait peu à peu en certitude. Après tout, qui s’enflammait de cette manière pour une conversation sur les femmes et l’alcool ? N’était ce pas un des sujets favori entre homme ? Non, c’était définitivement une avance et il aimait bien trop les femmes pour s’adonner à de telles pratiques. On avait beau être compréhensif et doux, il y avait tout de même des limites !

‘‘…Je…Crois que je vais me retirer et vous laisser profiter de votre repas…’’

Il ne pouvait en vouloir au jeune homme d’être intéressé et aussi passionné. Même si cela le mettait dans une situation peu confortable et très embarrassante. Sans demander son reste, l’Hitsujide se leva de manière gracieuse ce qui ne l’empêcha pas de mettre les bouts et ce le plus rapidement que l’étiquette le lui permettait. Et il avait bien l’intention de rentrer le plus rapidement possible chez lui…

[Désengagé du Rp]