Le temps était doux en cette saison, et un vent venant du large soufflait ses embruns jusqu'aux abords du dojo, faisant flotter les bannières du royaume de Saru. Dans les couloirs, sous ce léger courant d'air s'engouffrant par les fenêtres, les tapisseries précieuses couvrant les murs se soulevaient, comme bousculées par des spectres silencieux et indifférents à la vie des occupants des lieux. Il n'y avait pas grand monde en cette soirée. Se tenant près d'un étang, le Grand Maître tournait son regard vers l'ouest, admirant le coucher du soleil qui enflammait le ciel. Les couleurs chatoyantes du crépuscule teintaient les nuages de pourpre et d'orange, dessinant là un magnifique tableau dont seuls les esprits de la Nature ont le secret.

Le temps, tel un cristal de roche, se fondait dans un paysage rougeoyant de couché de soleil qui colorait les nuages floconneux d'une belle teinte rosée mis en avant par un arrière plan cornaline qui se reflétait dans l'eau de l'étang. Tout semblait s'être arrêté dans ce décor paradisiaque et serein, seul l'azur changeant pouvait nous rappeler la triste réalité d'un monde qui évolue. Aussi, la douce brise remplissait cette atmosphère d'une fraicheur délicate qui flottait aux alentours... Quelques heures auparavant, lorsque l'Astre Solaire était encore haut dans l'immensité du ciel, tout en annonçant la venue du vent et de la nuit, le Palais avait été occupée par une certaine faune de la Haute Sphère qui était en état casi d'alerte, suite aux rumeurs quant au fait des deux alliances rivales de l'Est et Ouest désireuse de prendre l'ascendance en ralliant les deux seuls clans encore neutre : Umano et Saruha. Si le clan s'apprêtait à signer une collaboration importante avec un pays voisin pour le transport de marchandises qui serait très favorable à l'économie de la région. La principale activité et les sujets de discussion se résumer à cette évènement qui touche l'Hinomoto dans son intégralité. Las, de ces querelles, le Sousui n'avait pas participé à la réunion de la journée. Jugeant que son domaine était d'ordre militaire et que les conseillers et stratèges seraient à même d'aider Kotaro et d'aiguiser sa sagesse.

C'était sans compter, une sagesse plus que douteuse dissimulant un peu plus une aubaine de se défaire de la tutelle imposée d'Uma que ces gratte-papiers s'employaient. Natsumero aurait du le prévoir, il l'avait peut-être fait, mais n'en donnait pas l'impression. Il restait donc assis, au bord de l'eau, captivée par ce soleil couchant orangée. Il n'y avait pas à redire, le spectacle était somptueux. Calme et reposant, il avait une profondeur inexplicable. Le vieil homme se sentait serein et c'était peut-être la plus grande prouesse qu'on puisse faire. Là où l'Homme échouait, la nature y arrivait... L'air frais emplissait ses narines d'une odeur d'herbe fraiche et d'une pointe d'encens, venant d'une bougie parfumée à quelques mètres de lui.

Dans ces profondes pensées, le doyen de Saru n'entendit pas venir le précieux élève qui s'infiltra derrière lui avec l'agilité et le silence d'un chat marchant sur des nuages. Se retournant vers son deshi pour l'écouter. Le maître sourit en apprenant la visite de son "petit-fils". Avec l'amour d'un grand-père affectueux, il fit préparer ses appartements comme se devait de recevoir un vassal, son seigneur.

Silencieusement assit dans la sale privée, notre protagoniste attendait patiemment l’arrivée de Kotaro comme les fleurs attendent l’arrivée du printemps. Savourant en solitaire le thé qui lui fut servit, laissant la douce chaleur du breuvage glisser le long de sa gorge, notre protagoniste conserva les yeux clos écoutant les bruits de pas qui pouvait tout de même se rendre à ses oreilles à travers les panneaux qui le séparait des autres visiteurs de la maison. Cette voix distinctive, cette même voix qui possède une tendance à charmer, mixte de charisme et d'une quiétude, Saruha Kotaro venait d'arriver. Il ne s’agissait à présent que d’une question de temps avant que la jeune figure apparaisse devant les yeux du Chef de Guerre.

Comme prévu, il entendit les panneaux s’ouvrir et voilà que le jeune Kotaro se tenait devant lui. Ouvrant ses yeux, regardant la silhouette de l'enfant qu'il vit grandir jusqu'au statut d'homme, Natsumero lui adressa un sourire sincère et bienveillant, et s'inclina respectueusement, les mains jointes, avec toujours cette élégance et cette grâce qui accompagnait chacun de ses gestes.

« Kotaro-shu.* »

Il resta ainsi incliné, attendant, comme le protocole l'exigeait, la réponse de son jeune souverain.