Le voyage avait été long et ennuyeux, des falaises d'Hebi, Takeshi est passé aux froides montagnes du Nord, à Nezumi, capitale du clan Nezumide. Les jours de voyages ne se comptaient plus et les ryô dépensé pour dormir dans les tavernes non plus. En tout cas le dépaysement était total, aussi bien au niveau visuel que.... météorologique. Ici il fait frais, très frais, trop frais !

-Dites moi, le chemin est encore long ? Il fait sacrément froid ici....

- Normalement on arrive bientôt, Nezumi se trouve derrière ces montagnes. Il semblerait que votre escorte soit un luxe Sentazu.

-Et bien tant mieux, je préfère éviter de me battre quand je ne suis pas sur un champ de bataille.

Le chef de division escortait un homme qui devait se rendre chez les Nezumide pour affaire d'après ce qu'il avait compris. Takeshi avait reçu l'ordre, par son supérieur direct, d'escorter ce marchand... Un ami de sa famille, voire un membre de sa famille ? En tout cas c'était un travail inhabituel pour le militaire.
Bref, ça n'a pas d'importance... Takeshi est payé double pour cette mission !

Les deux hommes commençaient à gravir la montagne et une fois en haut, une superbe vue s'offrait à eux : caché parmi les montagnes se trouvait une grande ville : Nezumi et à vue d'oeil elle est plus grande qu'Hebi. De plus, la nuit commençait à tomber et toutes les lumières en ville étaient allumé.

-Rien que pour ça j'adore faire ce voyage...

-Je comprends mais pour l'instant on ferait mieux de chercher un endroit où dormir. Mon cheval commence à fatiguer, et moi il faut que je me dégourdisse les jambes.

-Oui vous avez raison, il y une auberge pour les voyageurs à l'entrée de la ville, allons-y.

Une fois arrivée à l'auberge Takeshi descendit de son cheval pour se dégourdir les jambes. Une rapide visite du quartier s'imposait. Nezumi avait l'air d'être une ville plus vivante qu'Hebi, il commençait à se faire tard et les habitants couraient encore les rues. On pouvait voir des statues du Kami Tachigami dans certain coin de rue. Cette partie de la ville semblait être plus vivante la nuit que le jour, les tavernes étaient pleine et ça s'entendait. Takeshi observait tout cela avec curiosité. Il y avait bien un quartier de e genre à Hebi mais il n'y avait jamais mis les pieds, pas la nuit en tout cas.

-Ha ha ! Je vois que cette ville vous intrigue, je connais un endroit où nous pourrions boire un verre avant d'aller nous coucher !

-Non pas ce soir, rentrons dormir. Ce voyage m'a exténué et puis je dois m'occuper de votre sécurité, je ne préfère pas trainé la nuit dans une ville que je ne connais pas.

Le marchand avait l'air déçu par la réponse du samourai mais Takeshi n'avait pas la force de rester éveiller plus longtemps, il partit donc se coucher après un rapide repas, en veillant bien à ce que son protégé en fasse de même.

La nuit se passa bien jusqu'au moment où, à l'aube, Takeshi entendit son cheval hennir anormalement, c'était le sien, il en était sûr. Il s'habilla en vitesse, pris son katana et traversa l'auberge et fit coulisser la porte.

-Je peux savoir ce que vous faites ?

Takeshi avait déjà la main prête à sortir son katana.

Tandis que le Soleil se levait doucement, le jeune Bankichi accrocha son bokken dans son dos et quitta la maison familiale des Takahara. Il partait toujours pendant que sa mère se préparait. Parfois elle le rejoignait pour superviser son entraînement mais pas toujours, il fallait aussi qu'elle assume ses responsabilités de capitaine. Bankichi comprenait la situation mais trouvait cela dommage : en s'entraînant seul il progressait moins vite.

Une fois dans les rues de la ville, encore peu animées au vu de l'heure précoce, le jeune homme se dirigea vers la sortie de la ville. Les soldats étaient en train d'ouvrir la porte quand le regard du jeune garçon se posa sur l'écurie d'une auberge. Dedans il vit un magnifique cheval blanc, ce cheval était comme celui que lui ou son père montaient dans ses rêves. Entrant dans l'écurie, il ouvrit le box et s'approcha du cheval blanc et flatta son flanc en lui parlant doucement. Soudainement prit de l'envie de le monter il grimpa tant bien que mal sur son dos, à cru. Incommodé par ce petit bonhomme qui grimpait difficilement, le grand cheval hennit, réveillant par là son maître. Ce dernier arriva, la main sur la garde de son épée, alors que Bankichi était enfin correctement installé sur la monture.

"Je peux savoir ce que vous faites ?"

Prit de panique, Bankichi fit un mouvement brusque que le cheval interpréta comme une injonction à partir d'ici au triple galop. Le cheval quitta donc en trompe l'écurie et passa les portes sous les yeux ahuris des gardes. Ne pouvant s'accrocher qu'à la crinière de la monture, le jeune garçon se cramponnait tant bien que mal et s'efforçait de ne pas tomber. Finalement, à quelques centaines de mètres des portes, le cheval prit un virage brusque et Bankichi, ne parvenant pas à se retenir, chuta dans le ravin dans un cri.

Ces derniers jours, les responsabilités de capitaine n’accablaient pas Risako. En effet, en ces temps de paix, elle n’avait qu’à exécuter de petites tâches administratives qui ne l’incommodaient qu’une brève partie de la journée. Se faisant, elle partagea ses journées en deux entre l’entrainement de son fils dont elle s’occupait de plus en plus ,et son poste à l’armée du clan.

Ce matin-là, et comme tous les matins, il faisait frais et l’air était pur. Le ciel d’un bleu tendre présentait cependant quelques nuages que l’on jugea inoffensifs. Tandis que Bankichi s’était réveillé et préparé à sortir, Risako, toujours dans sa tenue de chambre, s’était rendue à la cuisine préparer le petit déjeuner et les bento* qui leurs serviraient de repas de mi-journée. Bien que ces journées étaient allégées, elle ne rentrait chez elle que le soir venu, se dédiant à ses hommes l’après-midi.
Le petit Bankichi avait, comme toujours, pris de l’avance par rapport à sa mère qui avait encore à se vêtir et à se coiffer. Elle redoutait toujours ces moments, car l’inconscience de son fils lors de son absence ne se calmait pas et elle le retrouvait de temps à autres dans des situations pour le moins embêtantes, et ce jour-ci ne fit pas exception à la règle.

Alors qu’elle marchait en direction d’un des dojo à proximité de la ville. La jeune femme vit une monture foncer en un éclair blanc de l’écurie de l’auberge vers les portes que les gardes avaient ouvertes. Elle s’écarta pour échapper à la violence de sa course. Pas mal de passants l’imitèrent, surpris et choqués qu’un cheval circule librement dans la capitale. Il n’y eut, heureusement, aucun accident.
Cramponné à ce cheval, comme un flash, parut à Risako un jeune garçon aux cheveux rouges. C’était son petit Banki, son fils qui était sur cette monture lancée à pleine allure !

Il n’y avait pas une seconde à perdre. Elle courut jusqu’aux portes de la ville, redoutant le pire. Là, elle vit avec stupeur son fils perdre prise puis chuter en criant dans le ravin se situant à quelques mètres de là et parfaitement visible.
Risako pâlit d’un coup et ne fit pas attention au cheval qui disparut en cavalant. Seul lui importait l’état de son fils. S’il était en vie, s’il était mort ou, ce qu’elle espérait de tout cœur, seulement blessé. La mère fonça donc au bord du ravin où elle se pencha prestement. Son regard des plus inquiets scruta le ravin, aucune trace de son fils. Ne cédant pas à la panique, elle recommença son inspection en hélant son fils et en lui interdisant de bouger, jusqu’à remarquer la présence d’un jeune homme qui semblait bien embêté. Dans une telle situation, elle ne prêta pas attention à son apparence.

Peut-être l’aiderait-il à récupérer son fils ? Elle avait besoin d’une corde pour descendre et qu’un cheval la tracte pour la ramener au abord de la ville, son fils dans les bras. Or, la situation demeurait urgente et faire au plus vite était vivement recommandé.
C’est avec une courbette de reconnaissance et un ton pressant aussi bien qu’inquiet qu’elle déclara à l’inconnu:
« Aidez-moi à récupérer mon enfant , je vous en conjure ! Il est tombé dans ce ravin. J’aurais besoin que vous alliez rapidement chercher un cheval tandis que je m’occuperais de me procurer une corde pour descendre. Je vous en serais infiniment reconnaissante. »

Risako espérait sérieusement qu’il accepte sans se poser de question et que son fils ne se trouvait pas entre la vie et la mort.

*paniers-repas.
　

A son arrivé à l'écurie, le cheval partit au galop vers la ville. Takeshi n'avait même pas eu le temps de dégainer son katana que le cheval était déjà dans les montagnes qui entouraient la ville. Apparemment son cavalier était.....un enfant.
Déjà qu'il n'aimait pas vraiment les enfants, cet acte n'allait pas arranger les choses. Il courut donc derrière son cheval jusqu'au moment où son, petit, cavalier tomba dans un ravin.

Takeshi jeta un rapide coup d’œil pour repérer lorsqu'une femme arriva complètement paniquée. Elle essaya elle aussi de voir l'enfant puis elle se tourna vers Takeshi et lui dis :

- Aidez-moi à récupérer mon enfant , je vous en conjure ! Il est tombé dans ce ravin. J’aurais besoin que vous alliez rapidement chercher un cheval tandis que je m’occuperais de me procurer une corde pour descendre. Je vous en serais infiniment reconnaissante.

Takeshi acquiesça d'un signe de la tête et partit à la recherche de son cheval sous les yeux ahuris de la femme, qui est apparemment sa mère... Peut être espérait-elle qu'il y aille en courant... ?

Le chef de division était donc en train d'arpenter les alentours de ville pour essayer de trouver son cheval et ce n'était pas le genre de cheval qui se calmait en 30 secondes, il avait dû parcourir un sacré bout de chemin...
Aux environ d'une ptite ferme, Takeshi entendit son cheval hennir et des hommes criés, c'étaient des gardes et des paysans qui essayaient de maitriser son cheval. Il courut vers eux.

- HEY C'EST MON CHEVAL LAISSER LE !!

- Je ne sais pas ce qu'il lui est arrivé ou ce qu'il a vu mais il est déchainé. Il aurait pu faire beaucoup de dégâts voir même des blessés, dépêchez-vous de le reprendre...

- Oui désolé...

Takeshi s'empressa de grimper sur sa monture et il fila à toute allure, vers l'endroit de l'accident au grand désarroi des gardes....
Il avait réussi a reprendre son cheval, la femme qu'il avait vu avait dit qu'elle s'occuperait de la corde. Seulement arrivé à destination, la femme en question avait disparu, elle devait sûrement recherché la corde en question.
Il en profita donc pour essayer de repérer l'enfant en longeant le ravin, rien en vue. Des passants commençaient à arriver sur les lieux et la mère du jeune garçon était également arrivé avec un long cordage dans les bras.

- IL EST LA BAS JE LE VOIS !

Takeshi et la mère de l'enfant se précipitèrent vers l'homme qui a crié ses mots. Le samourai observa le paysage et vit enfin une petite boule noire aux cheveux rouges. L'enfant était bien là ! Il prit donc la corde des mains de la jeune femme et l'enroula autour de son cheval.

- Allez-y je vous remonterais quand vous aurez trouvé votre fils.

Depuis le début le chef de division n'avait montré aucune inquiétude pour l'enfant, il agissait et parlait avec une certaine nonchalance qui avait l'air d'encore plus faire paniqué la mère.
" C'est un gamin, il s'en remettra " pensait-il ou du moins... Espérait-il !

Après avoir basculé dans le ravin, Bankichi n'avait qu'à peine eut le temps de se rendre compte de ce qu'il se passait qu'il traversait le branchage d'un arbre en contrebas. Au prix de plusieurs coupures et de nombreuses déchirures dans ses vêtements, il put atterrir sur le sol sans rien se casser, une chance.

Le jeune garçon était tout de même sonné par sa chute. Il crut entendre la voix de sa mère l'appelant mais fut incapable de déterminer s'il hallucinait ou si cette voix était réelle. Allongé au pied de l'arbre, il perdit connaissance. Se réveillant plusieurs minutes plus tard il se leva difficilement. Il saignait encore de quelques petites plaies mais la plupart des coupures, qui étaient superficielles, si saignaient déjà plus. Après quelques pas maladroit, Bankichi décida de s'assoir finalement, de peur de tomber plus bas encore. Sa mère devait être folle d'inquiétude. Elle pensait sans doute qu'il était mort.

"Tu parles d'un héros..."

Le garçon aux cheveux rouges se surprit à se demander si son père était lui aussi tombé dans un ravin en voulant monter un cheval quand il était jeune. Il était certain que non. Bankichi se demanda ce qu'il allait dire au propriétaire du cheval. Il se rappela qu'il faudrait déjà qu'il remonte... Le garçon regarda la paroi au dessus de lui pour voir s'il pouvait essayer de l'escalader. Il y arriverait peut-être, mais pas sonné comme il était. Il avait déjà du mal à tenir debout, alors escalader une paroi rocheuse... Soudain, il se rendit compte de son Kwaiken n'était plus à sa ceinture. Il chercha des yeux autour de lui avant de le voir coincé dans une branche à deux mètres du sol. Tandis qu'il se levait maladroitement pour aller essayer de le récupéré, il entendit le claquement d'une corde derrière lui. On venait le chercher ? Il pressa le pas et arriva tant bien que mal jusqu'au tronc de l'arbre et commença à grimper pour récupérer son couteau, mais, avec son sens de l'équilibre déficient, cela promettait d'être difficile, même pour attraper un couteau à deux mètres du sol. Mais c'était un cadeau de sa mère et il refusait de l'abandonner ici.

Comme Risako l’avait espéré, le jeune homme avait hoché la tête et était parti chercher un cheval. Mais au lieu d’en emprunter un en ville, il s’en alla vers une ferme. Ce détail ne troubla qu’une seconde la mère qui déguerpit se procurer une corde chez un marchand en quatrième vitesse. Nezumi étant sa terre natale, elle n’eut aucun mal à en trouver une longue et solide. Elle courut ensuite vers la place ou quelques gens s’approchaient pour observer la scène avec une curiosité dégoutante. Ceci l’aurait mise dans une grande colère si son fils n’était pas en danger. Parmi eux, elle trouva aussi -et quel soulagement ce fut - le jeune homme dont elle avait imploré l’aide accompagné d’un grand cheval blanc comme la neige. En vérité, le même que Banki avait chevauché avant de tomber dans le ravin (sa nervosité et l’écume à ses lèvres signifiant qu’il avait bien couru furent les moyens de le reconnaître). Risako se retrouva tellement penaude de remarquer qu’il était le propriétaire de la monture, qu’elle ne put souffler un mot de remerciement. Elle demeura donc interdite et rouge de honte jusqu’à entendre un homme hurler qu’il avait retrouvé la trace de son enfant. Risako accourut.

En effet, son petit se trouvait sous un arbre et ne semblait bouger. Ni une, ni deux, le jeune homme prit une extrémité de corde qu’il harnacha solidement à son cheval, et Risako, lui confiant sa reconnaissance, entreprit de descendre. Elle jeta la corde, de sorte qu’elle longe la paroi et y glissa doucement en s‘aidant de cette dernière, non sans une once d’appréhension. Mais une seconde d’inattention et Bankichi disparut. C’en était trop pour son pauvre cœur inquiet, il s’emballa, des larmes naissaient aux coins des yeux de la mère et piquèrent sa vue.
S’il était mort de cette manière, que dirait-elle à Kidô quand il la retrouvera ? Espérait-elle vivre après un tel épisode ? Si elle n’avait pas été capable de protéger son fils, c’est qu’elle ne valait rien en tant que femme.

Risako descendit bien plus rapidement, animée d’une rage profonde envers elle-même. Après quelques balancements, elle atteignit enfin l’arbre aux abords duquel son fils avait été aperçu et son cœur cessa de battre lorsqu’elle le vit entre les branchages, tentant doucement d’attraper quelques chose. Il s’agissait de son Kwaiken, mais l’objet semblait bien dérisoire par rapport à l’état du jeune garçon. Il paraissait exténué, ses vêtements étaient bien abimés et il présentait quelques plaies heureusement superficielles. Risako ramassa ce qu’il restait de corde et la noua solidement à sa taille. Elle n’avait rien à craindre, à présent, il suffisait de prendre garde à ce que la corde ne s’accroche pas dans les branches.
Se faufilant entre les branchages tel un félin, la capitaine attrapa le petit couteau qu’elle cala dans son obi*. Et avec un extraordinaire soulagement, elle se dépêcha ensuite de prendre et de serrer son fils contre elle en lui murmurant des mots de réconforts avant de rejoindre la paroi, ses jambes rencontrant cette dernière. Enfin, ne lâchant Bankichi que d’un bras, le portant ainsi comme s’il avait été plus jeune, Risako tira trois coups secs sur la corde. D'une voix forte, elle alarma ceux d’en haut qu’elle avait bien son fils en main.

*ceinture.

Takeshi observait la progression de la mère. Elle avait réussi à trouver son fils et elle avait prévenu le chef de division qu'il pouvait la faire remonter. Il essaya de faire avancer le cheval comme il pouvait, sans bridon ni renne la tâche n'était pas facile. La bête n'était pas très réactive et Takeshi décida donc de monter le cheval avec le risque que celui aille légèrement... beaucoup trop vite. Il grimpa donc avec l'aide d'un des passants qui observaient la scène et il essaya, encore une fois de faire avancer sa monture. Cette fois ça marchait !
Le cheval avança doucement pendant que Takeshi se retournait pour voir si le fils et la mère faisait leur apparition. Cette scène dura quelques mètre jusqu'à ce qu'un paysan se pencha pour essayer d'aider la mère à remonter. Certaines personnes se sont misent à applaudir lorsque la mère a fait son apparition. Son fils n'avait pas trop l'air mal en point, heureusement.

- On dirait que vous jouez les bons samaritains !

C'était le marchand que Takeshi devait escorté, apparemment il était réveillé et il avait rejoins le groupe.

- Ouais, m'en parlez pas...

Il descendit de son cheval et enleva la corde qui était accroché à son cheval et il s'approcha des deux "rescapés". Il le faisait plus par politesse que par réel intérêt...

- Tout va bien ?

Takeshi savait que ces mots devaient sonner faux venant de lui face à ses inconnues.

Tout s'était passé très vite pour le jeune garçon. À peine avait-il grimpé dans l'arbre que son couteau avait disparu et qu'on l'avait prit dans ses bras. Tout d'un coup, sa peur s'était envolé et il se sentait bien. Il ferma les yeux pour écouter battre le cœur de sa mère. Tandis qu'ils remontaient, lentement, il lui murmura quelques mots.


"Désolé... maman..."


Durant la montée, le jeune Bankichi reprit réellement ses esprits, bien qu'il soit encore un peu faible. Son cerveau fonctionnait à toute vitesse. Il se demandait comment il allait pouvoir retrouver le cheval pour le ramener à son propriétaire et comment il pourrait se faire pardonner. Tandis qu'on les aidait, lui et sa mère, à monter en haut du gouffre, la première chose que vit Bankichi fut le croupion du cheval blanc et un homme qui s'approchait et que le jeune garçon reconnu tout de suite : le propriétaire de l'animal. Alors que celui-ci s'approchait d'eux et leur demandait si tout allait bien, Bankichi se jeta à genoux devant lui, son front touchant le sol et implora son pardon.


"Je vous prie d'accepter mes excuses pour tout les ennuis que je vous ai causé. Si je peux faire quoique ce soit pour vous en dédommagement je le ferai. Je vous remercie d'avoir aidé ma mère à venir me chercher. Si je peux faire quoique ce soit demandez-le moi et je le ferai, je suis sincèrement désolé."


Il pleurait, plus contre lui-même et à cause de toutes les émotions qu'il venait de traverser que parce qu'il était désolé, mais il pleurait tout de même. Il était sincère dans ce qu'il disait et espérait vraiement pouvoir se racheter aux yeux de cet homme, aux yeux de sa mère et à ses propres yeux.

Takeshi était un homme qui préférait passer inaperçu... Le voilà servis ! Il était entouré de gens qui le considéraient comme un sauver un un jeune garçon était à genou devant lui en train de s'excuser.
Une situation très gênante en somme... Le chef de division prit donc son katana, en le gardant dans son fourreau, et donna une tape sur l'épaule du garçon.

- Allez, relève toi.

Tout le monde était étonné par la réponse de Takeshi, l'enfant en premier et pendant qu'il se relevait, le militaire se tourna vers le marchand qu'il escortait et lui dis :

- Ramenez le à l'écurie, on a plus besoin de lui maintenant.

- Euh oui, très bien...

Pour le chef de division, l'incident était clos. Son cheval avait été retrouvé et l'enfant était sain et sauf, il n'y avait aucune raison de s'attarder ici.
Il se fraya donc un chemin à travers la petite foule et rattrapa le marchand. Il savait très bien que sa conduite était quelque peu étrange mais après tout il n'était là que pour quelques jours, ce que les gens pensaient de lui ici l'importait peu.

- Dites moi, on va pas rester ici bien longtemps n'est-ce pas ?

- On repart après demain, lorsque j'aurais finis mes affaires, pourquoi ?

- Hm, pour rien...

Après un bref instant, le signal de Risako fut bien perçu et on commença à les tirer, son fils et elle, hors du ravin. Lors de la lente ascension, la jeune femme se réjouit de voir Banki, jusque là, la tête posée sur sa poitrine, reprendre peu à peu ses esprits. Elle ne le quittait pas des yeux à partir du moment où elle l‘avait attrapé dans l‘arbre. Il souffla a sa mère deux mots d’excuses, puis sembla perdu. Risako devina qu’il se posait des questions sur les conséquences de sa dernière bêtise, mais elle ne la mentionna pas. Elle voulait profiter au maximum du soulagement de retrouver son fils en vie, et ne le réprimandera seulement quand ils seront en sécurité et bel et bien seuls. Après tout, en tombant dans le précipice, le petit s’était puni lui-même.

Ils atteignirent bientôt leur but grâce à la force du grand cheval de l’inconnu. Risako grimpa d’une main la dernière pierre de la paroi et se leva avec son fils sous les applaudissements des curieux. Elle s’enquérait de son état, constata qu’il pouvait se tenir debout sans grande difficulté, avant d’entreprendre de dénouer la corde à sa taille. Cet tache achevée, elle vit son fils, prosterné front contre terre, faire ses excuses et exprimer sa reconnaissance à l’homme dont l’aide s’était révélée précieuse. Chez la mère, pas de surprise ni de désaccord, elle trouvait ce geste tout à fait normal dans ces circonstances. Mais elle remarqua le malaise de l’inconnu qui, après avoir demander à son fils de se lever, partit sans un mot de plus.

Etait-ce là une volonté de surprendre ou de la discrétion et de l’humilité exagérées ? En tout cas, Risako ne comprit pas son geste, ou du moins, l’interprétation qu’il fallait en faire. Elle voyait déjà son fils triste et vexé car sans moyen de racheter sa bêtise. Alors qu‘il s‘était relevé, elle posa sa main sur ses cheveux où demeurait quelques brindilles et lui dit d’une voix douce et posée:

«　Ne sois pas triste, mon chéri. Il doit aimer la discrétion et tu as du l’intimider en t’inclinant ainsi devant tous ces gens.　» C’était tout à fait possible aux vues de son malaise devant les curieux. «　Nous allons le chercher et lui demander si son compagnon et lui voudraient bien manger en notre compagnie. Viens.　»

La mère prit son fils par la main et s’élança à travers la foule, empruntant la direction vers laquelle était parti l’inconnu. Elle le retrouva aux abords d’une écurie d‘auberge, en conversation avec son compagnon. Elle comprit alors qu’il n’était pas d’ici et devait dormir dans cette auberge jusqu’à reprendre la route.

«　Excusez-moi.　» interpela-t-elle le jeune homme aux cheveux verts. Quand il se retourna, elle lui sourit aimablement. «　Aux risques de vous importuner et comme vous devez le savoir, la politesse et les bonnes mœurs m‘interdisent de vous laisser partir ainsi. Que diriez-vous de partager un bon repas en notre compagnie et à l’abris des oreilles indiscrètes ? Bien sûr, votre compagnon de voyage pourrait également se joindre à nous…N’hésitez pas, cela vous éviterait de devoir gâcher quelques sous et nous serions heureux de vous accueillir dans notre humble demeure.　»

S’il acceptait, alors Banki pourrait se racheter et Risako serait enchantée. Mais s’il refusait, alors tant pis. Elle n’avait pas pour intention de l’embêter plus, mais, sans oublier la déception que devrait alors endurer son fils, il serait dommage de se quitter ainsi.

Dès que tout le monde avait commencé à se mettre en marche, le jeune Bankichi était parti devant pour dresser le couvert et préparer le riz. Il couru à travers les rues jusqu'à atteindre sa maison. Une fois qu'il eut repris à moitié son souffle il commença à placer les assiettes et les couverts, s'il offrait un bon repas à l'homme aux cheveux verts peut-être qu'il voudrait bien consentir à le pardonner, ou au moins à lui demander quelque chose d'autre en dédommagement des événements de la matinée.

Il s'appliqua encore plus que d'habitude à ne rien casser, ce n'était guère le moment de faire une bêtise supplémentaire. En même temps qu'il mettait la table il devait s'occuper du feu pour la cuisson de l'eau pour le riz et du reste du repas. Sa mère avait insisté pour lui apprendre à cuisiner, au début il avait été contre mais, finalement, il s'était rendu compte qu'il aimait bien ça et il y avait consacré du temps, si bien qu'il cuisinait aujourd'hui aussi bien, voire mieux, que sa mère.

Finalement il entendit du bruit dans le jardin et devine que sa mère et leurs deux invités arrivaient. Il était un peu juste au niveau de la préparation du repas mais, le temps qu'ils s'installent et que sa mère aillent cherché le saké, auquel il n'avait absolument pas le droit de toucher, même pour l'apporter sur la table, tout était prêt. Alors qu'il servait les plats le marchand posa une question sur un sujet quelque peu sensible.

"Votre mari n'est pas là ?"


Même si la question ne s'adressait pas à lui, Bankichi était toujours très réactif quand on parlait de son père et il devança sa mère en répondant à la question.


"Mon père et mort en mission, c'était un héros qui s'est battu pour son clan !"


Le jeune garçon avait prononcé ces mots plus fort qu'il ne l'avait voulu. Il s'empressa de finir le service avant de retourner dans la cuisine. Les invités penseraient sûrement qu'il devait s'occuper d'éteindre le feu de cuisson ou d'une quelconque autre tâche avant de passer à table, mais il voulait surtout se calmer, il avait toujours tendance à s'emporter facilement quand on parlait de son père et ne devait surtout pas se montrer désagréable aujourd'hui, il s'était assez fait remarqué comme ça.

Lorsque les deux acolytes avaient accepté sa proposition, Risako leur offrit son plus beau sourire, plein de reconnaissance et de joie. Comme elle y avait compté, elle vit Bankichi oublier sa tristesse et se dépêcher de rejoindre leur demeure pour cuisiner et dresser le couvert le temps qu‘ils arrivent.
Ils n’étaient pas pressés et Risako, soucieuse de gagner du temps afin d’aider son fils, trainaient un peu le pas, laissant les deux voyageurs admirer les paysages montagneux et profiter du bon air de Nezumi. Aussi, il était encore assez tôt et le soleil terminait son ascension, haut dans le ciel bleu. Il ne devait être guère plus de midi.

Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent devant une petite maison noire et blanche au toit pointu et élégant, sans rien de particulier, à part peut-être un aussi petit terrain où poussaient quelques fleurs et autres plantes ça et là. Il y avait aussi deux ou trois arbres bien verts et de diverses tailles ainsi que quelques pierres qui conféraient à ce jardin une harmonie singulière. Un puits se trouvait au centre du jardin, à proximité de l’habitat.

Takeshi, Hyuda et Risako traversèrent un court chemin de graviers gris avant d’accéder à une marche en bois et d’atteindre un écran blanc quadrillé que Risako fit glisser. Après un murmure de la mère et s‘être déchaussés, ils pénétrèrent dans la maison qui, tellement son esprit reposait sur le minimalisme et la sobriété, paraissait plus grande vu de l’extérieur. Risako les guida vers un salon lumineux où l’air circulait comme une fraiche caresse et où reposait une petite table basse et quatre grands coussins sur quelques tatamis de paille. La femme les laissa s’installer tandis qu’elle alla chercher le saké et vérifier en hâte que le petit Banki se débrouillait bien à la cuisine. Elle le laissa faire et, alors qu’elle venait de réapparaitre dans le salon, le flacon de saké à la main, on lui demanda où était son mari. Les lèvres de Risako esquissèrent un léger sourire, plus pour rassurer Takeshi que pour leur signifier qu‘elle était ravie qu‘ils posent cette question pour le moins indiscrète.

Soudainement, son fils apparut en s’exclamant que son père était un héros qui était mort en servant les intérêts du clan. Il disparut ensuite aussi subitement qu’il les avait rejoints. Risako, quelque peu troublée par la réponse impulsive de son fils, servit aux hommes le saké comme elle avait vu tant de fois sa mère servir son père, c’est-à-dire, en retenant sa manche de kimono avec le dos de son autre main, à la façon des Geisha.
Enfin, elle leur dit de sa voix habituellement posée en effectuant une très brève courbette :

«　Excusez l’impétuosité de mon fils. Il agit toujours de la sorte quand on mentionne son père. Mon petit s’est mis en tête de ressembler à l’image qu’il s’en fait. Je ne veux surtout pas le contrarier car je pense que c’est en suivant ses idéaux qu’ils deviendra un digne guerrier.
Pour répondre à votre question, Kidô nous a quitté lors d’une mission voilà dix ans. Depuis, j’élève seule Banki. Aussi, permettez-moi de nous présenter, mon garçon est mon premier né et mon seul enfant, Bankichi de son vrai nom. Quant à moi, je me nomme Takahara Risako. Je suis aussi capitaine de l’armée Nezumide. Enchantée. 　»
　
　
　

Le marchand eut l'air d'avoir regretter d'avoir posé cette question dès le moment où il a entendu la réponse. Ça lui apprendra de parler avant de réfléchir ! Takeshi et Hyuda burent donc tout deux leurs verre de sake.

- Hmm ! Ca change du sake aux quels nous avons eu le droit jusqu'ici !

Risako se courba poliment pour remercier le marchand puis Bankichi arriva, fier de lui, pour servir le repas. Sushis, soupes, maki... Le repas avait l'air délicieux ! Et d'ailleurs il l'était ! Takeshi fût agréablement surpris par les talents de cuisiner du jeune garçon.
Le repas fût rythmé par les histoires du marchand qui avait l'air de passionner le jeune garçon. Il faut reconnaitre que Hyuda avait voyagé pendant une bonne partie de sa vie et il avait une très bonne connaissance sur tout les clans d'Hinomoto. Il adorait raconter les histoires et les légendes qu'il avait pu entendre pendant tout ses voyages. Pendant qu'il narrait ses aventures, Takeshi en profitait pour continuer à manger. Il commençait à se lasser des repas servis dans les tavernes où ils avaient été lui et Hyuda. Il profita de la fin d'une histoire pour glisser un compliment au jeune garçon.

- Le repas est délicieux !

- Oui ça c'est vrai ! Ça fait du bien un bon repas après un long voyage comme on vient de faire.

Le teint du jeune garçon tourna rapidement au rouge, il ne s'attendait à ces compliments visiblement. Il se courba pour remercier les deux hommes.
Cela faisait maintenant plus d'une heure qu'ils étaient à table et le marchand avait beaucoup à faire, leurs matinée avaient déjà été perdus. Hyuda prit donc la parole et dit :

- Je suis désolé mais nous ne restons que quelques jours et nous avons beaucoup à faire. Nous allons devoirs vous laisser.

Takeshi acquiesça d'un hochement de tête et dit à son tour :

- Encore merci pour le repas, c'était très bon. Nous vous remercions pour votre hospitalité.

Ils se courbèrent tout les deux pour remercier leurs hôtes et leurs souhaitèrent bonne continuation.

Les invités avaient l'air d'aimer le repas qu'il avait préparé. Il avait reçut des compliments qui l'avaient mit assez mal à l'aise. Il avait l'impression qu'il faisait extrêmement chaud et essayait de se concentrer sur ce qu'il avait à manger. Une fois le repas fini, les invités partirent en déclarant qu'ils avaient beaucoup de choses à faire. Bankichi ne savait pas si cela suffisait à se faire pardonner et pensait d'ailleurs que non, mais il devrait s'en contenter, à moins que... Dès que les invités furent partis, Bankichi se rua dans la cuisine pour préparer encore quelque chose à manger. Il mettrait le tout dans un panier et l'accrocherait à la selle du cheval avec un mot d'excuses. Si ses plats les accompagnaient durant tout leur séjours et leur voyage du retour, peut-être que l'homme au cheveux verts accepterait de lui pardonner. Il s'en voulait encore pour ce qu'il avait fait, il se demandait vraiment s'il avait quoique ce soit d'un héros et en doutait. Mais il ne se décourageait pas, il allait devenir un héros comme son père, peut-être que lui aussi avait fait des bêtises quand il était jeune. Il songea à poser la question à sa mère, elle savait sans doute elle. Mais tout d'abord il devait préparer le contenu du panier qu'il allait offrir à l'homme aux cheveux verts.

Quand elle eut exposé sa réponse, Risako vit que le marchand se trouvait désolé d’avoir posé sa question. Risako ne comprit pas cette discrétion proche du renfermement. En effet, elle n’avait aucun tabou touchant à la vie de Kidô, elle l’admirait et elle l’aimait toujours malgré son absence. Aussi, quelque chose au fond d’elle lui disait qu’il n’était pas mort, qu’il se trouvait quelque part dans le Hinomoto sans pouvoir revenir en terres Nezumide depuis dix ans et pour toujours. Elle espérait sincèrement le rencontrer par hasard, un jour, en territoire neutre. Mais, ce qui la rendait malheureuse, était que son fils ne connaîtrait certainement jamais son père car lors de son départ, il était trop jeune pour se souvenir de sa voix, de son visage et de sa silhouette.

Les songes de Risako cédèrent quand le petit Banki présenta ses plats, fier comme un coq. A cette vue, la mère était enchantée et ne put décrocher le sourire de son visage. En effet, ce jour-là, Banki s’était dépassé. Il avait cuisine tellement de plats en si peu de temps ! Et avec brio, qui plus est. Cela ne semblait pas choquer les deux invités qu’un jeune garçon cuisine à la place de sa mère. Risako se sentit ravie et pleine de joie et de fierté pour sa progéniture qui reçut quelques compliments de la part des deux invités.

Le repas toucha à sa fin ,et Hyuda et Takeshi s’excusèrent pour quitter la compagnie de Bankichi et sa mère. Cette dernière comprenait très bien et les raccompagna jusqu’au seuil de la demeure. Son fils, quant à lui, avait une fois de plus disparu dans la cuisine pour reparaitre un peu plus tard, tandis que Risako exprimait une dernière fois sa reconnaissance à Takeshi. Elle souhaita ensuite bonne route aux deux hommes qui s’éloignèrent. Quelle chance elle avait eue de tomber sur un homme si serviable et qui l’avait aidée à sauver son fils.

En repensant à ceci, elle caressa les cheveux du garçon avant de le serrer contre lui. Elle allait devoir l’aider à soigner ses petites plaies et à laver ses cheveux. Takeshi n’avait pas exprimer son pardon à Bankichi, mais elle était certaine qu’il n’en avait pas besoin, qu‘il le lui avait accordé au moment même où ils étaient sortis du ravin. Dans tous les cas, Risako restera reconnaissante envers le chef de division.