¤ Bwaaa~~~~~ah.

Voilà un cri d'animal plutôt étrange. A la fois effrayant et soporifique, avec assez de puissance pour couvrir un large rayon dans cette bordure de civilisation. Les quelques villageois présents non loin avaient désormais le regard rivé sur cette chose emmitouflée dans une couverture chaude, assise par terre, adossée au mur. Il ne s'agissait ni plus ni moins qu'un des hauts membres du clan, l'un des plus importants, le chef militaire par excellence. Dans le but de ne pas avoir à surveiller les jeunes recrues lors de leur entraînement ô combien ennuyeux, le satané feignant s'était réfugié dans une masure à l'abandon, en bordure est, pour finalement se réveiller peut être des jours plus tard dehors en périphérie nord d'un hameau voisin. Sans aucune notion du temps ou de l'espace, voilà qu'il s'attelait à trouver un puits bien connu pourtant inexistant dans cette partie de la région. N'ayant absolument aucune envie de quémander quelques boissons au paysan du patelin, et ayant abandonné la recherche de ce fameux puits au bout d'un temps record d'approximativement douze secondes, sa dernière chance avant de mourir bêtement de déshydratation restait la forêt de bambou, dont l'orée se dressait quelques mètres devant lui. Parti pour l'aventure, qui sait s'il ne tomberait pas à nouveau de sommeil cinq minutes plus tard, en proie à toutes sortes de prédateurs.

Une, deux, et VLAN ! Coup de savate dans un bambou ! Ce dernier, telle une porte défoncée par le bourrin de service, se pliait en deux, cassait et projetait toute une étendue d'eau sur son assassin. Le meurtrier ainsi désigné, après avoir étanché sa soif, ramenait ses mains devant lui, avant d'effectuer un salut proche d'une prière, à la suite de quoi il s'entreprit de tabasser une dizaine de ses semblables pour la même raison, avant de finalement revenir vers sa première victime et la finir via grandes torgnoles dans le tronc. Son repas lui aura également été présenté suite à son soudain accès de sauvagerie. En effet, n'aimant guère la vue de désolation ainsi présentée, Teruo s'était fixé pour objectif de collecter chaque bambou tombé sous ses coups pour les renvoyer au loin, nostalgique de l'époque où son activité principale restait le lancé de mioches. Aussi, lancer des troncs, peu massifs mais de deux fois sa taille, directement dans les feuilles des congénères toujours vivants lui assurait de mettre sur la tronche des piafs au passage, tombant comme des mouches, et lui assurant moult régals. Pour ça, il lui faudrait un feu. Frotter du bois ou frapper un silex sur un amas d'herbes mortes ou petit bois semblait être la solution la plus indiquée. N'ayant aucune envie de choisir entre l'une et l'autre, le voici à soulever un rocher pour l'envoyer se fracasser contre un autre, contre lequel était blottit tout un amas de trouvailles mortes. Sans surprises, le rocher ainsi lancé finit sa course au beau milieu du tas de bois, n'ayant réussi qu'à érafler son pareil, presque dix fois plus épais. Devant cet échec cuisant, le jeune homme ne trouvait rien de mieux à faire que titiller l'un des oiseaux morts avec un petit bout de bois, assis dans l'herbe sèche qui finit par épouser les formes de son corps tant son moment de solitude s'éternisait.

Par lassitude ou pour qui sait quelle autre raison, Teruo finit par se relever, retirer un petit couteau qui pendouillait à sa ceinture et l'affutait alors sur le rocher. Coup de chance, sûrement, les étincelles ainsi provoquées finirent par embraser le bois, pour finalement mettre aussi le feu à la couverture qui lui servait encore de cape. Pas d'autres choix que de tabasser une nouvelle fois une douzaine de bambous et se rouler tel un animal sur l'herbe soyeuse ainsi dispersée sur l'étendue de terre. C'est tellement plus pratique que de retirer la couverture proprement. Mais finalement, après toutes ces aventures, il pouvait dévorer allègrement les pauvres oiseaux dont le dernier soupir s'était dispersé à même la chaleur des flammes durement gagnées.

- Je suppose que je ne dois pas m'attendre à une explication qui tienne la route...

Ah ! L’inoubliable seigneur des Ryuuji, attendu depuis plus d’un tour maintenant. Ses entrées n’avaient d’ordinaire qu’une rare répartie de plaisante, toujours pour remettre à l’ordre notre bon ami, faudrait-il le préciser. Etant l’un des seuls responsables de l’arrivée précoce du génie de la monnaie sur le maigre trône, mot dire ne deviendrait que futilité, logeant une antinomie comme de coutume chez le seigneur de guerre. Mais le caractère bien trempé de ce guerrier de toujours l’obligeait sans cesse à contester le moindre soupçon d’autorité, fut-il par certains jours apte à adhérer aux propos de son supérieur. Au fond de lui restait une petite voix lui dictant la notoriété même de son seigneur et de son clan affaiblie par un tel comportement, habituellement indigne de son rang pourtant devenu monnaie courante, si ce n’est schéma systématique et obligatoire des hautes strates de cet ordre.

Enfin, il était là. Sa présence obligeait son clan à être suffisamment proche pour ne pas se heurter à d’éventuels obstacles infranchissable les séparant de leur chef de guerre, si peu le soit-il. Mais où se rencontraient-ils ? La végétation, de même que les rares animaux présents aux alentours n’avaient rien de véritablement différend de ce qu’on trouvait habituellement sur les terres seigneuriales. Quand bien même le confort se trouvait plus spartiate, il restait un peu de cette odeur caractéristique, restait à voir si la présence de Niwa n’y était pas pour quelque chose. Renonçant à disserter sur les quelques gaz que son seigneur aurait pu laisser sur son sillage, il dut se cantonner à remettre en ordre son paquetage et son armement, prêt à repartir au bon vouloir du régent.

Et comme si le monde avait entendu les muettes prières de notre individu, le décor planté se trouvait contaminé par quelque créature que ce soit. Une ou plusieurs ombres dansaient autour d’eux, sans réelles intentions hostiles à première vue, mais apportant avec elles une atmosphère pesante, peu propice aux festivités de toutes sortes. Une main posée sur le pommeau de son arme, l’autre caressant les poils sur son menton, voilà que notre militaire de génie s’armait d’une patience propre aux heures précédant les combats. Ne prêtant guère plus d’attention à son seigneur, ne lui restait plus qu’attendre … Ou provoquer. Aussi rompu-t-il de lui-même le silence, laissant choir une réponse à la question déguisée de son seigneur.

- Une explication ? J’imagine qu’elle vient d’elle-même.

Il était devenu habitude d’utiliser le moindre imprévu pour augmenter sa côte de popularité. Sa vulgaire bêtise obligeant son seigneur à chercher derrière chaque motte de terre un énergumène à la douce odeur d’alcool devient ainsi une quête pour le bien de tous, dont Teruo serait bien sur le seul héros. Si ce genre de conte de fée ne fonctionne en aucun cas sur Niwa, il précède généralement une longue tirade au coin du feu une poignée de jours plus tard, dans laquelle il s’illustre de bien des façons auprès du peuple, toujours plus crédule avec le temps.

La question demeurait toutefois. Sortirait-il sauf de cette rencontre imminente, cette fois ? Quand bien même sa maîtrise des armes et de la stratégie en faisaient un chef victorieux sur un champ de bataille, la moindre créature pouvait à loisir lui mordiller les fesses jusqu’à ce que mort s’en suive, s’il n’y prenait pas garde. Aussi, après concentration, son arme au poing, la lame fendit l’air après la sortie du fourreau, prête à découper le moindre obstacle sur sa route. En réponse, peut-être, une forme humanoïde frappant son seigneur au crâne. S’en suivit, dans un nouveau mouvement, le lancer de son épée non sur l’humanoïde même, mais la trajectoire qu’il devrait prendre au cours de sa soudaine fuite. Cela aurait certainement été le ca, s’il n’avait pas dévissé son lancer, en proie à un fou rire à demi voilé face à la situation. Son seigneur frappé par qui-sait-quoi alors que son ambition ne dépassait pas la trouvaille de son ami de toujours.

Citation :

Point Culture : Furōsha signifie vagabond, littéralement « celui qui erre ».

Les rouages s’accélérant emmenaient un Teruo gracieux comme jamais sur les terres d’une sinistre situation. Une ombre s’immisçait dans les affaires d’un clan, entre deux figures et pire que tout, entre deux amis. Qui sait pourquoi le destin avait pris la tangente aussi brusquement, il s’amusait à lier la route de formes de vies si différentes. En soit, un combat n’est jamais vain, encore faut-il connaître le nom et l’histoire de celui qui s’oppose. Ici, rien qu’une ombre, dont même le sang n’offrait rien d’humain. Certes, si l’arme du seigneur pouvait le blesser, on pouvait tout aussi facilement le tuer, à condition qu’il cesse de gigoter partout. Et ce fut le cas. Alors que le chef militaire Ryuuji l’attrapait par le bras, un spasme retint sa main. Préférant s’éloigner de cette ombre non tellement menaçante mais pleine de surprise, il ne s’attendait pour autant à profiter d’un tel spectacle. S’étirant de tout son corps pour éviter un flot de lumière rosée sortie de ce qui semblait être le gosier de la créature, son regard se perdit dans les étoiles, et suivit finalement la course de cette lumière spirituelle. Teruo n’aura jamais eu de sens de l’orientation, son instinct lui dictant quelle direction prendre, qu’il faille traverser une tempête de sable ou un fleuve débordant de son lit. Cette fois, son instinct ne lui criait qu’un nom.

- Ryuu …

D’un souffle, ce seul nom débordait de ses lèvres. S’il n’a jamais attaché importance à grand-chose, son lieu d’attache restait le domaine de son ami, à qui il avait, dans un moment d’égarement ou à grands coups de Sake, promis de protéger, à défaut de jurer son allégeance. Aujourd’hui, cette patrie était menacée, les rêves et ambitions de Niwa avec lui.

D’un bond, Teruo fut de nouveau sur ses jambes. Quelques enjambées gracieuses plus tard, le revoilà, fort de son épée au poing, perdue quelques secondes plus tôt lors d’un lancer fort pathétique. Plantée d’un un bambou massif, il fallait à présent tester le tranchant de la lame. Non que les forgerons affiliés à Ryuuji Niwa soient de parfaits ignorants dans leur domaine, mais tester une lame de temps en temps, surtout lorsqu’elle n’a servi à rien, peut s’avérer fort utile. Aussi, la lame fendit l’air, avant de découper minutieusement la chair du Yokai, peinturant la lame d’un violet visqueux bien que magnifique. La tête ainsi retirée du corps, fut ramenée aux pieds du seigneur par un vulgaire coup de botte du trancheur fou. Sur quoi ce dernier se mit fatalement en route, oubliant son sens de l’orientation boiteux et ses réserves de nourriture inexistantes. Qui sait quelle distance il leur restait à parcourir, la vague blancheur de leur cible ne marquant qu’une distance que Teruo ne saurait déchiffrer. Passant de bambou en bambou, traversant ce nouveau matin sans halte et d’une allure satisfaisante, Teruo en tête, il ne restait plus que l’odeur morbide suintant de la nuque du Yokai de leur fâcheuse rencontre.

Ce fut d’ailleurs sûrement ce dernier détail qui incitait cette meute de loups à venir à leur encontre. Blancs comme neige, d’une beauté à couper le souffle, les crocs en direction des hommes, seuls leurs grognements couvraient le silence pesant qui s’était installé si naturellement. La fraicheur obligeait l’eau à s’évaporer, empêchant la vue des babines retroussées, salive pendante, signes d’un appétit féroce, sûrement attardé. Sans un mot, sans un bruit, le militaire mit la main à son fourreau, une autre sur la poignée. Un loup bondissait soudain, la poitrine de notre héros dans la ligne de mire, prêt à broyer, déchiqueter, sucer et engloutir voracement tout ce qui passerait à proximité de ces crocs. D’un geste tout aussi rapide, bien que moins brusque, Teruo sortait la lame de son fourreau, sur la trajectoire de l’animal …

Le sourcil arqué, Niwa considère la pointe de son arme. Si la souiller de sang est monnaie courante, qu'il ait cette robe myosotis l'est beaucoup moins. Le doute n'a plus sa place : ce n'est pas un homme, mais un Yokai. Raison de plus pour l'abattre sans faire d'histoire. On sait de réputation que ces entités n'apportent rien de bon et sont des émissaires du malheur à venir. Avant d'avoir pu porter le coup de grâce, Teruo l'a déjà fait. Empoigné fermement, la créature rend son dernier souffle non sans être démonstratif. Sa mâchoire béante et la gerbe de lumière qui en émane sont une flèche laissée là en guise d'indication, et ce qu'elle vise se devine sans ambages : Ryuu en est la cible. Garder son sang-froid n'est pas aisé et le seigneur considère un instant ce signe de mauvais augure. Les questions se bousculent dans sa tête mais ce n'est pas de ce corps refroidi qu'il obtiendra réponse. Encore moins après que son acolyte l'ait guillotiné afin d'éprouver le tranchant de sa lame, perdue puis retrouvée, et à l'évidence en état de fonctionnement. Si son fil acéré avait pu être émoussé par de banals bambous, elle n'aurait pas été digne de provenir du clan Ryuuji. Et si nul n'a assez de doigts pour énumérer les vices et défauts de Teruo, même en s'aidant de ses pieds, le moins qu'on puisse dire est qu'il s'y connaît quand on parle d'entrer en guerre.

Il en va donc de même pour le matériel fourni à cette fin. Non sans dégoût, le lancier se penche pour s'emparer de la tête décapitée, affermissant sa prise sur cette chevelure crasseuse afin de l'emmener. Lui-même n'est pas sûr que ce soit utile, mais mieux vaut ne pas courir le risque que cela leur fasse défaut à un moment décisif. L'odeur n'en est pas ragoûtante, mais demeure supportable. À arpenter les champs de bataille et à humer malgré soi l'odeur des charniers en décomposition, il en faut plus pour retourner les tripes d'un homme d'armes. La sienne est d'ailleurs toujours captive de la main opposée, au cas où le défunt ne serait pas seul. Prudence est mère de sûreté et la fourberie de l'attaque porte à croire qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé. Laisser son second prendre la tête n'était certes pas une riche idée, mais le crâne suspendu à son poing éclaire la voie de telle sorte que même lui ne peut s'y tromper. Son sens de l'orientation n'aura cette fois pas à loisir de faire des siennes ; l'heure est grave et chaque erreur peut causer leur perte. Quoi que veuille dire ce faisceau violine, l'apprendre était une priorité, ainsi que d'y remédier si cela pouvait leur nuire. Le mot d'ordre est de forcer l'allure, chaque minute peut compter et s'éterniser en route ne peut qu'être nocif.

- Ne traînons pas. On ne sait pas ce qui nous attend là-bas.

Inutile, car le chef de guerre a déjà compris que ses frasques doivent être mises de côté. Néanmoins, il a la distraction facile, et une mesure de précaution ne peut être de trop. Mais Niwa pense n'avoir pas à s'en inquiéter, car le sort de leur territoire lui importe trop pour qu'il le prenne à la légère. Pressant le pas pour soutenir le rythme de celui de son acolyte, il sent l'anxiété croître et tente de comprendre, multipliant les hypothèses sans qu'une explication concluante ne réussisse à germer. Il faudra attendre d'être sur place pour cerner le sens de cette lueur, et la distance qui les en sépare n'est guère rassurante. Comme si cela ne suffisait pas, une halte forcée allonge leur trajet. Sa chance n'est pas aussi infaillible qu'on peut le croire, sans quoi cette meute de loup aurait choisi un autre jour pour faire barrage de leurs corps. Déjà assez irrité sans leur concours, l'Okane no Tensai ne se laisse pas freiner et assure sa poigne avant de porter un coup. Au sortir du corps meurtri, un flot vermeil recouvre le sol. Premier sang. Preuve est faite que s'ils veulent calmer cette faim dévorante, ils sont tombés sur un trop gros morceaux. Libre à eux de s'acharner, mais bon nombre disparaîtront avant de s'emparer de la chair fraîche convoitée. La hampe tournoie entre les doigts de son manieur, l'hémoglobine qui la tache la quittant sous forme d'une brume sanglante à force de rotations.

Impassible, le chef de clan jauge les bêtes. Devoir en arriver là est navrant mais s'ils lui barrent la route, le choix n'est pas laissé. Ce sont des animaux nobles, mais son peuple est plus important que leur appétit. S'ils n'écoutent que la voix de la famine qui les consume, alors il ne se privera pas de répandre ces tripes si vides comme il vient de le faire en entaillant le flanc d'un des leurs. Ce n'est qu'une mise en garde. Si ce coup de semonce ne les fait pas tourner les talons, alors il sera responsable de leur extinction. La distance à parcourir est trop grande pour céder ne serait-ce qu'une poignée de secondes de trop et ce n'est pas eux qui le feront revenir là-dessus. L'air sévère, il les regarde de haut. Pas pour les intimider, mais pour leur reprocher leur conduite, désolé de voir des fauves au centre de bien des légendes tomber si bas. Ne pas valoir plus que de vulgaires charognards, bradant leur honneur et les qualités qu'on leur attribue. Ce ne sont plus que les ombres d'eux-même, des contrefaçons que Niwa aura tôt fait de faire disparaître de sa vue s'ils ne reprennent pas leurs esprits. Et à les entendre gronder, il y a fort à parier que ce n'est point une rédemption.

- Les écrits veulent que les loups soient de nature bienveillante et charitable et qu'ils n'attaqueraient jamais un humain d'eux-même, en plus d'avoir horreur des conflits. Ce ne sont donc que des sottises... Dans notre langage, le mot « loup » s'écrit avec les caractères « grand » et « dieu ». Vous ne méritez rien de tout ça. Où est passée votre fierté ? Au fond, vous n'êtes que des créatures brutales et féroces ? Je vous croyais autrement plus nobles... Vous n'êtes que des chiens, tout juste bons à aboyer et à mordre pour cacher votre peur ! Hors de ma vue !

Avoir haussé le ton ne va pas arranger son cas, mais il s'en moque. Il est excédé de voir que l'opinion qu'il s'était forgée n'est que poudre aux yeux et que ce ne sont en vérité que des brutes avides de chair fraîche. Si une nouvelle bataille doit les attendre à Ryuu, alors ceci sera leur échauffement, car il ne peut tolérer de les voir si écoeurants plus longtemps.

L’odeur de l’hémoglobine, l’âcre rougeoyant suintant sur les feuilles et troncs dominait le parme poisseux s’échappant par flots de la nuque du Yokai. Bien que présentement accompagné d’un indésirable danger et du comble de la perte de temps en un raccourci, cette vision d’un sang pourpre comme d’accoutumée laissait une étrange euphorie au creux du cœur et de l’âme. Tout aurait pu disparaitre, laissant aux yeux des deux amis un monde où ils ne seraient que trop étrangers. Mais rien. Seul le démon s’était aventuré dans le monde des vivants, et ce peut être pour simplement stopper l’ascension de son espèce au rang de mythe pour les plus superstitieux. Mais cet éclair violacé, bien que surnaturel, représentait un danger tout à fait réel. Les tripes du binôme s’étaient soulevées en cœur à la vue du spectacle, et même le versatile, l’enfantin, l’étrange Teruo n’avait pour seul but que de mettre le pied au village et l’assainir de tout danger que ce soit. Qui plus est, l’âme inquisitrice du chef de guerre ne cessait de chercher réponses à ses questions, et s’il lui fallait verser le sang pour cela, nul n’oserait y porter objection.

Les dits rois de la faune locale étaient en première loge pour cela. Sans un mouvement inutile, Teruo venait de mettre un terme à la vie même de ces animaux. Etant quelque part animal lui-même, rien ne l’empêchait de se mettre au-dessus de la chaîne alimentaire, bien que les charognards soient les seuls à profiter du festin, faute de temps. Force est de constater que les préceptes du génie militaire ne seraient respectés à la lettre encore cette fois. Tuer pour se nourrir, non pour tuer même, reste une loi immuable inscrite à même son sang, mais ce même sang se verrait répandu à même le sol de ses propres mains si par malheur Ryuu venait à tomber. Le dilemme fut rapidement mis de côté, alors qu’il montrait une assurance sans failles dans ce pur massacre. Niwa à ses côtés, la paire ne cessait de gagner toujours plus de terrain alors que le reste de la meute détalait la queue entre les jambes, peu désireux de finir comme la demie douzaine de leurs congénères déjà au sol. Sans doute trouveront-ils quelque proie à leur portée, attirées par l’odeur du sang de leurs camarades.

Il rengainait son arme dans un fourreau immaculé, sans cesser d’aller de l’avant. Il n’était pas rare de voir Teruo dans cet état. Son sourire avait disparu, son sens de l’honneur se tendait à son zénith, et la voie du Bushido semblait être le seul recourt à une guerre imminente, contre un ennemi qui n’avait offert qu’un piètre morceau. Incertain mais déterminé, le chef de guerre méritait son titre à présent. Les yeux plissés, les lèvres retroussées, le pas vif et assuré, son air assuré n’avait d’égal que sa profonde inquiétude pour ce qui était désormais son pays natal, bien que la définition diverge de ses opinions. Jamais le peuple de Ryuu n’a eu pour Chef de Guerre un homme si proche du titre. Depuis toujours, Reiya Teruo n’a été perçu que d’une façon. La rumeur voulait qu’il soit l’envoyé d’un autre clan pour s’assurer d’un bon commerce avec Ryuuji. Jeune, il était plein d’énergie et démontrait une faculté martiale dite hors du commun. Plus tard, il s’était blessé lors d’un affrontement avec un quelconque animal, faisant de lui quelqu’un d’unique, possédant un titre d’honneur mais ne démontrant aucune compétence digne de ce nom. Il était temps, si Ryuu n’était pas déjà condamné, de montrer toute l’étendue des facultés du général de l’armée Ryuuji.

Plus tard, son honneur et sa gloire ne seraient guère comptées par les chants communs ou personnels. Sa réputation grandirait de la même façon qu’elle aura été ternie. De rumeur en rumeur, tous sauront enfin qui se dresse parmi les plus sages et les influents du Pays. Tous ne chanteront peut être pas ses louanges, mais auront conscience de son véritable niveau martial. Si le monde peut cacher ne nombreux guerriers aguerris, Teruo en ferait partie, qu’on le veuille ou non. Son épée sonnera le glas et la tempête, de même que son esprit et son âme fera des tambours de guerre une mélodie de mort sur un champ de bataille, dont les soldats sous ses ordres n’auront pour seul mot à la bouche que « Ryuuji ». Il était temps d’oublier l’alcoolique vicieux endormi sur une paillasse au beau milieu des bas quartiers. Un fin tacticien, un esprit de pierre, une poigne d’acier sur une épée teintée du sang de ses ennemis, voilà qui est et qui sera Reiya Teruo. Si pour cela il fallait trancher la tête d’une dizaine de milliers d’esprits démoniaque, soit. Un véritable chef de guerre se dresserait entre l’ennemi et son clan, et que nul ne se trompe, le sang des samouraïs dans ses veines ne lui fera ni oublier ni craindre le nom de la mort lorsqu’elle viendra le chercher.

Fort de cette carapace au nom de Ryuu, accompagné de son seigneur, rien ne pourrait lui barrer la route. Les effluves du sang du Yokai ne laissaient pas que leur odeur entre les narines du génie militaire. Une unique confrontation, entachée par une forme de suicide de leur ennemi lui donnait bon nombre d’informations sur l’ennemi à combattre. Nombreux, avec un incroyable talent pour le combat, ces créatures n’ont aucun honneur et encore moins de grâce. Des fantassins, à n’en pas douter. A fortiori, des créatures de première ligne sous le commandement d’une forme de vie bien plus dangereuse encore. Occultant ses désir de voir de ses propres yeux le sort actuel du fief de Niwa, c’est en vrai homme-lige de son seigneur qu’il spéculait à présent sur le sort qui leur était réservé. A n’en pas douter, ils entraient en guerre. Un clan ennemi était-il à l’origine de tout ceci ? Si tel était le cas, pourquoi ne pas simplement détruire le clan Ondorie, dit dominant des Ryuuji ? Ainsi affaibliraient-ils ce dernier en supprimant nombre de routes commerciales et autres avantages de cette domination. Une génération avait perdu le droit de se dire fort et maîtres d’eux même. La génération suivante avait pris avantage de la situation. Le clan Ondorie n’avait aucun intérêt à déchoir les Ryuuji de ce qu’ils possédaient encore. Aussi, l’activité Yokai pouvait-elle vraiment être de l’essor de l’humain ? Certes, il n’y aurait que peu d’inconvénient à faire appel à de telles créatures, si tant est que l’on sait comment le faire. Aussi, pour un clan inférieur, cela pourrait être l’unique solution de faire à nouveau parler de lui. Cependant, les Yokai sont vus dans le folklore comme étant des démons. Par conséquent, eux n’auraient aucun avantage à faire alliance avec les humains. Quand bien même ce serait le cas, Ryuuji ne serait en ligne de mire qu’après la défection des clans plus puissants, et certainement pas de manière aussi peu camouflée.

Rares sont les sujets aussi intéressants qui fourmillent d’informations en tous genre, et cette nouvelle apparition ne dérogeait en rien à la règle. Une apparition aussi soudaine et intelligente ne pouvait qu’être planifiée. Aussi, il ne s’agissait clairement pas de quelques créatures isolées. L’attaque sur Ryuu ne présentait rien de bon. D’un autre côté, les ordres donnés à l’armée étaient clairs. Doubler les effectifs à la nuit noire. Restait également à espérer que le Haut Moine ne restait pas cloîtré chez lui. Encore pure spéculation, mais si les Yokai existent, les prêtres et prêtresses ont peut-être réellement quelques pouvoirs utiles contre eux. Yomigami, qu’ils n’oublient pas leur chapelet !

- On arrive lança-t-il, encore à demi absorbé par ses pensées. Lui qui n’avait jamais eu le moindre sens de l’orientation, et doté d’une malchance à s’en faire seppuku, il avait simplement ouvert son esprit et distingué les changements significatifs de l’atmosphère. Il suffisait de traverser la centaine de mètres restante puis couper à travers une petite plaine, pour arriver à l’une des entrées secondaires donnant sur ce qui représentait le bourg des bas quartiers.

- Désolé pour le manque de courbettes, mais pressons ! Si je ne me trompe pas, il y a de grandes chances que l’on ait à affronter une créature d’autant plus sordide, peut être plusieurs, se présentant comme ce que l’on appellerait des généraux. A fortiori, ils seront plus grands, certainement plus moches. Dans le pire des cas, fies toi à ton odorat et à ta chance. Ne nous précipitons pas trop pour autant. Et ne nous séparons pas. Que Ryuu soit sous le joug d’un ennemi ou non, le clan ne pourra se remettre de la perte d’un nouveau seigneur. Pas avant que je fasse de toi le souverain de toutes choses. Regardes les étoiles, mon frère, Yomigami veille sur nous, et nous reconstruirons ce qui doit l’être.

S’il n’était pas inhabituel de l’entendre débiter un tel flot de paroles ! Qui plus est, la protection de Yomigami était un sujet sur lequel les deux hommes s’entendaient mal. Teruo, qui n’avait jamais vraiment prêté attention aux fables du monde se plongeait à présent dans le fleuve des croyances, prêtant son esprit au dit « Yomigami », ses pouvoirs, son histoire et sa bénédiction. Pressant d’avantage le pas, mais sans forcer pour autant, voilà qu’il sortait de l’ombre des bambous et pousses en tous genres pour se frayer un chemin sur une petite colline, au sommet de laquelle ils apercevraient Ryuu. En quelques minutes ils seraient sur place, parés à toute épreuve …

Voilà plusieurs années de que le Haut-Moine du Ryuuji n'était pas revenu dans sa province d'origine. Des années de marche incessante sur les divers chemins du continent, proférant maintes bénédictions et exorcismes sur sa route, à la recherche d'un pouvoir qui aurait été bien inutile aujourd'hui. Cela il l'avait bien compris durant son pèlerinage... Mais au fond il recherchait bien plus que tout ça. Quelque chose qui faisait qu'il continuait son pèlerinage plutôt que de rester dans son temple. Une force qui le poussait inexorablement à dépasser les limites de l'horizon, et d'aller aussi loin que Yomigami le voulait. Ce dieu qui l'avait envoyé sur terre et qui lui donnait la force et le courage d'avancer. Chaque nuit durant son voyage, il n'avait de cesse de prier son dieu, pour qui le protège lui, et par défaut sa région. Car certes, le dieu était le protecteur de la cité des dragons, mais sans le haut moine pour assurer cette connexion entre l’Éther et les hommes, la région serait en proie aux démons qui peuple ce monde. Et elle avait déjà trop a faire avec les hommes... C'est pour cela que Sanzo décida qu'il était temps de rentrer a Ryuu.
Bien entendu, il prit cette décision quand il se trouvait bien éloigné de sa ville "natale". Un bien long voyage de retour, mais qu'il fallait entreprendre. Outres les sentiers et chemins de traverses, les nuits a la belle étoile et les quelques bénédiction ci et là, le voyage était moins pénible que d'habitude. Peut être était-ce l'idée de rentré qui le motivait au point de ne plus sentir le poids de la fatigue... Cette fois ci, et peut être pour la première fois, il savait où il devait aller. Ce n'était plus l'appel de l'inconnu qui l'attirait, mais la belle et douce idée de rentré chez lui. Même si au fond de lui même il ne l'acceptait guère, retrouver la région de feux son père adoucissait les traits, habituellement durs, de son visage. Il marchait alors sans relâche pendant plusieurs jours, jusqu'à ce qu'il puisse apercevoir la magnifique citée.

Il faisait encore nuit quand le Haut Moine arriva devant la ville de Ryuu. Le ciel était assez dégagé, et le soleil peinait à se lever, ce qui laissait aux étoiles un court répit pour briller encore. Sanzo se dirigea lentement vers les portes de la ville, les soldats qui la gardait ne le reconnurent pas au début et le sommaient de décliner son identité. Quand celui ci s'approcha de plus près, le garde compris tout de suite son erreur et s'inclina le plus bas possible pour s'excuser. Même si il n'était pas aussi respecté que le seigneur Niwa, Sanzo apparaissait comme un être touché par le divin pour les habitant de Ryuu et des environs. Une aura lumineuse et bienveillante semblait émané de sa personne. Il a contribué à cela en se proclamant "envoyé de Yomigami". Et beaucoup l'ont cru...
Arpentant les rues de cette belle et grande citée, il laissait son regard se perdre sur les divers édifices et établissement. Certains commerçant, se leva plus tôt que les autres, le saluèrent avec tout leur respect quand ils le reconnurent. Ce dernier continuait sa route sans pour autant leur attribuer un regard. Sanzo sentait une aura très sombre en cette matinée. Il l'avait sentit durant tout son voyage, mais elle était bien moins lourde qu'a Ryuu. Il ne sentait aucun démon, aucune malédiction sur la ville, et pourtant il sentait cette aura maléfique. Cela ne présageait rien de bon...
Il se dirigea alors vers le temple de la ville, qui était assez a l'écart de la ville et du château. Il gravit les imposantes marche montant jusqu'au temple. Sa robe de cérémonie ne l'aidait pas dans son effort. De par son poids et son ampleur, cela devenait deux fois plus difficile pour le moine, mais ce dernier tiens bon jusqu'au sommet. Arriver devant le temple, il entra et vit les moines se hâter a leurs taches matinales. La doctrines des moines voulait que ces derniers effectue divers prières et tâches ménagères, et ceux dès l'aube.
Alors qu'il avançait dans le temple, les moines qui vaquaient a leurs occupations commençaient a s'agiter lorsqu'ils l'eurent aperçu. L'effervescence pris la place du calme serein des lieux. Tous les moines se mirent à entourer Sanzo, le couvrant de respect et d'adulation. Ce dernier portait toujours son air impassible, apparemment fatigué par tout ce monde. C'est alors que le moine supérieur du temple vint a sa rescousse. Il somma les autres moines de retourner a leur travail, et accueillit son maître comme il comme il se devait.

-Sanzo-sama, quelle joie de vous revoir ! Vous êtes de retour, après tant d'années... Vous devez être fatigué. Venez suivez moi.

Le moine supérieur accompagna Sanzo jusqu'à l’intérieur du temple. La bâtisse avait changé depuis la dernière fois qu'il était venu. Elle semblait plus grande. On l’amena dans une grande pièce, ou il put se laver et se restaurer. On lui fournit des linge propre et une nouvelle tenue de cérémonie plus blanche que jamais. Là, le moine supérieur lui parla de la situation de la ville et tenta par moment de connaitre les raisons du retour de son maître. Mais Sanzo n'écoutait aucunement les paroles du moine. Il était trop inquiet par cette aura maléfique incessante, qui pesait autour de la ville. C'est alors qu'il ressentit une présence maléfique soudaine et très puissante, tels un éclair pourfendant le ciel. Là, une énorme secousse se fit sentir, comme si toute la ville tremblait sous cette aura. Une moine affolé rentra dans la salle, et dit en criant qu'un rayon surgit de nul part s’abattit sur la ville, causant d'importants dégâts. Voila donc cette aura maléfique... Les pré-sentiments du Haut Moine étaient bien fondé. Sans attendre, ce dernier se leva et alla dans la cour et rassembla les moines pour donner ses instructions. Il forma plusieurs petits groupes et les envoya aux divers endroit frappé par le rayon. Une fois les ordres donné, il se dirigea lui même sur les lieux, pour voir de quoi il en retournait. De plus, il sentait une aura maléfique qui était bien plus importante encore, et cela ne présageait rien de bon.

Laissant le moine supérieur au temple, Le Haut Moine se rendit a l'entré de la ville, où les dégâts étaient les plus important. La foule d'habitant, le voyant arriver, se précipitèrent vers lui pour lui réclamer soins et bénédictions. Ne pouvant rien faire avec tout ce monde, il chargea les moines déjà présent de s'occuper de la foule. La ville était dans une agitation totale.
C'est alors que, dans ce chaos, Sanzo vit le le seigneur et le chef de guerre de Ryuuji venir a sa rencontre. Assez surprit au début, il inclina la tête pour saluer son seigneur, n'ayant ni le temps ni l'envie de se perdre en formule de politesse.

-Mon seigneur, Reiya-dono, comme vous pouvez le voir, la situation est grave. Mes moines ne peuvent gérer la situation seuls, l'aide de vos soldats serait vraiment précieuse. Pourriez vous...

Il n'eut le temps de finir sa phrase, qu'un soldat courra vers le seigneur Niwa en cria que des Yokais étaient aux portes de la ville. Sans perdre un instant Sanzo se dirigea vers l'entré de la citée, allant a leurs rencontre pour voir de quoi il s'agissait. Un vrombissement assourdissant retentit alors, et une nué de Yokais, ressemblant a des abeilles géantes, se dirigeaient vers la ville. Le Haut Moine plongea sa main dans une des poches de sa tenue et sortit deux amulettes, puis il se tourna vers les deux éminences des Ryuuji:

-Voici deux amulettes qui pourront vous être très utile. Elle vous protégeront des malédictions que peuvent infliger certains Yokai. Il faut les retenir pendant que mes moines placent des fudas autour de la ville afin de la protéger. D'ici là, Mon seigneur, il faudra en laisser aucun passer. Ceux ci n'ont pas de poison, malgré leurs dards. Faites attention....

Après avoir donner les amulettes au Seigneur et au chef de guerre, il joignit ses deux mains et commença a psalmodier une incantation. Une lumière vive et pure émana de tout son corps. Là, deux sphères lumineuses se détachèrent, tournèrent autour de lui et foncèrent sur le sol, formant deux large trous lumineux.

-Je vous appelle... Inugami !

Des deux fossés luminescents s’échappèrent deux formes immenses, grande de deux mètres ou plus. Deux magnifiques et imposants loups lumineux apparurent près du Haut moine. Ce dernier posa ses yeux mauves sur les Yokais qui approchaient et lança ses deux familiers a l'attaques quand ils furent suffisamment près. Les crocs divins de ses créatures viendraient surement a bout des yokais. Mais cette décision appartenait à Yomigami, son divin protecteur. Puisse t-il veiller sur eux et les protéger du mal qui arrive.

Un simple mais énorme gorille géant. Toute cette peine, tout ce travail pour un simple et inutile gorille. Le général ennemi n'avait rien de charismatique, et ses cris rauques ne le rendaient pas plus impressionnant. Certes, déraciner quelques arbres pour finalement jouer aux fléchettes avec avait quelque chose de dérangeant, mais en rien un village tel que Ryû ne pouvait couler dessous. 'Plus c'est grand, plus c'est con' avait dit un jour son ancien tuteur. Il n'avait pas tort. Et pour penser qu'une armée aussi massive se tienne sous ses ordres, il apparaissait clairement maintenant que les Yokai sont totalement dénués de tout bon sens. Restait à le prouver.

Si le pouvoir ancestral du Seigneur Ryuuji sauvait la situation présente, lui même ressemblait plus à un cadavre que le jeune homme bien portant qui gambadait quelques temps plus tôt. Sacrifier son corps pour protéger une bande de paysans n'était qu'une idiotie de plus, il s'agissait de l'un des meilleurs combattants du clan et il restait à terre, piégé par sa propre faiblesse. Les méninges du chef de guerre s'activaient plus que de nature, et c'est bien avec une vitesse hors norme qu'il prit à parti quelques moines laissés pour compte pour se rendre aux côtés de son ami. Posant la paume de sa main sur l'épaule du Seigneur, il invita bien vite les encapuchonnés à se joindre à lui. Les vieux sages disaient toujours qu'un grand évènement n'est souvent que le prologue à d'autres évènements plus rares encore. C'est ainsi que, menés par un esprit de logique, le groupe entreprit une renaissance groupée. Il ne fallut guère plus de temps pour que le militaire retire sa main du vêtement de son seigneur, main qui empoigna par la suite la Nagitana du Dragon, qu'il planté sans effort à même la terre. Nul besoin de rester plus longtemps, son seigneur le rejoindrait tôt ou tard, le tout était de mettre un terme à la vie de ce gigantesque fauteur de troubles. D'un bond, le chef de guerre se trouvait sur le toit de paille d'une chaumière, puis entreprit une course de toit en toit, grimpant de plus en plus haut, tout en hurlant ses ordres. Les troupes scandaient le nom de leur seigneur en se regroupant près de la porte, tandis que les doigts de Teruo recevaient une paire de lame aux armoiries Ryuuji.

Mais rien n'était encore gagné. Le gorille pilonnait encore et toujours la même zone, fragilisant d'avantage la structure du dôme. Teruo en profita pour se faufiler jusqu'au dessus de la défense, où il ne resta guère longtemps. Le gorille n'avait cessé de marcher tout en pilonnant le pouvoir du Seigneur. Tellement que les dernières secousses n'étaient non plus la faute de troncs massifs, mais de es poings même. Esquivant le poing massif du général ennemi, sa lame droite vint transpercer l'auriculaire du monstre. Ce dernier, ralenti par les actions du Haut Moine et de ses compères, ne put que tenter de déchainer sa fureur au travers d'attaques effrénées à l'intention du bras droit Ryuuji. Lui même en pensant aucunement à sa défense, esquivait sans grand mal les lentes attaques de son adversaire. Jouant sur sa rapidité avant tout, il grimpa le bras du gorille pour avancer avec célérité jusqu'à sa gueule, qu'il griffa de toute sa hauteur de ses deux armes, manquant de peu sa pupille droite.

Dieu qu'un Yokai peut avoir mauvaise haleine ! Le hurlement de cet immonde géant lui donnait la nausée, si bien qu'il du quitter son épaule et descendre jusqu'aux genoux, non sans lui causer quelques dommages au passage. Il aurait seulement été trop beau de n'avoir qu'un adversaire. Les hordes de Yokai attendant leur heure s'étaient rués sur le chef de guerre et son seigneur, l'ayant rejoint pour le combat. Aucun n'était de taille à affronter le duo dragon, mais empêchaient ainsi quelconque coup de grâce à l'encontre de leur Général. Le combat, bien qu'inégal, ne donnait pas nécessairement un taux de chance de zéro. Un Dragon ne s'avoue jamais vaincu, et l'armée ennemie le comprendrait bien assez tôt

Spoiler:

Du sang de dragon. Il n'existe nulle autre pensée à la vue de ce torrent rougeoyant, étincelant de lumière au travers d'entailles formée sur le corps d'un guerrier de Ryû. A jamais l'image du majestueux dragon reste gravé en mémoire, tant ce feu bouillonnant semble respirer au même rythme que son maître. Voilà que, sur un champ de bataille où seuls cris et bruit de métal font rage, l'intensité d'une lumière et l'aura dégagée en ce point finit par attirer les regards. Telle est la beauté de la mue de Ryû, laissant un corps d'humain ordinaire gravir les étoiles jusqu'à ressembler plus fidèlement au majestueux Yomigami. Des griffes acérées prenant place entre des doigts endoloris. Il n'y a rien de magique, le tout suit les lois habituelles d'un monde naturel. L'évolution. Tel est le nom donné à ces humains brisant les frontières de sa propre race. le pouvoir des étoiles capturé en un hôte, métamorphosé en l'occasion en l'une des créature les plus fabuleuse de notre temps.

le corps à des limites que les étoiles ignorent, et pourtant, rien n'indique dans cette évolution la perte de son humanité. Le corps limité ne se voit pas guère fringué d'une paire d'ailes, octroyant en lieu et place un instinct animal quelque peu violent. C'est dans une tornade de sang que le dragon Teruo, en proie à ce vieux sourire carnassier, se débarrassait sans effort de ses minables opposants, avant de s'engouffrer à nouveau dans la spirale bestiale de ce duel à mort entre démons. L'adversaire meurtri par les coups précédents n'abdiquerait jamais, aussi la transe du dragon restait quasi inévitable pour en venir à bout avant que Ryû ne tombe. Les yeux du chef de guerre voyaient tout. Dans cette transe infernale, le temps se courbe, et laisse au dragon tout le temps nécessaire pour analyser les différents points faibles de ses adversaires. Cette transe reflétait tout, et créait par instinct un lien pur et animal entre eux. Yonbi no Saru, tel était le nom donné à ce général, ce gorille roux, cet enfant du démon. L'aura du Dragon de guerre criait "Je suis ta mort!" alors que ses griffes déchiquetaient à présent le torse du géant, se rapprochant toujours d'avantage de sa gueule.

Pour un spectateur, il devait s'agir d'un duel tout bonnement incroyable, dépassant de loin les possibilités de l'humain. Un combat de bêtes, ni plus ni moins, ou tous tranchaient, cognaient, et contre attaquaient à une vitesse folle. A dire vrai, ni Teruo ni le gorille n'avait véritablement l'avantage, et la victoire s'assurait à mesure des mouvements du Seigneur Dragon. Déjà redoutable, la force du chef de guerre Ryuuji s'avérait inégalable lorsque son ami de toujours lui accordait son soutien. Et si Teruo agissait presque comme une bête avant d'user du Ryo no Tsume, les prouesses d'agilités dont il faisait preuve à l'instant auraient été impossibles tantôt. Ni homme ni dragon, se perdant dans les flots d’hémoglobine, ce paresseux de toujours se muait à présent en terreur de guerre, esquivant chaque lent mouvement de son adversaire et lui arrachant toujours quelque chose au passage.

Il lança un de ses sabres, tel un javelot, sur la cuisse gauche de Yonbi no Saru, avant de rouler sur le côté, évitant ainsi le coup de paume du géant, écrasant sa main contre le sable et la poussière. Sans même y penser, guidé par son instinct, Teruo grimpa une nouvelle fois le bras du géant, sautant à quelques reprises pour éviter la chute, et, de toute la force possible dans sa position, enfonça sa lame jusqu'à la garde au beau milieu de la dernière pupille du gorille. Depuis peu borgne, maintenant aveugle, ce fut uniquement grâce à la pulsion de sa colère que Yonbi réussit finalement à frapper Teruo de plein fouet, du creux de sa main, l'écrasant après une longue chute à même le sol. Le chef de guerre, n'ayant pu se protéger dans les airs, mordait à présent la poussière, quittant cet état de transe peu après l'impact. S'il y a bien quelque chose de plus dangereux qu'un Ryuuji usant du Ryo no Tsume, c'est bien un membre du clan n'ayant pu quitter cette transe au moment opportun. Laissant de côté toute humanité, il ne sera alors qu'une bête particulièrement agile et puissante dénuée de toute conscience. N'approchant ni de l'homme ni du dragon, cette créature serait réduite à tout détruire sur son passage jusqu'à manquer de tout, si personne ne peut la tuer. Pour l'honneur de son seigneur, Teruo délaissa ses griffes et son instinct, quitte à subir d'avantage de dégâts, plutôt que de souiller le clan d'un nouvel échec face aux étoiles.

Yonbi no Saru, après ce dernier geste lui ayant coûté tant d'efforts, fut balayé par la douleur et s'effondra dos au sol. Les deux adversaires au sol, ne restait plus que le seigneur dragon encore debout, qui ne raterait aucunement une occasion comme celle ci. C'est avec l'image de son seigneur et de son sourire stupide que le chef de guerre fermait les yeux, s'effondrant dans des ténèbres bien trop accueillantes ...