La veille, il y avait une météo des plus maussades. Aujourd'hui, le temps était frais mais la nuit était des plus noires. Le ciel était tapis de centaines d'étoiles, les environs étaient encore éclairés par le très peu de lanternes au dehors. Il n'y avait plus un chat, tout le monde avait fait son business en cette journée mouvementée. Et en cette nuit noire déjà bien entamée, l'on n'entendait pas même un grillon. Seulement... Quelques pas. C'étaient ceux de ce jeune homme, à la démarche confiante et déterminée dans cette allée souillée de milles et unes traces de pas de la veille. Il revêtait son éternel uniforme de samouraï à la solde du clan Ryuuji, ses cheveux étaient solidement attachés dans le but de ne point obstruer sa vue, qui plus est qu'il lui fallait un maximum d'acuité dans ces ténèbres. Une autre ficelle longeait soigneusement ses dessous de bras de sorte à serrer son revêtement et ainsi lui permettre des manœuvres plus efficaces. Il serrait dans sa main droite une réplique de bois presque parfaite de son sabre, quoiqu'un peu plus légère. Et, enfin, il scrutait les environs de son regard jaunâtre perçant, tel un félin à la recherche de sa proie. Même si les rôles risqueraient grandement de s'inverser...

Enfin, il se tenait là, l'air déterminé, comme dans un état second, une espèce de transe guerrière. Ce tournoi lui montait-il déjà à la tête ? Ou bien serait-ce dû la forte adrénaline mêlée à la pincée d'intimidation qu'il ressentait à l'idée de voir son adversaire percer dans la nuit noire ? Il avait après tout affaire à un chef de guerre, et malgré les entraînements intensifs avec Reiya-dono qu'il avait entrepris, son adversaire, qu'il avait salué la veille, avait presque l'aura et la dégaine de son propre maître. L'affronter ne serait donc pas une partie de plaisir. Tout en y pensant, il avait cet instinct qu'il se trouvait lui aussi non loin, avançant en direction inverse de sorte à rencontrer le samouraï. Shiro se mit dès lors à trotter, prenant son hardeur de guerrier à deux mains, augmentant progressivement sa vitesse. Très vite on aurait dit une souris qui galopait en direction d'un objectif qui devint de plus en plus clair. Dans sa course, il laissait derrière-lui des sons lourds ; sa détente frappait durement le sol pour prévenir de son arrivée.

La silhouette de son adversaire devint de plus en plus nette, ainsi il prit une pointe de vitesse, s'armant de son Boken qu'il tenait fermement de ses deux mains désormais. La distance qui le séparait de son adversaire se réduisait dangereusement, il voulait à tout pris l'empêcher de réfléchir à cette première charge offensive. Il commençait à brandir son épée comme pour le prévenir d'un coup sans retenue en direction de sa clavicule gauche mais, au dernier moment, plantant son regard dans celui de son adversaire pour toujours le divertir, il feint de glisser, laissant son hara expulser un cri de guerrier dans l'espoir de surprendre toujours plus l'adversaire et espérer gagner ainsi quelques millisecondes, dirigeant finalement son pied gauche en direction de son tibia pour le tacler...

Le coup était bien placé. Très bien placé même. C'en était digne d'un des meilleurs samouraïs de Ryuuji qui privilégiait la souplesse et la dextérité à la force pure et dure. Mais sans attendre la chute imminente du chef de guerre Saruha, le samouraï au clan du dragon ponta sur le sol qu'il éraflait pour se remettre debout d'aplomb, s'acroupissant, prenant élant et bondissant en arrière, tendant ses bras sur le sol, s'élançant pour ensuite atterrir de nouveau sur les pieds et, dans son élan, bondir toujours plus fort. Afin de se retrouver en position de sorte à chevaucher l'adversaire, Shiro exécuta une vrille et atterrit non tendrement sur le dos de Natsumero, se saisissant de son bras droit pour le désarmer et l'encercler par quelque technique difficilement percevable dans cette nuit noire, forçant légèrement sur le coude et exerçant une pression sur le poignet tout aussi bien. Une clef de bras, dont le chef de guerre pourrait se défaire de force. A moins que..

« Abandonnez. » lança soudainement Uroko, d'un ton ferme, le fixant d'un regard assuré, laissant s'illuminer dans les ténèbres comme deux petites citrines.