Le soleil se levait lentement sur le royaume du bélier, rien en cette douce matinée ne semblait présager un quelconque changement dans l'habituelle routine qui s'emparait de la ville jour après jour.
La lumière filtrait délicatement à travers le papier washi des shoji délimitant le temple.
La lourde cloche sonna, annonçant de sa note monocorde et profonde le levé du jour.
Prêtres et prêtresse s'activaient en tout sens.
Dans une des ailes adjacentes du bâtiment, Hisae la grande prêtresse se préparait avec l'aide de quelques religieuses.
La jeune femme songeait au programme peu enthousiasmant qui l'attendait en fixant son reflet dans le miroir : un baptême, des prières, un sermon, des prières, ainsi qu'une réunion concernant le problème des Rokurokubi qui erraient dans la région...
Cette dernière "tâche" était de loin ce qui l'intéressait le plus.
Une des prêtresse s'avança alors vers la jeune femme pour lui présenter la tenue du jour pendant qu'une autre s'occupait de coiffer sa sombre chevelure.
Hisae ne pu s'empêcher de faire la mine lorsqu'elle aperçu l'accoutrement du coin de l'oeil.
Ca brillait et tintait de partout et à tout les coup cela s'avérerait fort inconfortable.
Elle préférait de loin l’ample tenue de ses consoeurs.
°Allons bon, ce n’est pas si terrible° pensa-t-elle avec un léger sourire amusé, tendis que les trois prêtresses entreprenait de l’aider à enfiler son «costume» qui -il fallait bien l’avouer- pesait son poids.
Elle renâcla lorsqu’une des religieuse serra la ceinture plus que de raison. Certes la mode était aux tailles fines mais tout de même.
Ravalant sa grimace, elle se mit soudainement à s’intéresser a un des coins du plafond, et inconsciemment elle se mit à prier, récitant dans sa tête les nombreux versets honorant Kasugami…non pour qu’il lui montre la sois disante «voie» comme le quémandait la majorité des lamento religieux, mais plutôt pour qu’il l’aide en cet instant à tromper l’ennui…
Chaque matin c’était la même rengaine, toutes ces fioritures était-elle réellement nécessaire ? pourquoi ?..y avait-il un seul écrit où le dieu mouton stipulait le port de telles tenues ? qui à été pour la première fois l’instigateur de cette mascarade clérical ? si les dieux savent tout de nous, à quoi bon se déguiser ?
La jeune femme ne pu réprimer un soupir appuyé, fermant les yeux quelques minutes afin de permettre à une des nombreuses mains s’activant autour de sa personne de laver et «maquiller» son visage.
Pour tout dire elle se sentait ridicule et peu crédible.
°Si Kasugami me voyait…° pensa-t-elle, un sourire irrépressible se dessinant sur son visage. Elle voulu se mordre la lèvre pour contenir son hilarité mais fut brusquement rappeler à l’ordre par la maquilleuse qui s’apprêtait justement à y apposer du rouge.
Pendant un fol instant, elle ne su ce qui la retint de s’emparer du pinceau pour se gribouiller des dents et une langue factice sur le visage et débarquer au baptême déguisée en Oni…peut-être le supposé regard de Kasugami…
°Le petit s’en serait souvenu toute sa vie° se dit-elle, amusée.
Soudain, quelques mots d’une des prêtresses – dont elle ne compris le sens que tardivement- la tira de sa rêverie. En effet elles venaient d’achever leur « œuvre ».
Ouvrant doucement les yeux, Hisae se découvrit dans le miroir…elle eut un petit rire contenu et saccadé, étrangement proche d’un «bêêêê» ovin suivit de près par une longue inspiration…et expiration.
Sa coiffure parsemée de breloque en tout genre était constitué des deux traditionnels chignons latéraux sensé évoqué les cornes du bélier…sa tenue constituée de plusieurs couches de tissus et d’entrelacement d’étoffe diverses alourdissait sa silhouette, gauchissant indéniablement son allure…
Son visage très légèrement fardé était…méconnaissable, en partie à cause de la coiffe peu élégante dont elle était affublée…ça avait sûrement un nom, mais elle l’avait oubliée.
°Non très chère je ne mémorise pas ce qui est laid moi !° se mit-elle alors à plaisanter en son fort intérieur.
Se retournant vers les trois femmes, elle leur adressa un petit sourire encourageant tout en hochant légèrement la tête, signe qu’il était temps d’y aller.
Les trois prêtresses s’inclinèrent brièvement, l’une d’elle passa devant afin d’ouvrir le chemin à la grande prêtresse, les deux autres suivaient.
Le quatuor remonta le large couloir en direction du temple. La religieuse de tête marchait relativement vite, et Hisae – qui se sentait aussi raide qu’un fagot de bambou ainsi accoutrée- peinait à soutenir son rythme.
Elle débouchèrent par un des murs latéraux du hall d’entrée, puis se dirigèrent vers la grande porte du temple ou Hisae se devait d'acceuillir la famille pour le baptême.
Tous se passa très bien, même trop bien, le bébé avait fait preuve d’un calme exemplaire, et ce fut régler en deux temps trois mouvements.
Puis vinrent les heures de prière…qui tenait plus de la sieste la concernant que d’un réel travail mentale. Hisae ne faisait que réciter les versets de remerciements afin de l’honorer comme il se doit et omettait souvent et en particulier de formuler ceux réclamant protection, fertilité et bonheur…
La jeune femme était intimement convaincu que Kasugami n’avait pas besoin qu’on lui répète trente six mille fois la même demande tous les jours, toutes les deux heures pendant deux heures pour agir…quoi que quand on savait ce que contenait son outre…
Le sermon passa lui aussi plus vite que prévu…les prières suivantes également.
Hisae en fut agréablement surprise.
Le problème des Rokurokubi ne pris guère plus de temps, si bien qu’a la fin elle fut presque étonnée de ne plus avoir rien à faire.
Certe, la raison aurait voulu qu’elle termine sa journée à prier mais la grande prêtresse ne l’entendit pas de cette oreille et après avoir bazardé sa tenue de cérémonie pour se vêtir d’un vêtement plus ample, elle quitta discrètement le temple.
Sortir, respirer la douce brise du soir, lever les yeux vers le ciel, se sentir libre.