Visite imprevue et indesirable (Yamada Yuji)

C'est un soleil radieux qui fait briller les Yari des soldats de Kobuta. Ils ne se comptent qu'en centaine et pourtant leur détermination pourrait remplir les abysses les plus profondes de l'océan ou dépasser les monts les plus élevés du pays d'Hinomoto. La majorité de ces jeunes hommes n'avaient pas assisté à l'éclosion du cerisier vingt fois, certain ne s'était surement jamais réveillé dans les bras d'une femme autre que leur mère, mais tous se tenaient fièrement devant le regard strict et juste de leur chef de guerre, Isamu Mori, simplement parce qu'il l'avait demandé.

Isamu avait ordonné ce rassemblement suite à sa dernière discussion avec le jeune seigneur, c'est vrai le jour où le sanglier se décidera de charger le tigre sera bientôt là, mais avant toute chose une revue d'effectif s'avérait nécessaire voir même vitale. Il ne fallait pas recommencer les mêmes erreurs du passé, il fallait éviter d'emprunter les mêmes sentiers tortueux qui ne menaient qu'à la défaite et au déshonneur.

Assit sur son destrier, le général observe attentivement le régiment defiler devant lui. Chaque section, chaque homme, rien ne semble échapper à son oeil de vétéran et apparemment le spectacle qu'il voit lui plait. Ce n'est pas que l'armée qui s'étend devant lui est la plus puissante qui ait jamais foulé le sol de Kobuta, non, si on comparait à celle qu'il avait connu dans sa jeunesse, celle la faisait pale figure. C'est juste qu'il avait l'impression d'être devant une forêt de jeune chêne, encore des arbrisseaux, mais qui demain deviendront solides et puissants, en tout cas assez résistant pour que les crocs avides de puissances du tigre se casse sur leur tronc.

Mais ce soleil ardent qui bénissait à sa manière les grandes manœuvres de l'armée de Kobutama, mettait à mal la résistance du chef de guerre. L'envie de se désaltérer dans l'ombre de sa tente se faisait de plus en plus pressante, l'assaillant comme un dard de frelon planté dans son épais épiderme, mais quel exemple serait-ce pour ses troupes si leur propre chef cédait à l'assaut d'un simple soleil, alors qu'il les exhortait à défier les plus redoutables démons. Point de répit même pour lui, sa souffrance sera celle de ses hommes et réciproquement, soudés devant l'adversité lui et ses hommes seront toujours victorieux.

Alors que le fier Isamu dictait quelques recommandations à un de ses capitaines, une estafette arborant l'emblème du tigre vint à sa hauteur. Un émissaire Toragi réclamait sa présence dans ses quartiers. Quel affront pour le vieux sanglier qui une fois que le message atteignit la lisière de ses oreilles, cravacha son destrier pour se rendre à sa tente. Une fois arrivé sur les lieux, il constata de visu que ses quartiers avaient été investis par des indésirables, car tout Toragi est un indésirable pour le borgne.

« Comment osez-vous, me déranger en pleine manœuvre ? » Hurla avec hargne le général, sans même prendre le temps de vérifier l'identité de son mystérieux visiteur.

Vous imaginez donc que le ton employé par le chef de guerre était tout sauf accueillant. Jamais jusqu'à ce jour un Toragi-excepté ceux qui avaient attenté à ses jours- avait mis les pieds de sa demeure et Isamu considérait cette tente de campagne comme un de ses domiciles. La colère du vieillard était visible et les deux servantes qui se trouvaient à cet instant dans la pièce tremblaient de tous leurs membres et qu'en était-il de notre mystérieux visiteur ?

Encore un cas de disparition suspecte de soldats toragi à Kobuta. Cela faisait maintenant un moment que le général de Tora voulait se rendre dans cette ville et il avait maintenant un prétexte pour le faire. Depuis leur indexation par le clan du tigre, les kobutama n'avaient jamais cessé de se battre et les effectifs de Tora se plaignaient d'une récente augmentation des altercations avec les habitants de la ville et d'une montée de la haine envers les gardes. Tous ces signes montraient qu'une révolte des sangliers étaient à envisager et pour Yuji ce n'était pas envisageable.

Yuji trouvait ici le prétexte qu'il attendait pour enfin se rendre dans la ville du sanglier. Cette situation était inacceptable et il devait rencontrer son homologue de Kobuta afin de dresser ces sangliers sauvages. Le général de Tora arriva donc dans la ville occupée avec la ferme intention de tuer toute rébellion avant qu'elle ne prenne de l'importance. Le tigre devait être ferme et sans pitié s'il voulait garder ses territoires conquis au prix de nombreux sacrifices.

A son arrivée à Kobuta, on annonça à Yuji que le général du clan se trouvait avec son armée. On conduisit le tigre jusqu'à la tente de ce dernier et il envoya ses hommes le chercher afin qu'ils aient une discussion sur la situation actuelle. Sur le chemin, Yuji avait pu voir que les toragi n'étaient pas très appréciés des habitants et de nombreux regards de haine s'étaient posés sur le général. Il avait l'habitude de se genre de réaction et tout cela l'amusait plus qu'autre chose. Voir les regards réprobateurs de ces hommes qui pourtant n'osaient rien faire face à la puissance de leur ennemi, tout cela était risible aux yeux du vieux tigre qui avait connu de nombreuses batailles.

Mais l'arrivée du général de Kobuta sorti Yuji de ses pensées. Visiblement il semblait hors de lui de savoir qu'un ennemi avait foulé le sol de sa tente. Il était rentré comme une furie et était offusqué d'avoir était dérangé en pleine manœuvre avec son armée, si on pouvait appeler cela une armée au vu des effectifs des sangliers. Mais peu importait aux yeux de Yuji qui dévisagea son interlocuteur. Il n'avait jamais rencontré cet homme et fut surpris de voir que comme lui, ce dernier avait connu de nombreux printemps sur cette terre.

Voyant comment le général kobutama parla à son supérieur, un soldat de la garde de Yuji s'emporta.

"Comment osez-vous parler ainsi au grand général Yamada!"

Cette remarque eu le don de mettre en colère Yuji. Il n'avait besoin de personne pour se défendre et il n'acceptait pas qu'un simple soldat manque de respect à un général qu'il soit ennemi ou non. Il avait suivi une éducation de pur militaire et la hiérarchie et le respect de ses aînés étaient les deux choses les plus importantes pour le général de Tora.

"Assez ! Veuillez-vous retirer soldat. Je m'entretiendrai avec le général seul."

Sur ce, les deux soldats toragi qui se trouvaient dans la tente sortirent immédiatement sans un mots. Ils savaient pertinemment qu'il ne fallait pas contester un ordre du général Yamada. Une fois le calme revenu, Yuji put entamer la discussion qui s'annonçait houleuse vu les circonstances.

"Je crois que je n'ai plus besoin de me présenter maintenant. Et je pense aussi que vous savez pourquoi je me trouve ici. La situation dans cette ville est inacceptable et les affronts portés à mes soldats sont autant d'attaques que je prends personnellement."

Yuji n'avait pas tourné autour du pot, comprenant rapidement que cela ne servait à rien face à son interlocuteur. Il marqua ensuite une pose avant de reprendre tout en restant calme.

"Récemment, deux de mes hommes ont disparu et sachez que le tigre n'est pas dupe. Si les kobutama veulent se rebeller, qu'ils aient au moins l'honneur et le respect de le faire de front et pas en cachette comme je vous soupçonne de le faire. Sachez qu'une enquête a été ouverte et que les responsables me seront directement envoyés afin qu'ils subissent une punition exemplaire et qu'ils servent d'exemples aux yeux de vos compatriotes."

Le ton du général commençait à monter, il voulait faire comprendre au sanglier qu'il ne fallait pas prendre les toragi pour des plaisantins et que quiconque oserait porter la main sur un des hommes du tigre en subirait les conséquences.

Il ne fallait pas grand-chose pour que l'insolent qui avait osé l'apostropher se retrouve sans tête, le regard meurtrier s'était abattu sur le jeune soldat zélé comme la peste sur le monde, tandis que la main massive du général caressait déjà les fines décorations de la Tsuka de son Katana. On allait bien assister à l'exécution arbitraire d'un soldat qui n'avait cru faire que ce qu'il jugeait juste pour défendre l'honneur son chef, mais qui hélas, avait eu la bêtise de s'adresser à un vieux sanglier acariâtre. Le respect ! Ce mot avait beaucoup d'importance pour le fier Isamu, le respect de ses amis, de sa famille et plus important celui de ses ennemis. Heureusement que la voix autoritaire du général Toragi se fit entendre et comme une averse d'été sur la flamme dansante d'une torche éteignit momentanément la colère du chef de guerre.

Une fois les auditeurs inutiles sortis, Isamu put se concentrer sur les diatribes de son homologue. Au départ il avait du mal à croire qu'un homme de son rang se déplace que pour enquêter sur la disparition de deux soldats, mais cela devint plus claire quand Yamada fit allusion à une prétendue révolte. En y réfléchissant bien Isamu aurait peut-être réagi aussi de la même manière, mais il ne pouvait pas laisser le tigre rugir ainsi sans répliquer par deux bons coup de défense.

« Mais vous vous prenez pour qui a me parler sur ce ton, désirez-vous tant que cela rejoindre vos ancêtres ? »

Une envie de tuer le démangeait, tuer cet arrogant général qui personnifiait à lui tout seul, l'infâme déshonneur qui comme une tâche d'encre salissait son nom. Cette défaite d'il y a trente ans était toujours présente et chaque souffle de l'homme en face de lui était comme la pointe d'une lance qu'on lui enfonçait dans les côtes. A cet instant le vieux sanglier pensait juste à dégainer son sabre et laver ensuite son honneur dans le sang, mais cela serait préjudiciable pour son seigneur et pour son clan, une chance que le poids des années lestait un peu plus ses intentions belliqueuses et les empêchait de prendre leur envol. Sa rage meurtrière domptée, il prit une petite inspiration et ajouta :

« Vous avez fait tout ce voyage pour enquêter sur la disparition de vos soldats ? Je vois que vous avez du temps à perdre !»

Isamu nargua le chef de guerre Toragi d'un sourire hautain, alors qu'il se dirigeait vers une petite table posée au centre de la tente.

«Je vous conseille de fouiller les bordels de la région, vous trouverez surement ces deux déserteurs saouls et puants la vomissure, en train de ternir le peu d'honneur qu'il reste a votre bannière dans les bras d'une putain. »

En fait les deux pauvres soldats avaient été écartelés et leurs restes devaient surement servir d'engrais pour les prochaines semailles. Le général aura beau chercher, il ne trouvera personne pour lui révéler le secret qui se cache derrière cette disparition. De plus la thèse des soldats en maraude était une alternative viable à la théorie de la révolte.

« Maintenant quand on accuse, on avance des preuves ! De quels droits accusez-vous mon peuple de trahison, un samouraï de votre rang doit savoir ce qu'il encourt s'il prononce de fausses incriminations. »

Isamu défia un instant le général de son regard courroucé avant de lancer le dernier coup d'estoc.

« A moins que vous ne soyez aussi dépravé que les hommes que vous commandez. »

L'arrogance du général Kobutama eut raison du calme relatif de Yuji. Jamais personne n'avait osé lui parler sur ce ton. En faisant cela, le général Mori provoqua la colère du démon de foudre. Ce général osait salir le nom des Toragi et de leur seigneur. Et ce qu'il y avait de pire encore aux yeux de Yuji, il crachait son venin sur les soldats du clan, sur ses soldats qu'il connaissait et savait respectueux. Yuji ne pouvait le laisser faire ainsi. Il devait défendre l'honneur des siens

"Comment osez-vous traiter de la sorte mes soldats. Je les connais, et jamais ils ne sortiraient de la voie du bushido que je leur enseigne. Et puis s'il ne sont que de simples ivrognes irrespectueux, comment ce fait il que votre clan soit sous notre domination? Insinuez-vous que vos hommes soient si faibles que ça?"

Après ce qu'avait dit son interlocuteur sur ses hommes et son clan, le général Toragi voulait blesser le vieux sanglier dans son amour propre. Maintenant il n'était aucunement question de respect entre les deux hommes. Il n'y avait dans cette tente plus que deux ennemis face à face.

"D'ailleurs je n'ai besoin d'aucune preuve pour dénoncer les vôtres. Je suis ici chez moi, cette ville est sous notre domination et ce n'est pas une armée de sangliers farouches qui pourrait faire vaciller la force et le courage du tigre."

Si Yuji était venu ici, c'était aussi pour mettre les choses au clair et montrer que le clan Toragi n'était pas prêt d'abandonner cette ville. Il voulait asseoir son autorité sur ce général fougueux et montrer à toute cette ville et ses habitants qu'il n'y avait rien à faire face à la puissance du tigre sinon se prosterner.
Le teint de Yuji commençait à se marier aux couleurs vives de son uniforme militaire. Le général ne se calmait pas et il en rajouta une couche tout en s'approchant de son interlocuteur comme s'il voulait impressionner ce dernier.

"Vous pensez peut être que je ne vois pas votre petit jeu, jamais cette ville ne retrouvera son indépendance. Je compte bien faire respecter l'ordre ici et vous ne pourrez rien faire contre cela. Si les disparitions de mes soldats continues, je ferai doubler l'effectif des troupes Toragi sur votre territoire."

Le général marqua une pose afin de faire comprendre au général Kobutama qu'il était des plus sérieux, avant de reprendre:

"Les rebelles seront traqués et ils n'auront aucun instant de répit, aucun coin d'ombre où se cacher du grand tigre. Mes soldats vous mèneront la vie dure pour ramener le calme dans cette ville et ils feront régner l'ordre par la force si cela est nécessaire."

Pendant un bref instant, Isamu céda à la hargne. Sa main avait finalement attrapé le manche de son sabre et la lame d'acier avait fendu l'air. Le général agissait instinctivement, lui-même spectateur de son geste, il était comme envouté, sous l'emprise des caprices d'une quelconque entité guerrière. Comme dans un rêve il voyait la lame de métal fendre en un éclair argenté fendre l'air, la chair et l'os, afin de voler la vie de ce général qui parlait d'événement qu'il n'avait même pas connu, mais heureusement ce n'était qu'une pensée assassine, espérons juste qu'il ne s'agissait pas de préscience. Comment osait-il insulter la mémoire de tous ces fiers guerriers tombés vaillamment en défendant leur patrie contre un immonde agresseur, comment osait-il se moquer d'un vétéran, comment osait-il évoquer le code sacré du bushido. S'en était trop, mais une fois de plus, le chef de guerre parvint à garder son sang froid, mais son capital patience avait été fortement entamé.

« Regardez cette lame. »

Le vieux sanglier pointa son Katana en direction du tigre et continua.

« Ce sabre a baigné dans le sang de vos soldats, que dis-je de vos grognards il y a trente-deux ans, ne parlez pas de choses que vous ignorez gamin ! »

Isamu voulait d'abord laver l'affront que cet homme avait fait à ses défunts amis tombés au champ d'honneur, durant la première campagne du tigre contre Kobutama. En principe cela aura dû être fait à l'ancienne, comprenez par là, par un duel d'homme à homme, mais politique oblige, c'est avec le cinglant de ses paroles qu'il devra faire ravaler son amour propre à ce général. Le mot « gamin », n'était pas dénoué de sens, ici, Yamada, ne devait être qu'un enfant quand les hordes de Toragi s'étaient abattus sur le clan Kobutama, comme une nuée de sauterelle sur un champ.

« J'ai vu, avec quelle fourberie votre seigneur a attaqué notre peuple, pillant nos fermes, tuant nos enfants, violant nos femmes. Il n'y avait aucune once du code du Bushido dans ses soldats, ce n'était pas le cas il y a trente années et ce ne l'est toujours pas aujourd'hui, pour preuve vous débarquez chez moi, sans crier garde et vous accusez mon peuple à tord avec votre répugnante arrogance ! »

Après avoir craché ses derniers mots, le chef de guerre planta son sabre dans le sol et toujours en défiant du regard son interlocuteur, Isamu écarta les deux pans de son Kimono et exposa son torse lézardé de cicatrices et d'autres estafilades.

« Vous voyez j'ai survécu à toutes ses blessures et aussi vrai que je respire, je peux vous garantir que tant que vivra un natif du clan Kobutama, vous ne serez jamais chez vous ici. Je vous mets en garde si un de vos hommes manque de respect à un citoyen de Kobuta, il en répondra devant moi, ICI C'EST CHEZ NOUS ! »

Les derniers mots avaient été hurlés si fort qu'on aurait pu l'entendre de l'extérieur de la tente, peut-être était-ce le cas, il lui semblait percevoir des échos d'une dispute à l'extérieur de son abri. Restait juste à savoir comment le général tigre allait réagir à cette énième provocation.

Pour le le général Toragi, c'en était trop. Son homologue de Kobuta était allé trop loin. Il s'en prenait maintenant à son seigneur, insinuant qu'il avait usé de fourberie pour vaincre Kobutama. Certes Yuji n'avait pas participé à cette guerre mais il en connaissait, comme tout le monde, le résultat probant. Le clan Toragi avait fait plier le gouvernement de Kobuta et son seigneur, couvert de honte n'avait eu d'autre solution que de s'ôter la vie.

Les différentes tentatives d'intimidation du sanglier ne marchèrent pas sur Yuji. Il comprenait très bien où voulait en venir le général Kobutama, il avait montré ses cicatrices et son katana comme des trophées de guerre acquis contre le peuple du général Yamada. Pour cela Yuji dû admettre que le vieux sanglier savait de quoi il parlait. Mais ce que le général Toragi n'encaissa pas, ce fut l'insulte proféré à son nom. Le chef de guerre de Kobuta avait osé traiter le tigre de "gamin".

Le poing serré comme s'il était prêt à s'en servir contre le vieux sanglier, il lança:

"Comment osez-vous proférer de telles insultes envers mon peuple et envers ma personne ! Gamin ?... C'est comme ça que vous appelait le Démon de Foudre, celui qui a réussi à faire plier le clan Usagite ? Sachez que j'ai moi aussi de l'expérience sur le champs de bataille."

Un léger sourire moqueur se dessina alors sur son visage, avant qu'il ne reprenne:

"Je serais d'ailleurs ravi de vous faire voir ce que peut faire un gamin face à un général rouillé par les années d’inactivités."

Dehors la situation devenait tendue. Les deux généraux pouvaient entendre des disputes éclater entre les soldats des deux clans, à l'instar de leurs deux chefs. Finalement, cette visite allait tourner à l'incident diplomatique si la discussion s'envenimait plus, ce qui n'était bon pour aucun des deux clans. Alors Yuji utilisa la menace pour tenter de calmer et faire taire le général Kobutama.

"Ne jouez pas trop avec ma patience sanglier ! Nous avons la puissance nécessaire pour écraser votre armée de pacotille. Alors ne provoquait pas les soldats de Tora, ou vous pourriez bien le regretter rapidement. Le tigre n'est jamais plus fort que lorsqu'il est en colère."

Avec cette attaque, le général du tigre voulait montrer que Tora avait les moyens de calmer les ambitions du chef de guerre Kobutama. Ainsi il espérait reprendre le dessus sur la situation.

Est-ce que ses oreilles avaient-elle bien perçu le feulement du jeune tigre ? Serait-ce une sorte de ruse déguisée ou alors un vrai défi adressé à un fier guerrier ? Isamu avait beau avoir la cinquantaine, ce n'est pas pour autant qu'il se considérait comme rouillé, au contraire il était solide comme une lame de Katana qu'on aurait aiguisée durant de longue années pour accomplir une unique tâche, trancher la tête du tigre qui plantait sans vergogne ses crocs dans sa si belle contrée. Yamada aurait une désagréable surprise s'il venait à croiser le fer avec lui, car la joute verbale semblait s'orienter vers cette conclusion funèbre. Chaque parole, chaque mot était comme un pas supplémentaire les rapprochant de l'issue fatale.

« Prenez garde à ce que vos vœux ne se réalise pas, vous pourrez le regretter amèrement, tout comme vos hommes. »

Isamu délogea son sabre du sol et rangea la lame dans son fourreau. Il ne fallait pas voir cela comme une reddition, bien au contraire, le général se tenait prêt à affronter en duel son opposant, qui avait eu le mérite de réveiller ses instincts les plus primaires.

« Vous autre Toragi croyez que tout ce résume par la force, vous semez le feu partout sur votre passage, dévastez les territoires pour assouvir votre ambition sans limite, mais cela s'arrêtera bientôt. »

Le général marqua une pause, avant de lancer un rire moqueur à l'encontre de son vis-à-vis. La remarque sur la férocité du tigre courroucé l'avait un peu amusé, mais il y avait plus dangereux que félin à l'affut : un sanglier acculé pouvait faire bien plus de dégâts.

« Vous n'effrayez personne ici, bien au contraire, vous m'amusez, car plus fort vous planterez vos crocs dans la peau du sanglier et plus ses coups de défense seront puissants et perforants, rentrez chez vous fondez une famille et laissez le peuple de Kobuta en paix.C'est le mieux à faire pour tout le monde. »

Ces avertissements étaient surement les seuls conseils avisés qu'Isamu pouvait donner au chef de guerre Toragi. Que les tigres laissent les sangliers en paix, la liberté voilà tout ce que réclamait le peuple de Kobuta, mais hélas la politique expansionniste de Tora personnalisée par le général Yamada ne le permettra pas, aussi le coeur de chaque membre du clan Kobutama avait commencé à battre au rythme des tambours de guerre. Kobuta était semblable à une jarre pleine d'huile lampante, il suffirait que d'une étincelle pour que toute la cité s'enflamme et le tigre semblait l'avoir emmené avec lui coincé entre ses griffes.

L'insoumis désigna avec insolence la sortie de sa tente, pour bien signifier à son interlocuteur que sa présence n'était plus désirée, ou plutôt n'avait jamais été désirée. La haine qu'éprouvait Isamu pour les Toragi était désormais bien visible, mais cela n'était finalement qu'un secret de polichinelle, le vieux sanglier avait toujours été un opposant à l'occupation.

Dehors les clameurs ne s'étaient pas calmées, pire elle semblait grossir et le doux chant du métal qui s'entrechoquait vint accompagner cette dispute. Etait-ce le prélude d'une rixe entre les soldats des deux camps ?

Après avoir écouté le général Kobutama, Yuji ne répondit pas. Il avait dit ce qu’il avait à dire et il ne voulait plus perdre de temps avec son consort insolent. Quand ce dernier lui montra la sortie, le général Toragi s’exécuta et avant de sortir de la tente, il dit ces derniers mots avec le sourire :

« Ne soyez pas trop pressé de défier le tigre, général. Votre sort sera réglé bien assez tôt. »

Après une pause, il reprit :

« Surveillez vos hommes général, si vous ne voulez plus me voir fouler votre sol. Ce qui à mon humble avis serait le mieux pour tout le monde.»

Yuji sorti de la tente du général Mori la tête haute comme dernier signe de défi au vieux sanglier. Dehors, il put voir que des escarmouches avaient éclatées entre les soldats des deux camps. Visiblement la situation était vraiment tendue entre les deux peuples et les soldats, comme leurs généraux, n’avaient pas hésités à montrer qui était le chef en ce lieu. Cette visite était loin d’avoir pour but de déclencher une nouvelle guerre entre les deux clans et le général se hâta de rappeler à l’ordre ses hommes.

« ASSEZ ! Nous repartons pour Tora sur le champ ! »

Ses hommes obéirent sur le champ et abandonnèrent les combats contre les soldats Kobutama. La haine entre les deux camps étaient à son sommet et les soldats Toragi qui restaient à Kobuta auraient du mal à faire régner l'ordre dans cette ville de sauvages. Décidément l'occupation du clan Kobutama n'était pas de tout repos pour les hommes du tigre et sûrement Yuji aurait besoin d'augmenter les effectifs ici pour éviter que des disparitions de soldats soient à nouveau à déplorer.

En venant ici, Yuji savait à quoi s’attendre mais la discussion avait été plus qu’houleuse et au final, aucun des deux camps n’étaient plus avancé. La seule chose qu’avait fait progresser cette rencontre fut la haine entre les deux clans. Si la guerre venait à se déclencher à nouveau entre Kobuta et Tora, Yuji se ferait une joie d’affronter en duel le vieux sanglier et lui montrer que le tigre ne s’était pas affaibli depuis sa prise de pouvoir.

HRP: Désolé pour le post, plus trop d'inspi pour les répliques assassines^^

Le tigre s'enfuyait ? Non ce n'était pas une retraite, il reculait juste pour prendre plus d'élan afin que sa prochaine charge soit plus dévastatrice et ravageuse. Oh que oui, les dernières paroles du général Toragi n'étaient pas restées sans effets, il ne s'agissait pas de menaces, mais d'une promesse. Etant donné le caractère et la forte de personnalité des protagonistes, il y avait fort à parier que les deux hommes se croisent de nouveaux et cette fois pour échanger autre chose que des paroles assassines. Au moins cette rencontre imprévue avait permis à Isamu de mettre un visage et un nom sur une des nombreuses menaces à la libération de Kobutama.

Cet homme, ce Yuji Yamada, fera tout pour empêcher les natifs du sanglier, de vivre en homme libre et de ce fait devra être anéanti, la question qu'il reste à savoir c'est comment, une entrevue avec le jeune seigneur Nasaï s'imposait. Le regard fier du vieux sanglier qui suivait la sortie du général masquait son inquiétude au sujet d'un prochain conflit, ses hommes n'étaient pas encore prêt a affronter des fauves enragés, ils n'avaient pas l'expérience du combat et leurs équipements étaient déplorables.

Suivant les pas rageurs du général Yamada, Isamu sortit de sa tente et calma de sa voix énergique et autoritaire ses hommes qui querellaient avec l'escorte Toragi.

« Vous là, vous me faites honte, cessez ces enfantillages et comportez-vous en soldats ! Vous déshonorez votre uniforme ! »

Le moment n'était pas encore à la guerre, que ses jeunes sangliers aiguisent d'abord leurs défenses avant d'aller embrocher du tigre. Chaque chose en son temps, d'abord la préparation, un de ses aides de camps se tenait à ses côtés, ce fut le premier à oser prendre la parole.

« Mon général que s'est-il passé ? »

Isamu ne répondit pas de suite, il observait stoïquement le nuage de poussière crée par les sabots des montures rapides du groupe du général ennemi s'éloigner, tel un marin qui observerait un nuage tempétueux dévier de son cap. Après une longue minute de silence, le général remua finalement des lèvres pour murmurer une phrase à peine audible.

« Ils reviendront et encore plus affamés »

Puis il ordonna à haute voix

« Je veux qu'on convoque tous mes capitaines séance tenante, les manœuvres sont ajournées, les soldats ont deux jours de quartier libre. Qu'ils en profitent tant qu'ils sont vivants. »

C'était un peu précipité, mais Isamu voulait s'entretenir avec tous ses officiers avant de demander audience à son seigneur. Cette dispute n'avait fait qu'attiser la flamme patriotique, elle lui avait rappelé qu'à Kobuta, il n'y avait qu'une façon de vivre : en liberté. Un fauve ne peut garder captif un sanglier assoiffé de liberté.

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