Terayama… Courbes triomphantes et infinies lacérant la voûte de Tsukuyomi, volutes butinantes, se délinéant en une citadelle de nitescence que maternaient les chétives étoiles en leurs froissements de soie. Les étincelles ternies et froidies valsaient en une mièvre tarentelle ensablée, chahutée par une risée toute aussi maussade. Une lande de merveilles, c’est la vision lunaire qu’éployait le temple sous les prunelles hasardeuses de visiteurs importuns bien que ces derniers fussent rarissimes. En ses flancs maternels, l’édifiante palisse cajolait un bien insolite phénomène. Au fil des corridors marmoréens, lacis noirâtre et infiniment moiré, se peignaient d’incertaines volutes.

Les foulées nonchalantes de l'homme se développaient tels les prémices à un nouvel acte de son existence, éternelle passe jubilatoire pour le bushidô qui, une ultime fois, se remémora un dicton qui l’amenait à s’exiler pour quelques heures en ce lieu. Déambulant de sa démarche ingambe, Saotome Iiori s’avançait vers l'extérieur du temple. Les étoffes anthracites s’épanouissaient au gré des pas, laissant transparaître sa silhouette nonchalante et quelque peu imbibée. Les enceintes du Temple s’éloignaient peu à peu, dévoilant un vaste jardin quasi désertique sous les pieds du partant vers le clément auspice. Disposant d’une prédominance pour la verdure, le maître avançait vers un recoin dans lequel il pourrait se plonger dans ses pensées sans que quiconque ne puisse s’en apercevoir. Ainsi, une fois qu’il parvint à trouver l’isolement propice, près du petit fleuve qui parcourait l'endroit. Il s'appuya à un arbre, avant de s'asseoir.

Se réverbérant sur les ondulations frénétiques de l’onde aqueuse, l’astre nocturne propageait son éparse phosphorescence sur l'herbe verdoyante. Indécelable pour l’œil traditionnel humain, Iiori venait de fouler de ses pas légers ce paysage. Une mine de recueillement naquit sur son faciès. Hélas le temps de commémoration ne peut devenir une éternité et l'atmosphère ambiant traduisait cet état, un aura similaire à une mélodie imbibait l'atmosphère. Ce fut comme si l’air se scindait, se crénelait trivialement et qu’un fusain grossier déchiraient la réalité, afin qu’une brèche daigne s’éluder timidement. La brisure alors s’émut avec caprice, dodelinant telle une houle mollassonne pour enfin s’entrouvrir d’une lenteur presque hyperbolique. Béante escarre du réel, reflet aux nuances néantisées, l'obscur rideau ambiant ondulait à la venue d'un autre pèlerin, et en son sein s’érigeait une silhouette des plus troublantes.


« Aaah marmonna t-il. Cela fait bien longtemps que je n'avais pas ressenti une aura flamboyante d'un Ondorie. Approches gamin, trinquons à la nuit. »

Temple érigé entre les montagnes et les diverses chutes d'eau, Terayama était aussi le lieu de recueillement le plus proche pour le jeune chef de guerre. En plein milieu d'une mission de reconnaissance du terrain avoisinant le domaine Ondorie, Shin s'était aventuré de lui-même un peu plus loin que ce que son seigneur lui avait demandé. Simple mesure de précaution, s'était-il dit en laissant sa monture quadrupède l'emmenait en ce lieu de sérénité.
Sans même qu'il ne s'en rende compte, le jour était en train de s'affaisser pour laisser place une nouvelle fois à l'obscurité qui le succédait. Tayake prit alors pour décision de faire arrêter sa monture, ainsi que son escorte d'environ vingt hommes, au pied de la montagne où nichait Terayama. Ils y passeraient la nuit et repartiraient à l'aube pour Ondori. Tout ceci devenait d'une routine à présent !

Alors le jeune homme entreprit d'escalader le flanc de la montagne vers le temple. Quelques heures de recueillement à écouter les sutra des moines lui insuffleraient sûrement le bien-être et le courage de poursuivre sa voie. La nuit avait pointé le bout de son nez depuis un petit moment maintenant, quand Shin partit seul. Un des ses hommes lui avait pourtant suggérer de prendre avec lui quelques soldats de son escorte personnelle, mais Tayake répondit simplement qu'il emmènerait avec lui ses armes, et que de toute façon, il ne pensait pas être attaqué ce soir. Prémonition ou simple état d'esprit ?

Marchant d'un pas lent mais dans une démarche assuré, Shin emprunta le chemin étroit et pentu du temple. Ses deux lances dans le dos, son bandeau rouge virevoltant dans le vent, et même sa tenue vestimentaire entière, ne pouvait mentir sur son appartenance à la caste des guerriers. A un moment, il se demanda si les prêtres allaient le laisser entrer ainsi armé. Toutefois, rien que le fait d'arpenter le chemin en ce lieu insolite l'empli de spiritualité, voire même plus que s'il n'entrait dans l'enceinte même. Du moins, c'est ce qu'il pensa.

Et ce fut sur ce même chemin que Shin cru apercevoir une silhouette au bord du cours d'eau, adossée tranquillement au tronc d'un arbre. L'obscurité ambiante ne lui permit pas de distinguer son visage, mais les rayons lunaires éclairaient assez sa carrure pour dire qu'il s'agissait bien d'un homme. Un homme d'une allure relativement robuste pour un moine, d'ailleurs. Mais le jeune chef n'en prit pas compte immédiatement, et détourna à nouveau son attention sur la grande bâtisse. Le blanc des murs avait pris une couleur argentée sous la phosphorescence de la lune, tandis que les ténèbres teintaient le rouge des piliers et des poutres en un noir intense. L'eau s'écoulait juste à côté brillait, reflétant une multitude d'étoiles mouvantes, comme si elles étaient vivantes. Tayake soupira, fermant les yeux comme pour s'imprégner de cette vision enchanteresse à jamais dans sa mémoire. L'homme de tantôt l'interpella soudainement, ce qui surpris quelque peu notre soldat.

« Aaah marmonna t-il. Cela fait bien longtemps que je n'avais pas ressenti une aura flamboyante d'un Ondorie. Approches gamin, trinquons à la nuit. »

Shin leva un sourcil. Gamin ? Cela faisait bien des années que personne ne l'avait surnommé ainsi, et étonnement il s'en accommoda assez bien. Alors pour ne pas être irrespectueux envers un aîné, il s'approcha. A vrai dire, il y avait aussi un mystère entourant cet homme qui attirait la curiosité du jeune Ondorie à en savoir plus. Passant près de l'arbre dont le feuillage cachait en partie le visage de son interlocuteur, ils se retrouvèrent à un mètre l'un de l'autre. Shin restait debout, à essayer de distinguer plus clairement son faciès et d'estimer son âge. Lorsque le plus âgé des deux le remarqua, le plus jeune lui répondit enfin sur un ton léger :

Vous avez dû rencontrer beaucoup de mes compères pour reconnaitre ainsi ma nationalité. Puis il enchaina avec un air plus détaché, presque avec une gêne enfantine. En fait, je suis assez impressionné !

Il se sentait surtout stupide de ne pouvoir faire de même, à reconnaitre l'identité de celui avec qui il venait d'engager la conversation. Certes, Shin portait fièrement l'emblème des Ondorie, toutefois celui-ci se trouvait dans son dos, lui-même partiellement caché par la présence des deux lances croisées. Après tout, se dit le jeune chef de guerre, cet homme n'avait pas l'air d'en vouloir à sa vie, et ressemblait plus à un ancien soldat qu'à un dangereux adversaire. Toutefois, il sentait qu'il ne devait pas le sous-estimer.
Alors il accepta sa proposition en prenant place là où il se tenait debout. Prenant ses lances de son dos avec sa main gantée, il les posa près de lui en même temps qu'il s'assit. D'abord en tailleur, puis il releva sa jambe droite pour la laisser ainsi, le pied face au sol, tandis que son autre main prenait appui derrière lui pour faire contrepoids.

Je suis désolé, je n'ai en ma possession que de l'eau.