Hagi… Nord-Centre d’Hinomoto. C’est en ces lieux que j’ai été dépêchée par une missive. Ma mission ? Surveiller. Plus précisément du côté de Suigyuuku. Territoire ennemi en somme. Enfin, en temps que ninja, j’étais toute disposée à accomplir ce genre de tâche. Discrétion et efficacité, voilà ma devise ; j’avais tout de même pris soin de partir sur un cheval. Pour une fois, j’ai abandonné mes vêtements clairs et bariolés, je suis habillée dans des couleurs moins voyantes comme le brun-rougi. J’ai tout de même conservé mon inséparable chapeau rouge, avec ces quelques grelots. Je me suis couverte d’une cape noire… Ma fière cavale est quant à elle d’un blanc pur… C’est une jument, nommée Hana. J’ai bien évidemment choisi une jument endurante et solide, qui puisse parcourir de longues distances tout en étant chargée par des provisions€, bien que je puisse aisément en voler ou demander une quelconque hospitalité. Malgré tout, je prenais soin de faire des pauses pour que la belle Hana puisse se désaltérer et reprendre du poil de la bête ! Pendant ces pauses, je faisais ma toilette et je mangeais. J’essayais également de trouver des endroits dissimulés pour me reposer en paix. Fort heureusement, tout cela va bientôt être fini… J’esquisse un sourire en levant les yeux :

« Nous voici donc à Hagi… »

J’ai reconnu ces lieux grâce à la gigantesque étendue de terre qui s’étale devant moi. Il y a je ne sais combien de kilomètres de plaine, recouverte par des rizières importantes. Ici et là je pouvais distinguer quelques paysans s’affairer à leur travail. Au loin se dressent de nombreux arbres et des montagnes assez hautes. Le climat change d’à Ondorie, moi qui suis habituée au climat chaud de mon pays, j’avoue que celui d’Hagi me change… Malheureusement, je n’ai pas le temps de faire du tourisme. J’ai une mission à accomplir. Cependant, je vais m’accorder une petite pause. J’ai chaud et je commence à suer. Il doit y avoir des rivières et des cascades à proximité. J’excite les flancs saillants de Hana, la faisant hennir et monter immédiatement au galop. Nous longeons les rizières avec une vitesse folle, ne troublant pas les agriculteurs dans leur laveur. Je souris en admirant leur stoïcisme et leur courage, avant de reporter mon attention sur la trajectoire que nous empruntons. De bonnes minutes furent nécessaires pour que nous puissions enfin aborder un cours d’eau au milieu de quelques arbres. Hana ralentit, et je saute pour descendre de son encolure. La prenant par la bride, je la mène près de la petite rivière. Je la laisse boire. Pendant ce temps, je la décharge un peu. Soudain, mon ventre se met à grogner. La jument hennit comme pour se moquer et je rougis de surprise… J’ai faim. J’attrape quelque nourriture des paquets que porte Hana et je mange. Je m’étonne de mon appétit. La bouche pleine, je murmure pour moi-même :

« Par tous les kamis, qu’est-ce que j’ai chaud ! »

Je retire ma cape noire et mon chapeau, puis je desserre mon haut. Je retire la bande qui maintient ma poitrine opulente, puis mon pantalon. Enfin, j’enlève mon chapeau, et mes longs cheveux brun-roux tombent sur mes épaules, puis sur mon dos tatoué d’un aigle. Personne n’aurait deviné que j’y cache des armes, tout comme dans beaucoup d’autres endroits de mon corps… J’hésite un moment, puis je déclare, avec une résignation volontaire :

« Autant me laver ! »

J’enlève tous mes vêtements puis je m’immerge totalement dans l’eau froide… Pour moi qui ai le sang chaud, il n’y a rien de mieux que de s’y prélasser… Je pousse un soupir de satisfaction, avant de jeter un œil sur Hana. Je l’attrape par la bride, elle se penche vers moi, je la gratifie ainsi d’une caresse. Je murmure à son oreille :

« Tu es une brave bête… »

Je ris doucement, puis je décide de rester un peu dans l’eau… Je serai plus efficace par la suite… Je demeure toutefois sur mes gardes, prête à dégainer une arme ou à me battre au cas où une âme malveillante se trouverait dans les parages et oserait attaquer une ravissante jeune femme nue aux airs de geisha… Heureusement, actuellement, tout est calme et j'en profite, bien que j'ai ce pressentiment que je ne serai plus seule bien longtemps.

Mes sens sont en alerte. Mon rythme cardiaque s’est accéléré. Mes yeux parcourent les alentours, mes oreilles tentent de percevoir le moindre bruit… Lentement, je me tourne vers Hana, puis je lui fais quelques signes afin qu’elle s’approche, en silence. La jument m’obéit, puis j’attrape un des paquets qu’elle porte. J’en tire une petite bouteille verte. Je recrache mes longues aiguilles puis je les trempe dans ce discret récipient. Le liquide monte… C’est un somnifère que j’ai moi-même concocté, suivant une « recette » personnelle particulièrement efficace. Une fois mes aiguilles remplies, je les glisse de nouveau dans ma bouche, les avalant comme j’aurais avalé du riz. Je laisse ma monture se désaltérer ensuite, puis j’attends, dans l’eau. Mon instinct se trompe rarement… Je pense qu’il serait mieux pour moi de sortir de l’eau… J’en sors donc, puis je saisis ma cape noire, dans laquelle je m’enroule, avant de grimper dans un arbre. Je peux ainsi mieux guetter les alentours… Lorsque, tout à coup, du bruit. Je m’enfonce dans les feuillages, en équilibre sur les branches. L’ombre des feuilles me sert de cachette et masque ma peau. C’est alors que mes yeux malins observent l’éventuelle victime de mes œuvres… Quelle chance j’ai… Cet homme-là, il me semble qu’il appartient au clan des Suigyuuku que je dois espionner ! Un sourire carnassier apparaît sur mon visage tandis que je suis du regard ce mâle s’installer au pied d’un arbre. Je place mes mains sur ma bouche pour masquer les aiguilles que je régurgite afin d’éviter qu’elles ne brillent au soleil. Lorsque, tout à coup, je me dis : autant miser sur la subtilité. Et puis il est armé de deux sabres. Ne jamais sous-estimer son adversaire. Je décide de garder mes aiguilles prêtes à l’emploi, avant de descendre de l’arbre en sautant de branche en branche. Volontairement, je provoquai ma chute.

« AAAAAAAaaaah ! hurlais-je de toutes mes forces. »

La comédie est mon fort, et rien, à part mes bagages –et encore, ne pouvait mettre le doute sur mon statut d’assassin. Je retombe sur les fesses, m’éraflant au passage le bras et me choquant la main droite. J’ai tout de même veillé à ne pas trop m’amocher. Ma jument, surprise, hennit de peur et manque de faire tomber mes bagages. Je poursuis naturellement dans mon rôle, tentant de me relever en criant à l’encontre de ma jument :

« Hana, Hana ! Calme-toi ma belle ! »

En boitant –je me suis tout de même fait un peu mal, je me dirige vers ma monture, simplement enveloppée dans ma cape noire suffisamment grande pour masquer ma nudité parfaite, jetant au passage un regard furieux, apeuré et rempli de l’arme à ma future victime. Mais c’est que tu m’as fait peur, vilain ! semble-t-il lui dire. Je me dirige vers ma jument, la tenant fermement par la bride et la caressant en lui glissant des mots doux. Je jette de temps en temps des regards inquiets (dans le cadre de ma comédie) en direction de mon ennemi avant de lui crier à m’en époumoner :

« Vous m’avez fait peur ! Tout ce qui vient de passer est de votre faute ! Je voulais me baigner tranquillement et je vous ai entendu arriver. Je suis montée dans l’arbre et j’ai cru que vous alliez dégainer vos sabres pour me tuer ! Vous êtes un être mal intentionné, j’en suis sûre. »

Les larmes coulent sur mes joues et je poursuis :

« Si vous me tuez, on me retrouvera. Mes amis me savent partis et, s’ils n’ont pas de nouvelles de moi, ils se douteront que j’aurais été assassinée ! Je suis une jeune femme innocente et les Kamis vous puniront si vous vous attaquez à moi, qu’elle qu’en soit la façon ! »

Que du mensonge… Je n’ai ni amis, ni famille… Et plus très innocente non plus, quel qu’en soit le sens. Mon but est maintenant de tuer cet homme… Ma stratégie se consolide au fil du temps, et pour l’améliorer, j’ai besoin de voir quelle sera sa réaction.