De la neige tourbillonnait tout autour de lui, le vent était de plus en plus violent, de plus en plus glacial. Les flocons glacés avaient déjà pénétré la fourrure depuis quelques dizaines de minutes et il ne sentait presque plus ses doigts, pourtant protégés par d'épais gants. Le cavalier avait mit pied à terre une heure auparavant, ne supportant plus la morsure du vent, immobile sur sa monture. Depuis il la tenait par la bride sur le sentier montagneux, progressant lentement à cause des chutes de neige et du manque de visibilité. Il se rendait à Iriwaku, et il n'était plus très loin du petit monastère au pied de la dernière crête, où il pourrait dormir avant de reprendre l'ultime ascension pour le temple, à pied. Même s'il avait pu voir assez loin pour se repéré, il n'aurait certainement pas reconnu les lieux, cela devait faire près de douze ans qu'il n'avait plus emprunté ce sentier, tout avait tellement changé depuis...

Kidô était encore à Hitsujide quand il avait entendu par un client d'une auberge une histoire à propos d'un gamin roux de Nezumide qui aurait tenté de voler un cheval et qui se serai retrouvé précipité au fond d'un précipice avant d'être sauvé par le propriétaire de la bête en question. Sans qu'il ne puisse encore se l'expliquer il avait immédiatement pensé à Bankichi, son fils. Pendant ses dix années d'errance, il avait toujours essayer de collecter des nouvelles de son foyer, des nouvelles de sa femme et de son fils qu'il aimait tant. Remontant petit à petit la piste des divers détenteurs de cette histoire, passant d'un marchand à un autre, il avait bien vite abandonné cette façon de faire. Il avait alors contacté un de ceux chez qui il avait investi pendant son exil et lui avait demandé d'essayer de confirmer cette histoire. Finalement elle s'était avérée crédible et Kidô était immédiatement parti pour sa région natale. Bien qu'il n'avait aucune intention de pénétrer le territoire Nezumide, où il jetterai le déshonneur sur sa famille en étant reconnu, il avait décidé de rallier Iriwaku, d'où il pourrait peut-être entendre des nouvelles plus fraîches. Il pouvait toujours se faire passer pour un pèlerin et éviter de trop se montrer, et il lui suffisait de rester une simple journée au temple et de repartir aussitôt.

Mais dans son empressement, il avait oublié qu'atteindre Iriwaku en cette saison nécessitait la plus grande vigilance et il ne s'était pas méfié des nuages de mauvais temps. Il était désormais coincé dans cette tempête de neige, sans aucun abris. Le vent glacial mordait son visage et glaçait ses mains. Des cristaux de gel s'étaient déjà formés dans ses cheveux et son boucs, malgré l'épais châle qu'il portait et il peinait à mettre un pied devant l'autre tant ses orteils le brûlaient. Pourtant il ne pouvait qu'avancer. Il n'y avait aucun lieu pour s'abriter plus bas avant des kilomètres. Devant lui, le petit monastère de son souvenir ne devait plus être très loin, une vingtaine de minutes à peine... sans doute quatre fois plus par un temps comme celui-ci... Ses cils, alourdit de glace, faisaient peser un poids sur ses paupières et il se demanda l'espace d'un instant s'il ne ferait pas mieux de s'allonger quelques instants pour reprendre des forces. Mais au fond de lui il savait très bien qu'agir ainsi reviendrai à décider de mourir, et il n'avait pas vécu 10 ans dans la honte et l'ombre pour mourir à cause d'une tempête de neige, si près d'entendre des nouvelles de la famille qu'il avait abandonné...

Alors que sa main gauche refusait complètement de bouger, il crut apercevoir l'espace d'un instant une ouverture dans la parois quelques mètres plus haut. C'était sans doute une grotte, un endroit idéal pour s'abriter de la tempête et se réchauffer autour d'un feu. Cette simple pensée l'encouragea à avancer de plus belle, serrant d'avantage les dents à chaque pas dans l'infinie blancheur du blizzard. Quand il parvint finalement à l'intérieur, il s'empressa d'aller attacher son cheval à un anneau de métal fixé dans la roche pour les montures des voyageurs de passage. Il le débarrassa ensuite de son barda et sorti une brosse épaisse avant d'entreprendre d'ôter toute la glace de sa robe. Bien qu'étant à bout de force, Kidô se devait, comme tout bon cavalier, de s'occuper de sa monture avant tout. Si son hongre tombait malade et mourrait il ne serait plus rien qu'un épéiste moyen et un archer presque compétent. Mais loin de penser à cela, c'était d'avantage le respect envers son compagnon d'infortune qui lui dictait sa conduite. Une fois qu'il l'eut débarrassé de ses cristaux de glace, Kidô bouchonna sa monture et installa une couverture sur son dos. Ce fut à ce moment seulement qu'il chercha du regard de quoi faire un feu, tout en frottant ses mains engourdies par le froid.

Dans la grotte, de précédent pèlerins et voyageurs avaient laissé de quoi préparer un foyer pour deux nuits. L'ancien capitaine adressa une prière muette à ces illustres inconnues et se jura de rassembler du nouveau bois avant de partir pour que le prochain dans son cas se trouve aussi chanceux que lui. Une fois le feu allumé, le cavalier put enfin réchauffer son corps meurtri et s'accorder un peu de repos. Du moins jusqu'à ce qu'un nouveau visiteur ne pénètre la petite caverne.

Akizuki avait à peine commencé son périple. La veille seulement son maître lui avait annoncé son désir qu'il quittât la maison, le jeune homme avait obéi sur-le-champ. Le matin même il avait emporté un bagage léger pour prendre la route sans se retourner, vite. Il n'avait pas véritablement fait attention lors de son départ, Kôjirô l'avait bien vu à l'expression absente de son visage lorsqu'il passa la porte. Il n'avait pas fait attention au temps, ni à son chemin ni vraiment à son bagage. Kôjirô l'avait bien vu en le laissant partir, il avait été mécontent et assuré que la décision d'envoyer Akizuki en voyage était bien la bonne. Comment, ce gamin ne remarquait même pas qu'il allait être pris en pleine tempête de neige ? Inconscient de tout, il décidait de monter au temple, comme ça, comme une fleur, sous la neige ? Allons, allons, stupide garçon ! Mais Kôjirô n'avait rien dit et avait laissé son disciple partir. Il espérait sombrement que ce garçon saurait apprendre et évoluer.

Akizuki marchait le long du sentier de montagne, montant vers le sommet. Au début la neige le fouettait mollement mais elle se fit de plus en plus insistante, s'infiltrant et faire voler sa courte cape. Il remonta son foulard noir sur son visage pour le protéger, mais le froid était de pire en pire. Le jeune samurai prit soudaine conscience de sa folie d'avoir pris cette route par ce temps... Maintenant, il ne pouvait plus rebrousser chemin de crainte de devoir passer une nuit mortelle dans la montagne en pleine tempête. Un court instant, il se maudit de sa négligence mais cela ne servait à rien : il serra les dents et força le pas. La seule solution était d'atteindre un abri avant le coucher du soleil. Il aurait bien le temps plus tard de réfléchir à son inconséquence.

Déjà la lumière déclinait, blanchissante puis grise. Ses mèches noires étaient collées par le gel, il serrait sa cape noire autour de ses épaules en courbant la tête. Il devait bien y avoir une maison, une cabane quelque part ! Comme cette pensée l'occupait, il leva un regard plein d'espoir sur la montée qui l'attendait et vit immédiatement une lueur étouffée à travers les flocons dans l'obscurité montante. Un soupir de soulagement lui échappa, même s'il n'était pas tellement surpris. Quoi, ça faisait à peine un jour qu'il avait quitté le temple de Suigyuu, il n'allait pas mourir dans une tempête de neige sur la montagne d'à côté !

Reprenant vigueur il monta les derniers mètres et entra sans attendre dans la caverne. D'un regard il embrassa la scène, le feu, le cheval couvert et surtout le guerrier qui se réchauffait de son mieux. Akizuki s'inclina poliment et s'approcha du feu.

"Me permettez-vous de partager cet abri pour la nuit ? La tempête fait rage."

Il secoua ses cheveux alourdis de gel. Sa cape noire laissait tomber des paquets de neige qui formaient des flaques sur le sol. Du coin de l'oeil, il jaugeait prudemment son compagnon.

Alors qu'il frottait ses mains près du feu pour qu'elles soient tout à fait réchauffées, il entendit des pas, à travers la neige, s'approchant de la grotte. Fort de l'expérience acquise pendant ses années d'errance à travers l'Hinomoto, il porta par réflexe la main droite à la garde de son arme, posée à son côté. Le nouveau venu entra, il était seul et visiblement il venait de passer un bon moment dehors sous la neige. Jugeant qu'il ne s'agissait aucunement d'une menace à court terme, le mercenaire retira la main de la poignée de son arme et la rapprocha du feu, sans quitter du regard le nouvel arrivant.
Essayer de deviner à quel clan appartenait cet homme était difficile, il n'arborait aucun symbole ou aucun signe distinctif particulier. Mais à ses vêtements chauds et son allure froide et distante, Kidô pensait que cet homme était de Suigyuu, sans en être parfaitement sûr. L'ex-capitaine aurait préféré ne pas croiser de membres de ce clan mais après tout, c'était toujours mieux que de tomber sur un Nezumide. De plus ce guerrier semblait bien trop jeune pour avoir entendu parler de lui, et c'était tant mieux. Un peu plus détendu que lors de l'entrée de son invité dans la grotte, ce fut avec calme et politesse qu'il accueillit les premières paroles du nouveau venu.

"- Me permettez-vous de partager cet abri pour la nuit ? La tempête fait rage.
- Je serai bien malhonnête de refuser l'abri à un voyageur dans la même situation que moi. Installez-vous, je vous en prie. Je suis Nagure Kabuto, humble pèlerin. À qui ai-je l'honneur ?"

Bien que cet homme ne constituait pas un danger pour lui, Kidô ne pouvait risquer de lui révéler son vrai nom. Après tout il évoluait trop près de sa terre natale, ce n'était pas le moment de commettre une imprudence supplémentaire, il se devait d'être plus vigilent que jamais.
Maintenant qu'il était suffisamment réchauffé, le rônin s'éloigna du feu pour rejoindre son cheval. Après avoir sorti quelques affaires de son paquetage il s'en retourna vers le feu. Il remplit un bol en bois d'eau et le tendit, à l'aide d'une perche, au dessus des flammes pour la faire bouillir. Au vu du temps à l'extérieur, Kidô ne pouvait se contenter de quelques boulettes de riz froides, il lui fallait manger quelque chose de plus chaud et de plus consistant. En attendant que son eau ne bout, il restait parfaitement ouvert à la conversation que son compagnon d'infortune ne tarderait sans doute pas à initier.

Akizuki s'inclina profondément en remerciement pour l'hospitalité. Il voyait l'homme en face de lui avec acuité, avec une conscience puissante de sa présence. Il avait remarqué son geste quand il avait posé la main sur la poignée de son arme. Malgré son manque d'expérience le jeune homme avait de l'entraînement. Il avait été à bonne école avec le moine guerrier.
Pas un seul instant Akizuki ne crut que ce Nagure Kabuto était réellement un simple pélerin. Instinctivement il sentait le danger ; en réponse il se tenait sur le qui-vive.

"Je m'appelle Fuyama Akizuki, répondit-il. Je viens d'un temple de Suigyuu."

L'autre s'éloigna quelque peu pour s'occuper du cheval et Akizuki en profita pour ôter sa cape. Le fourreau noir de son sabre apparut entre les pans de son manteau. Il s'assit en tailleur devant le feu et s'y réchauffa en finissant de faire tomber la neige de ses cheveux. L'odeur du cheval envahissait la pièce, chaude et évoquant la terre. Le jeune homme respira profondément et s'efforça de prendre conscience que son voyage avait commencé, que le vieux temple de Suigyuu n'était plus son foyer.

En attendant, son compagnon d'infortune mettait à chauffer de l'eau, sûrement allait-il cuire quelque chose. Akizuki le regarda en silence quelques instants. Il se demandait quoi dire pour briser ce silence, aussi finit-il par tirer de son sac quelques nouilles de soba pour les proposer à Nagure.
Le vent soufflait en rafales furieuses et sifflait dans l'entrée de la caverne. Akizuki se releva un peu pour changer de place autour du feu, de manière à être face à l'entrée. Il hésitait à parler, étant taciturne de nature, mais la perspective de passer une nuit silencieuse avec cet inconnu le poussa à engager conversation :

"Où alliez-vous par ce temps ? Moi je pensais me rendre au temple Iriwaku avant de commencer mon voyage... Mais cette tempête m'a pris par surprise."

Il en était assez penaud et osait à peine imaginer ce que lui dirait le vieux Kôjirô s'il voyait son disciple en cet instant.

Spoiler:

Son, "invité", était légèrement tendu, près à l'action. Le geste de Kidô quand l'homme était entré dans la grotte n'avait pas du passer inaperçu, ou alors cet homme était extrêmement prudent. Dans les deux cas, ils si aucun geste directement hostile n'émanait de lui, Kidô n'avait rien à craindre. Cependant il préférait rester prudent.

"Je m'appelle Fuyama Akizuki. Je viens d'un temple de Suigyuu."

L'ex-capitaine avait vu juste, cet homme était bien un guerrier de Suigyuu. Son arme apparaissant désormais clairement à la vue du rônin et celui-ci ne considérait pas cela comme un bon présage. Cependant deux signes le rassuraient. Cet homme paraissait encore plus jeune maintenant qu'il avait enlevé son manteau, il ne devait pas avoir plus de 20 ans, et, d'après ses dire, il vivait dans un temple, sans doute un peu en retrait du monde. Il était très peu probable qu'il connaisse Kidô de réputation. Tomber sur un vétéran de la guerre aurait par contre été une toute autre histoire. . .

Pendant qu'il faisait tranquillement chauffer son eau, il remarqua que Fuyama-san sortait des nouilles de son paquetage, il y en avait visiblement trop pour une seule personne, et, à moins que son compagnon d'infortune soit doté d'un immense appétit, il avait sans doute l'intention de partager son repas.

Voyant que l'eau arrivait à bonne température, le rônin sorti quelques herbes de son paquetage pour l'aromatiser et y plongea quelques boules de viande afin de l'épaissir et d'offrir aux deux hommes quelque chose d'un peu consistant à manger. Il y avait manifestement trop de viande pour une personne seule, Kidô voulait montrer par son geste qu'il acceptait avec plaisir de mettre leurs provisions en commun pour ce repas.

Son compagnon bougea, sans doute ne supportait plus de sentir le vent qui s'engouffrait dans la petite grotte sur son dos, il se trouvait maintenant sur le côté droit de l'ex-capitaine, entre les deux hommes reposait le Taichi du cavalier.


"- Où alliez-vous par ce temps ? Moi je pensais me rendre au temple Iriwaku avant de commencer mon voyage... Mais cette tempête m'a pris par surprise.
- Nous allons au même endroit dans ce cas. J'ai moi aussi été bêtement surpris par cette tempête, je crois que ce voyage pourra nous servir de leçon à tous les deux."


Celui qui se faisait appeler Nagure Kabuto se voulait résolument amical afin d'apaiser la légère tension présente entre les deux hommes. Ceux-ci n'avaient aucune raison de se battre et avaient, au contraire, tout intérêt à dormir profondément cette nuis, avant d'attaquer la partie la plus dure de l'ascension vers le temple d'Iriwaku. En effet, le temple étant bâti à flanc de montagne, presque au sommet, la fin du voyage risquait d'être des plus compliqué, et elle le serait d'autant plus que la neige qui tombait actuellement risquait fort d'être recouverte de verglas au petit matin...

Akizuki appréciait à sa juste valeur la sympathie qu'affichait son compagnon. Il mangea de bon appétit, bien loin des préoccupations qui agitaient Kabuto. Le jeune homme ne pensait pas à la seconde partie de la route, ni à la tempête au froid ou à la neige. Sûr de lui, certain d'être invincible comme seuls savent l'être les adolescents, Akizuki ne pensait qu'à ce qui l'attendait au cours des péripéties qu'il ne manquerait pas de vivre. La remarque de Kabuto à propos de leur manque de prévoyance le fit revenir que terre... Le maître Kôjirô avait eu raison de le disputer sans cesse sur son manque de maturité. Akizuki s'inclina poliment, les mains au sol.

"Je suis sûrement celui de nous deux, protesta t'il, qui a le plus besoin de leçons pour l'avenir."

Mais qu'à cela ne tienne ! Akizuki décida de ne pas s'appesantir sur le sujet : ce qui est fait est fait. Maintenant qu'il en était là, au crépuscule de sa première journée de voyage, l'adolescent ne voulait pas penser à ce qui pourrait arriver de fâcheux. Juste la joie de l'aventure.

Le repas était frugal et bienvenu. Il manga rapidement, rangea son bol et resta quelques secondes immobile. Manifestement, il cherchait désespérement quelque chose à dire ou à faire pour ne pas rester silencieusement assis. D'un bond il se leva pour s'approcher du cheval. Dans son geste avait retenti un cliquetis métallique, celui de son sabre. Akizuki flatta de la main l'animal, appréciant quelques secondes son contact docile.

"Il semble un bon cheval, complimenta t'il en revenant auprès de Kabuto. N'avez-vous pas peur de l'emmener dans les montagnes ? C'est un voyage périlleux, surtout par ce temps."

A mi-mots, il essayait de demander au voyageur pourquoi il allait au temple. La raison en était toute simple : heureux de commencer un périple initiatique, Akizuki brûlait d'en informer le monde entier. Il lui semblait tout naturel que la conversation portât sur les voyages.

Tout en parlant, il s'était rassis et s'affairait à détacher son sabre de sa ceinture. Maintenant qu'elle n'était plus cachée par les plis du manteau on remarquait les dimensions inhabituelles de l'arme -la lame seule mesurant exactement un mètre. Le fourreau noir en était ouvragé, ancien et entretenu avec soin. Même maintenant, après des années à porter ce sabre à ses côtés, Akizuki ne cessait de l'admirer.
Il le déposa soigneusement à côté de lui et sourit à son compagnon. Le vent glacé hurlait dehors.

Ils avaient finalement mit leur nourriture en commun. Le tout chauffait à son rythme au dessus du petit feu, qui continuait de son côté à diffuser une chaleur agréable et bienvenue. Le vent entrait toujours dans la petite caverne par rafales, faisant entrer avec lui de petites quantités de neiges qui s'accumulaient au fil des heures.

"Je suis sûrement celui de nous deux qui a le plus besoin de leçons pour l'avenir."

Kidô fut tiré de sa courte rêverie par la voie de son jeune compagnon. Il releva les yeux vers lui et lui accorda un sourire simple et amical en toute réponse. Il était encore jeune, il avait tout le temps de tirer de chaque jour les enseignements dont il avait besoin. Alors qu'il lui remplissait son bol de leur bouillon il se dit qu'il ferait bien de le prévenir pour le verglas le lendemain matin, avant qu'il ne reparte.

Leur repas avait pour principales qualités d'être chaud et de tenir au ventre, ce qui était exactement ce dont ils avaient besoin au vu du froid qui régnait à l'extérieur. Il n'était pas non plus dépourvu de saveur, ce qui le rendait d'autant plus appréciable. Finalement son principal défaut était d'être trop court et trop peu fournis, mais deux voyageurs isolées dans une grotte au milieu du blizzard n'avaient pas les moyens s'offrir mieux. Le jeune homme, Akizuki, s'était levé et flattait l'encolure du cheval de Kidô. L'ex-capitaine le regarda faire sans se lever.

"- Il semble un bon cheval. N'avez-vous pas peur de l'emmener dans les montagnes ? C'est un voyage périlleux, surtout par ce temps.
- C'est mon compagnon de voyage, mon ami. Il m'a sauvé plusieurs fois la vie... et je crois bien que moi aussi, même si c'est moi qui décide de nos voyages et qui suis donc responsable de ce qu'il nous arrive. Je ne vois pas pourquoi j'aurai peur de l'emmener dans les montagnes, d'ailleurs je ne m'imagine pas aller quelque part sans lui, comme vous n'iriez sans doute pas en voyage sans votre sabre. Et puis, il est né dans les montagnes, il en a l'habitude. Honnêtement ce voyage serait bien plus périlleux pour moi sans lui."

Tout en parlant il avait rangé ses ustensiles de cuisine, qu'il laverait avec de la neige le lendemain sur la route, et s'était levé pour sortir sa paillasse et sa couverture de son paquetage. Il installa le tout relativement près du feu, qu'il alimenta à nouveau afin qu'il reste fort et chaud.

"- Je pense que vous devriez songer à préparer vos affaires pour la nuit, demain risque d'être une journée éprouvante : la neige sera recouverte de verglas et toute progression sera lente et périlleuse. Ah, et vu que vous êtes à pied, essayez de vous trouver une branche qui fasse office de bâton de marche, je crois que vous en aurez grand besoin."

Il espérait que le jeune homme ne prendrait pas mal ces quelques conseils, mais il semblait en soif d'apprendre quelques astuces et il accepterait sans doute avec plaisir ces paroles. Celui qui s'était fait appelé Nagure Kabuto restait ouvert à la discussion si son compagnon d'infortune avait envie de discuter d'autre chose ou d'approfondir un sujet déjà évoqué, mais s'il se contentait simplement de préparer ses affaires et de se coucher, le rônin irait également s'installer sous sa couverture pour la nuit.