~~Korosu wakede wa nai futsū no
L'ordinaire ne tue pas~~

La chaleur se faisait étouffante ce matin-là. Ayame Hebie, jeune chef d'un clan en perdition autant morale que militaire, venait d'émerger d'un court sommeil qui s'est trouvé aussi réparateur que réconfortent. Son regard fixe le plafond, doucement, la grande maisonnette où est installé le commandement est déjà en activité. On entend les ordres circuler, les cuisines s'activer, les soldats s'entraînaient au-dehors et, des doux petits pas annonce l'arrivée d'Asumi, sa servante, espionne et confidente.

La nuit a été compliqué. De longs entretiens, des discutions, des vérifications, de l'administration, parfois, elle maudissait son pauvre père de lui avoir laissé un tel merdier entre les mains. Lorsque tout l'accablé, que les problèmes se faisaient plus nombreux que les solutions, que ses propres soldats complotaient dans son dos... Lorsqu'elle pensait en finir avec une vie si rude, Asumi était là. Sa belle et au combien intelligente amie savait trouver les mots pour la réconforter. Elle avait finalement trouvé la force de boucler son travail pour finalement s'endormir paisiblement.

La belle Asumi entra dans la chambre de la Dame, ouvrit les volets et s'agenouilla devant son lit. Elle apportait un petit déjeuner, un peu de thé et des nouvelles fraiches de la ville. Son plus grand rôle, hormis celui de s'occuper de la Dame, était l'espionnage, quoi de plus facile pour une femme si bien faite que de soutirer des informations dans les coins les plus mal famé de la grande cité d'Hebie.

Ayame se leva tranquillement, enfila une tenue douce, souple et légère avant de s'asseoir devant la table remplit de bonne chose, préparait si tôt par les cuisiniers de la maisonnée. Asumi s'assit en face d'elle et après les banalités d'usage, elle baissa la voix pour mettre la jeune dame au courant des différentes nouvelles de soir.

Apparemment, les marins s'affolaient de plus en plus, en effet, la rumeur selon laquelle le seigneur Araki serait en ce moment en route pour les îles d'Hafu dans le but de convaincre les pirates du coin de devenir corsaires à sa solde s'avérait pour une fois juste. En plus de cela, le seigneur Hitsujide serait sorti de sa léthargie paresseuse et se remettrait en activité. Pour en finir avec les mauvaises nouvelles, un groupe d'animaux sauvages avaient dévasté un hectare de culture.

La mine d'Ayame devint plus pâle que d'ordinaire, le destin avait décidé de ne pas la laisser tranquille apparemment. Heureusement, le retour de Wakazaki Haizô était prévu dans la matinée. Haizô, un assassin hors pair travaillant sans relâche pour le clan Hebie, devenu important dans le cœur d'Ayame. Il vouait une adoration sans faille à la jeune femme, l'écoutait parlé sans rien dire et donnait souvent de bon conseil.

Le reste de la matinée fut finalement moins pénible que prévu. Elle dut rendre une visite au paysan dont les terres avaient été dévasté. Après un entretien d'une vingtaine de minutes sur l'état des lieux, le coût d'une telle perte, les solutions et le temps mis en oeuvre pour les réparations. Ce n'était pas la première fois que les récoltes étaient dévastés ces temps-ci, mais ses stratèges lui avaient conseillé de ne rien faire, prétextant que ce n'était qu'un incident isolé. Cette bande de vieillard croupissant, elle aurait mieux fait de les pendre l'un après l'autre. Elle donna au paysan de quoi refaire sa récolte, s'excusa auprès de lui et fit venir une dizaine de soldats. En ces temps de paix, leur activité principale se limitait à l'entrainement et aux maisons closes, autant qu'ils soient utiles. Elle leur donna la tâche de chasser les renards et d'effectuer des rondes autour des terres agricoles jusqu'à nouvel ordre. Ils firent la moue, mais durent s'exécuter.

En ce qui concernait les pirates, elle ne pouvait pas agir avec précipitation, elle consulterait d'abord ses stratèges, mais surtout Asumi et Haizô, ses conseillers secrets. Le seigneur Hitsujide sorti de sa léthargie poserait bientôt un problème, puisqu'il ferait sans doute une visite à la jeune Ayame. Elle détestait sa présence, trop intimidant, étrange, presque capable de vous percer à jour d'un simple regard. Elle ne lui vouait pas vraiment de haine, mais elle ne l'appréciait pas non plus. Lorsque le soleil fut presque au zénith, Asumi annonça enfin Haizô, il était de retour de mission.



Faites le entrer je vous prie... Asumi, faites sortir tout le monde et demandez qu'on nous apporte du thé.

Combien de temps déjà? Combien de fois sont venus? Sont passés? Et ne sont dorénavant plus… S’étend devant moi la pureté d’un océan aussi calme que mon âme à cette instant. Seul quelques vagues, à peine décelables, brise d’une pureté légère le flot de cette mer qui s’étend à l’horizon. Un horizon inatteignable, impossible d’accès et que pourtant tous désire. La volonté de s’étendre, celle de continué à accroître les choses qui sont déjà si bonnes. Un excès, qui n’hésite pas à empiéter sur les territoires d’autrui. Brisant les libertés, les enchaînant, pour au final les détruire dans le feu et le sang… Non, je ne serais jamais guérit de ce dégoût.

Mais qu’importe. La terre s’annonce à ma droite, une terre, qui m’est en émoi tout un équipage qui s’active, heureux de pouvoir retourner à leur terre, loin des tumultes d’un océan qui devient de plus en plus inquiétant. Les mers ne sont plus aussi sûres qu’avant, au contraire même, elles sont devenus le lieu de bataille, de destruction. Les épaves se comptent au nombre d’homme qui peuple la terre. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je rentre. Rentrer. Retourner voir ma dame, dont le visage me rappel tant celui de ma sœur. Hana… Si je vis, tu le sais c’est pour toi…

Le port n’a pas des masses changé, les gens sont toujours aussi pressés. Ils vont et viennent, s’attelant à leurs tâches dans une frénésie qui semble incontrôlable et qui pourtant a un ordre bien précis, réglé à la manière du monde. Personne ne regarde personne, sauf s’il s’agit pour le travail, pour le reste, on laisse les autres s’atteler à leurs travaux. La mienne est de retrouver ma dame. À la sortie du bateau, j’ai eu droit à la rencontre avec un serviteur, me demandant de me presser pour aller retrouver Dame Hebie Ayame. Il semble qu’elle ait besoin de moi. Ainsi je marche vers ce qui est la demeure de la jeune femme seigneur de ce pays. 18 ans, et elle se retrouve à la tête d’un clan, dont les difficultés se comptent largement plus que les bons cotés. Tout par de travers, et de ses frêles épaules, elle arrive à tenir le rythme. Un exemple pour tous, qui inspire sans nul doute la foi et l’espoir dans le cœur de ses sujets. Mais je l’ai déjà assez faite attendre comme ça.

Dépassant le port, me voilà dans le quartier où s’entasse les logis et les marchands, endroit où milles coins d’ombre sont à la portée de tous, et où de jeunes gens se délivrent des règles familiales pour venir flirter un temps dans les ténèbres. Je les comprend et ne pourrait les blâmer. Les temps sont durs, autant les laisser profiter d’une jeunesse qui peut disparaître en un souffle.

Le chemin le plus court, restera néanmoins toujours la ligne droite. Une ligne impossible à arpenter en suivant les rues et les routes. Seul solution : Les toits. Un chemin que j’affectionne particulièrement et qui devient alors ma ligne directrice. Me déplaçant vite sur ses tuiles, sautant de toit en toit, virevoltant jusqu’à la pièce où nul ne peut s’introduire facilement… Sauf moi. En quelques cabrioles, j’atteins le toit du palais. M’infiltre parmi les ombres, et arrive jusqu’à une fenêtre donnant sur la salle où ma dame semble attendre quelqu’un. Il est l’heure pour moi d’arriver.

Asumi m’avait vu. Cette femme était impressionnante et valait véritablement son rang d’espionne. Elle avait réussi à me voir dans l’ombre d’un coin de la pièce et avait annoncé mon arrivée, faisant sous les ordres de ma dame, partir tout le monde, et plongea après avoir fermé les portes, sont regard vers le coins d’ombres où je gisais patiemment. Puis en silence je m’approchais, laissant mon âme se délecter de cette future rencontre. Elle dont la beauté est semblable à l’être que j’ai perdu. J’étais enfin de retour à ses cotés. À quelques pas, je dépose une plume blanche sur la main de ma dame, la laissant tanguer sur sa main, et parcourant quelques pas vers la porte avant de me retourner et de me prosterner devant elle. Un genou à terre, la tête aussi basse que possible, enlevant le bandeau qui cachait mon visage, la regardant avec un sourire sincère.

Elle eut un sursaut lorsque le jeune homme sortit de l'ombre. Elle, qui jamais n'avait pri l'habitude de le voir surgir ainsi, esquissa un sourire de honte et de soulagement. Haizo était là, enfin... Ce jeune homme avait pris beaucoup d'importance au cours du règne de la belle, il avait été présent, surtout pour la surveiller, mais pour elle, c'était plus que ça. Sans parler d'une amourette, il l'écoutait autant qu'Asumi, était intransigeant avec les traitres et les comploteurs et en plus d'être le plus doué des assassins de l'Hebie, il était charmant.

Il s'inclinait à présent devant Ayame, aussi bas que le veut la tradition au sein des clans, mais moins solennellement que prévu. Il avait souri lui aussi. Elle plongea son regard dans le sien et lui rendit un sourire, aussi sincère que peut l'être une jeune femme de 18 ans, propulsée au rang le plus important d'un clan en péril. Elle le salua de la tête.


Qu'il est bon de vous revoir, maitre Haîzo, sein et sauf... Je manque à mes devoirs, après un tel voyage, vous devez surement être épuisé.

Asumi lui fit un signe et la jeune femme se tut sur-le-champ. Une servante entra à genoux pour apporter le thé. Elle s'inclina une nouvelle fois et quitta la pièce, toujours aussi bas. Lorsqu'enfin le panneau de bois coulissa, Ayame servi trois bols de thé, délicatement, gracieusement, lentement, sans faire le moindre faux pas. On lui avait inculqué très jeune l'art de servir le thé et depuis ce jour, on peut dire que cette cérémonie était acquise et maitrisé par la belle. Elle tendit un bol à son fidèle shinobi et invita Asumi à se joindre à la conversation.

Lorsque tout trois eurent partager quelques gorgés du breuvage des dieux, Ayame reprit un air sérieux et posa délicatement son bol devant elle.


Maitre Haîzo, je suis désolé de ne pas avoir le temps nécessaire à vous consacrer pour les amabilités d'usage, mais l'heure est grave. Les complots se multiplies, mais vous aurez tout à loisir d'en discuter avec Dame Asumi. Un problème plus urgent et non sans gravité risque de passer les portes du palais. Elle marqua une pause dans son récit.

Hitsujide Tenzo est sorti de sa léthargie.

Le jeune assassin esquissa un frisson de dégout.


Je connais vos positions par rapport au Hitsujide et je les partage pour la plupart. Le Seigneur des béliers risque fort de passer nous voir sous peu. Je ne suis pas particulièrement confiante au sujet de cette rencontre.

Son regard se perdit dans la pièce, trop pensive, le seigneur Hitsujide l'avait toujours mis mal à l'aise, c'était un homme occulte, réserver et en même temps si familiers. Elle exercerait sa présence, personne dans tout l'Hinomoto ne pouvait se vanter de connaître ce Seigneur. Elle se concentra à nouveau sur son vassale et parla d'une voix claire et limpide:


J'annule toutes vos prochaines missions maitre Haîzo. La seule et unique chose dont vous devez vous soucier sera ma protection. Je vous veux à mes côtés, déguisé en ce que bon vous semble, à observer le Seigneur, mais sans agir. Je connais vos opinions à son sujet, mais croyez-moi, ce n'est pas le bon moment. Le clan est trop faible pour cela, trop fragile, une telle révolution le tuerez sur-le-champ. Vous resterez à mes côtés jusqu'à nouvel ordre.

Elle avait employé le ton qui convenait à une Dame. Mais quelque part, elle se sentait mal à l'aise de donner des ordres à un homme comme Wakizaki Haîzo, si puissant, si beau, si dangereux.


Si vous avez des questions, maitre Haîzo, je vous écoute.

Elle s'inclina devant lui, attrapa son bol et bu une nouvelle gorgé de thé. Asumi, à genoux, n'avait dit mot du discours et continuer de jouer les carpes. Elle était d'accord avec la jeune dirigeante et c'est elle qui lui avait conseillé de prendre de telle mesure drastique pour la sureté d'Ayame. Une nouvelle page de l'histoire des Hebie se tournait.

Beauté de langage, beauté d’action, tout n’était qu’infini beauté dans un décors idyllique et sacré. Pouvions-nous vivre plus beau moment que ces moments qui nous mènent dans une paix et sérénité infini? Sans doute oui. Les regards sont sans cesse porté vers nous autres, personnages proches des grands de ce monde. Grand? Oui, car la puissance est une chose relatif alors que la grandeur, comme celle de ma Dame était un fait acquis et offert à contemplation en ce qui la concerne. Les ordres étaient offerts, et les bols ordonnés dans un concert de forme et de solennité qui me fit presque partir en fou rire tant la situation était peu loquasse. Nous avions tous quasiment le même âge et pourtant nous nous comportions comme si nous avions vécu deux fois notre vie actuel. Le défaut de la royauté nous oblige à se nuire d’une apparence totalement inutile et pourtant indispensable au bon fonctionnement de l’ordre. La base quoi.

Ma dame fut sans appel et sans aucun détournement, comme je l’appréciais et l’apprécie toujours. Une pureté de parole qui laissait vibrer les ordres comme de doux chants mélodieux à mes oreilles. Mais un chant dont les fausses notes vibraient avec autant de régularité qu’elles ne pouvaient cacher la vérité de la situation. Un instant qui passait comme une musique nous semblerait harmonieuse, mais franchement, rien n’était plus affreux que la chanson qu’elle me chantait à ce moment précis. L’homme qui porte mon horreur et ma haine, obligé de me retrouver à quelques pas de lui, avec l’impossibilité de frapper la tête de ce corps qui me dégoûte et offre en ce moment un goût amer à ce thé qui aurait dû être une délectation de mes sens.

Mais si la situation était affreuse en ce point, elle l’était tout autant qu’un être me brisait joyeusement les joyeuses. Ma dame ne voyait pas le dégoût et le dédain que j’y portais. Un sentiment amer de corruption et de rage, mixé par l’affreuse sensation d’être prit pour le dernier des cons. Si le jeu était l’adage de cet être qui voulait se jouer des autres en ma présence, il fallait savoir que je suis un très mauvais joueur, encore pire lorsqu’il s’agit de perdre autant que la fierté qui est la mienne. Les ordres allaient dans une logique simple mais une logique qui n’allait pas en adéquation avec le reste. Aussi je me levai, faisant fit des usages courant de nos coutumes.

« Pardonnez mon irrespect envers la situation mais je n’ai cure de ce genre d’action aussi puérile. D’autres choses sont nettement plus importante qu’une simple rencontre. Vous pensez être à la hauteur d’un empire tel que celui-ci? Détrompez-vous… Au revoir Asumi. »

Sans me retourner, je passe à coté de ma dame dont le visage n’eût en aucun cas mon attention. Il y avait des choses qui devait être faite avant ce genre d’action. Tel est le jeu de la cour, un jeu où l’on doit se méfier de tout et de tous, encore plus de ses amis et de ses soi-disant alliés. Vous voulez du rêve? Venez donc, mais prenez garde, le cauchemars réside dans l’ombre, prêt à vous prendre de court. Et même si mon corps plonge dans les ténèbres qui s’étendent dans l’arrière de la salle, je connais les pensées de la femme à qui je tournais maintenant le dos. Quant à Asumi, je ne me faisais pas de mourrons quant à son compte. Nous savions aussi bien l’un que l’autre les tenant et aboutissant de ce genre d’action…

L’ombre me recouvre et je disparais de la vue de tous. Maître Haizô, ce titre ne m’était pas offert pour rien. Et pour l’heure, je réside dans les ténèbres, écoutant la chanson qui continue sans moi, toujours aussi fausse, toujours aussi désagréable. Un putain de brouhahaha affreux qui me donnait envie de gerber tant c’était incombant à mes oreilles. Mais enfin, après bien dix minutes de latence où le silence baignait l’incompréhension de ma dame, je pus entendre le délicat son d’un battement d’aile rapide et frénétique qui s’éloignait dans un rythme égale à celui des tambours sacrés. Le signal était donné.

En un temps infiniment petit, une suite d’acte survint, produisant un bruit aussi sourd qu’avant, mais nettement moins désagréable. Des bruits d’étonnement, de cris et de mort, de chair qui se déchire et de sang qui s’écoule, avant que les corps ne lâchent leurs prisent et s’écroulent dans un flot de sang sur le sol sacré. Trois corps tombent et leurs sangs baigne le sol nacré. Mais ce n’est pas fini. Un saut vers la porte et la voilà ouverte par un large coup de pied, plantant ma lame dans le crâne d’une servante qui git maintenant à terre, le crâne découpé.

Lame rangé, un claquement de doigt fit arriver quelques gardes qui débarrassent les corps mutilés et nettoie le sang qui se rependait doucement sur le sol. Enfin, je m’approche des deux jeunes femmes, au plus près de ma dame, m’inclinant complètement, demandant son pardon par cet acte pour l’irrespect dont je fis preuve, et me relevant, baissa la tête en m’excusant.

« Gomenasaï ma Dame. Mais il fallait absolument que ces gens croient et envoies à leur corps le message selon lequel je n’aurais pas fait partie de votre cortège. Je vous présente mes excuses pour ce manque total de respect et me met à votre entière disposition pour toute punition exemplaire. Quant à votre ordre, ce sera un plaisir de vous servir ma dame.