Le regard azuré de Mika suivait avec attention le déplacement lent et onduleux de ses doigts qui caressaient doucement son mempo, flattant d'un toucher curieux le contour des lèvres grimaçantes du masque sombre. Pensive, la jeune femme faisait ainsi face à son armure écarlate, hésitant à la détrôner du chevalet qui l'arborait pour s'en vêtir. Après un soupir las, elle éloigna finalement sa main du mempo et s'en détourna pour traverser la chambre, sous l'air strident du parquet dénonciateur où chaque pas se trahissait immanquablement de grincements aigus. Depuis longtemps accommodée de cette précaution d'alerte contre d'éventuelles intrusions malveillantes, Mika quitta sa demeure l'esprit songeur, peu distraite par les notes agressives du bois criard que son oreille avait appris à apprécier.
Au loin, le soleil incendiait un ciel déjà éclairci par la blancheur de nuages immaculés. Une légère brise éloignait du front de la samurai quelques mèches brunes rebelles, jouait sur ses épaules découvertes qu'aucune protection n'embarrassait. Dédaignant comme à son habitude le port de l'armure, qu'elle n'acceptait qu'en situation de guerre, Mika avançait droit devant elle d'un pas déterminé, les cicatrices que cette manie imprudente n'avait pu épargner mises en évidence par des rayons matinaux.
Lorsqu'elle parvint au terrain d'entrainement, elle s'immobilisa et resta à ses abords pour observer à distance le jeune homme qui l'avait devancée. Tandis qu'elle le regardait, son expression sévère s'adoucissait et son esprit s'apaisait, ses inquiétudes distraites par sa concentration sur les mouvements précis et rapides de son collègue. Soudain, le chant de la lame de ce dernier s'éteignit dans son fourreau, réveillant Mika de sa torpeur. Le visage de nouveau paré de traits durs et froids, la samouraï le salua d'un ton railleur :
- Je n'ai rien contre un affrontement au corps à corps, Usagi-chan, mais tu aurais plus de mérite à accuser une défaite au sabre...
Les yeux plongés dans ceux d'Enichi, la jeune femme le rejoint calmement, puis s'arrêta à quelques mètres devant lui pour brandir son katana.
- ... à moins que tu n'aies que le courage d'affronter le vent, ce matin ?
Rencontré deux ans plus tôt en tant qu'adversaire sur le champ de bataille qui opposa les Usagite aux Toragi, Enichi était habitué aux provocations de Mika, qui depuis lors s'était bornée à le surnommer d'après le clan duquel il était sorti vaincu, consciente de l'importance qu'il attachait désormais à leur clan commun et désireuse de le sortir de son calme imperturbable. Malgré son affection profonde pour son collègue, Mika n'avait jamais su l'approcher autrement que par des railleries, préférant justifier les contacts réguliers qu'elle entretenait avec lui par une rivalité persistante.
Son regard franc menaçait Enichi, dont elle attendait en position d'attaque la dégainée de son sabre. Elle finit toutefois par faire l'effort de lui sourire d'un air enjoué, l'incitant plus courtoisement à s'entrainer avec elle.